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femble, tantôt feparement. Ils parcourent plu AN. 1112. fieurs provinces : marchant pieds nuds, & vivant très-aufterement; particulierement Vital, qui ne mangeoit point de chair, bûvoit rarement du vin, fe nourriffoit de pain d'avoine, de legumes, de miel, de fromage; couchoit fur la paille & dormoit peu. Ils fonderent tous quatre des moSup. liv. nafteres. Robert, celui de Fontevraud; Bernard, 65.n.46. celui de Tiron; Vital, Savigni; & Raoul, S. Sulpice, près de Rennes. Les trois premiers monafteres furent chefs de congregations. Fontevraud fut fondé en 1106. comme j'ai dit, Savi gni, en 1112. Tiron, en ii14.

Vital s'étoit retiré dans la foreft de Savigni dès l'an 1105. fes ermites vivoient chacun felon le don qu'il avoit reçu de Dieu; mais s'étant mulipliez jufques au nombre de cent quarante & plus ils defirerent vivre en commun, & engagefent Vital à demander à Raoul de Fougeres quelques reftes d'un vieux Château près du bourg de Savigni. Ce feigneur lui donna nonfeulement les ruïnes qu'il demandoit, mais toute la forêt pour y bâtir un monaftere fous l'invocation de la fainte Trinité; & l'acte de donation Chr. Savig fut paffé au mois de Janvier 1112. Turgis évêque to. 2. Mif tell. Balux. d'Avranches y foufcrivit avec les feigneurs du pays; Henri roi d'Angleterre, étant à Avranches confirma la donation par fes lettres du fecond jour de Mars; & Pafcal II. par fa bulle du vingt-troifiéme, où il accorde à cette églife le privilege de n'être point comprife dans l'inter dit general jetté fur tout le diocese. Vital donna à la nouvelle communauté la regle de S. Benoît avec quelques conftitutions particulieres, & ils prirent l'habit gris. Le nombre des moines & la quantité des biens augmenta bien-tôt ; & Savigni devint un des plus celebres monasteres de France.

.310.

Fondation

Quant à l'abbaye de Tiron, il faut reprendre T'hiftoire de Bernard fon fondateur. Après qu'il AN. 1112. eut quitté fon abbaye de S. Cyprien de Poitiers, XX. - pour ne fe pas foumettre à Clugny, les moi- de Tiron. nes de faint Cyprien travaillerent pendant enSup. liv viron quatre ans à défendre leur liberté, & ne Lxv. n. 9. pouvant y réüffir, ils eurent recours à l'évêque Vita Bern. de Poitiers; & avec fes lettres ils allerent trou- cap. 7;, ver leur abbé dans le défert où il s'étoit retiré ap. Boll. 10. 10. p. 2250 avec Vital & Robert d'Arbriffelles. Bernard revint avec eux, & entreprit même le voyage de Rome monté fur un âne avec fon mechant habit d'ermite; & fut très bien reçu du pape Pascal, inftruit de fon merite par les cardinaux Jean & Benoît, qui avoient été legats en Aquitaine. Le pape le rétablit dans fes fonctions d'abbé, & il gouverna fon monaftere en paix pendant quelques années ; après lefquelles quelques moines indociles de S. Cyprien exciterent ceux de Clugny à renouveller leurs pourfuites, & Bernard fut obligé d'aller une feconde fois à Rome.

Il n'y fut pas fi bien reçu que la premiere ; & fe croyant in juftement condamné, il cita le pape & fon confeil au jour du grand jugement. Le pape offenfé de cette liberté, lui ordonna de fe retirer; mais par l'avis de fon confeil il le rappella. Il fut écouté dans un concile, où il reprefenta que le monaftere de faint Cyprien de Poitiers étoit plus ancien que celui de Clugny & que la dignité d'archi-abbé que l'abbé de Clugny vouloit s'attribuer étoit inconnue dans l'églife. Enfin il plaida fi bien fa caufe, que fon monaftere fut declaré libre, & le pape voulant retenir à Rome un homme d'un fi grand merite, le pria d'accepter la dignité de cardinal. Mais Bernard loin d'y confentir, fupplia le pape de le décharger même de fon abbaïc, &

Sup. liv

LXV. n. 3.

fit fi bien qu'il l'obtint. Le pape fui donna don commiffion de prêcher, baptifer, recevoir les confeffions, & impofer des penitences en parcourant divers pays; l'exhortant à recevoir la nourriture corporelle de ceux à qui il adminiftreroit la fpirituelle; & il commença par l'admettre lui-même à fa table tant qu'il demeura

à Rome.

Bernard étant de retour à Poitiers, quitta pour toûjours le monaftere de S. Cyprien, où il fit élire un autre abbé; & fe retira avec quelques difciples à l'Ifle de Chauffey où il avoit déja demeuré. Mais peu de tems après il y vint des pirates qui pillerent fa chapelle, & en profanerent à fes yeux les vafes facrez; ce qui lui fit tant d'horreur, qu'il renonça pour toûjours à cette habitation. Il revint donc en terre ferme fur la côte de Normandie avec fon ami Vital, & fa rêputation lui attira plufieurs difciples. Mais comme ils ne pouvoient fubfifter que du travail de leurs mains, ils ne favoient où trouver du tems pour cette multitude de pfeaumes que l'on recitoit alors dans la plupart des monafteres. J'entens ces pfeaumes de furerogation, outre l'office Sup. liv. canonial dont il eft parlé dans les coûtumes de Clugny, Bernard après avoir confulté Dieu,crut que fa volonté étoit que l'on retranchât ces pfeaumes en faveur du travail.

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60.

Vital ayant fondé le monaftere de Savigny, Bernard & fes difciples allerent d'un autre côté chercher un lieu pour s'établir; & s'adrefferent à Rotrou comte du Perche, qui leur donna d'abord un lieu commode & agréable près fon château de Nogent; mais enfuite par le confeil de fa mere il revoqua cette donation, pour ne pas faire de peine aux moines de Clugny qu'il avoit établis dans la même ville. Il donna donc à Bernard & à fes difciples un lieu plus écarté

- dans le bois nommé Tiron, du ruiffeau qui y = passe; il y bâtirent un monaftere de buis; & Bernard ayant reçû la benediction d'Ives de Chartres évêque diocefain, y celebra la premiere meffe le jour de Pâques 1109. Les habitans du païs gens grothers, voïant ces nouveaux venus vêtus d'habits pauvres & heriffez de poil trèsdifferens des autres moines, allerent s'imaginer que c'étoient des Sarafins efpions venus par fous terre; & ce bruit s'étant répandu,on envoya les reconnoître Mais quand on vit des hommes paisibles & fans armes, qui bâtiffoient de petites cellules & chantoient des pfeaumes, on publia que c'étoit de nouveaux prophetes; ce qui attira le peuple en foule pour les voir ; & Bernard profitant de l'occasion, leur prêcha les veritez éternelles, & en convertit plufieurs qui embrafferent la vie monaftique fous fa conduite. Il lui vint des moines de differentes maifons & des nobles; d'autres lui offroient leurs enfans & leurs parens, & plufieurs de fes difciples gouvernerent enfuite divers monafteres.

Cependant les moines de Clugni du prieuré c. si de faint Denis de Nogent, pretendirent avoir droit de dîmes & de mortuaires dans le lieu où étoit bati le nouveau monaftere. Bernard ne voulut point le leur difputer, & aima mieux quitter les bâtimens que fes difciples avoient élevez avec bien de la peine. Il s'adreffa à Ives de Chartres, & lui demanda une portion de terre appartenante à fon églife, & contigue à celle que le comte Rotrou leur avoit donnée. L'évêque & le chapitre la leur accorderent volontiers, la charte de cette donation eft datée du troifiéme de Fevrier 1113. & porte referve expreffe de la jurifdiction épifcopale. Cette Gall. Chi's terre étoit fur le ruiffeau de Tiron; & le nou- t. 4.P. 86.4% yeau monaftere que l'on y bâtit, s'accrut con

AN. II12.

XXI. Obfervance de Cif.

teau.

fiderablement en peu de tems, principalement par les liberalitez du comte Rotrou ; & devint chef d'une grande congregation, dont, dépendoient douze abbayes, quarante-huit prieurez & vingt deux paroiffes.

Le monaftere de Cifteaux avoit fait peu de progrès depuis quatorze ans qu'il étoit fondé; & pour affermir l'état, l'abbé Alberic, par le Sup. liv. confeil de la communauté, envoya à Rome LXIV. n. 94. deux de fes moines; avec des lettres de recomExord. Cift. mandation de Jean & Benoît cardinaux alors le

C. 10. II.

$2. &c.

gats en France, de Hugues archevêque de Lion & de Gaultier évêque de Châlon, diocefain de Cifteaux. Cette députation tendoit à demander

au pape fa protection pour le nouveau monaf

tere, contre toutes fortes de perfonnes ecclefiaftiques & feculieres, principalement contre les moines de Molefine; afin que ceux de Cifteaux puflent pratiquer en repos leur faint inftitut. C'est ce que le pape Pafcal leur accorda

par

fa bulle, donnée à Troye en Pouille le dixneuviéme de Mars indiction huitiéme l'an 1100. Cifteaux n'y eft point autrement nommé, que le nouveau monaftere du diocefe de Châlons, & le pape en lui donnant fa protection, referve la reverence canonique, c'eft-à-dire la jurifdiction epifcopale de l'évêque diocefain, & confirme tout ce qu'avoit fait l'archevêque de Lion, pour mettre la paix entre Cifteaux & Molesme.

Alors Alberic & fes confreres réfolurent de pratiquer exactement la regle de faint Benoît, & de rejetter tout ce qui y étoit contraire, favoir, les frocs, les pellices, les fergettes, les chaperons, & les femoraux; les couvertures & les draps d'étamine pour les lits; la diverfité des mets dans le refectoire, & la graiffe. Ils ne trouvoient ni dans la regle ni dans la vie de faint Benoît, qu'il eut poffedé des églises, des

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