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fpirituelles

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& mettre auffi l'interdit fur fes terres › il craignit & promit de rendre tout. Mais au même tems arriverent des lettres du pape, qu'il avoit follicitées, & qui levoient l'interdit déja prononcé par l'évêque de Paris. Alors le roi ne voulut plus rien executer de ce qu'il avoit promis, & les évêques demeurerent chargez de confufion. C'eft ce qui paroît par la epift. 47. lettre que faint Bernard écrivit fur ce fujet au pape Honorius, fous le nom de Geofroi évêque epift. 46. de Chartres; & par celle qu'il lui écrivit au nom de l'abbé de Pontigni & au fien, fe plaignant qu'il s'eft laiffé furprendre en cette occafion. Il fe plaint encore dans une lettre à Aimeri chancelier de l'églife Romaine, qu'il a vû avec douleur l'autorité du faint fiege donner à la tyrannie de nouvelles armes.

epift. 48.

12. 2.

Le pape Honorius prit enfin le parti de l'évêque de Paris; & on croit que fon affaire fut terminée au concile de Reims tenu en 1128. epift. 49. mais le roi demeura irrité contre l'archevêque de Sens. Surquoi faint Bernard écrivit au pape en ces termes: Nous vous reprefentons avec confiance & fidelité ce que nous voyons en ce roïaume de contraire à la religion. Autant que nous pouvons juger nous qui fommes proches, le roi Louis ne perfecute pas tant les évêques, que leur zele pour la juftice, leur pieté, l'exterieur même de la religion. Vôtre fainteté le peut aisément connoître, en ce que ceux qu'il honoroit, qu'il croioit lui être fideles, & admettoit en fa familiarité, lofque leur habit & leur conduite étoit toute feculiere, font devenus fes ennemis, depuis qu'ils menent une vie digne de leur facerdoce, & qu'ils honorent leur miniftere. C'est la fource des outrages qu'a fouf. ferts l'évêque de Paris tout innocent qu'il étoit, mais le Seigneur s'eft fervi de vôtre main pour

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LX.

du Lbre ar

ep. 52.

le foûtenir. De là vient encore à prefent, que le roi s'efforce d'ébranler la fermeté de l'archevêque de Sens afin qu'ayant abbatu le metropolitain, il attaque plus aifément fes fuffragans. Qui doute enfin que ce n'eft qu'à la religion qu'il en veut, puifqu'il l'appelle ouvertement la ruine de fon royaume, & l'ennemi de fa couronne ? Nous vous fupplions donc, très-faint pere, de prendre

connoiffance de cette affaire: car fi on la ramene à être jugée devant le roi, c'eft livrer l'archevêque à fes ennemis. Le pape n'ayant pas estimé à propos d'évoquer à foi la caufe de l'archevêque, faint Bernard le pria au moins de recevoir fon appellation, & recommanda l'affaire au chancelier Aimeri.

Vers le même tems il lui écrivit une autre Traité de lettre, où il le prie de le faire décharger des af3. Bernard faires que le pape lui renvoïoit. Il ne me fert de bitre, &c. rien, dit il, de n'être point occupé de mes affaires, puifque je le fuis de celles d'autrui. Je ne voi rien de plus sûr d'obéir au pepe, moi pour que pourvû qu'il veuille bien faire atttention à ce que je puis. Il offre enfuite au chancelier de lui envoyer le traité du libre arbitre qu'il venoit de publier, & qu'il avoit adreffé à Guillaume abbé de faint Thierri.

Opufc. 9.

C. I.

812.

L'occafion de cet ouvrage fut que faint Bernard, parlant un jour en public, & reconnoiffant qu'il étoit redevable à la grace de Dieu, de l'avoir prevenu dans le bien, du progrès qu'il faifoit, & de la perfection qu'il efperoit: un des affiftans lui dit: Que faites vous donc, ou quelle recompenfe efperez-vous, fi c'est Dicu qui fait tout? Pour répondre à cette objection, faint Bernard obferve d'abord, qu'afin que l'on puiffe agir, deux chofes font neceffaires, l'inftruction & le fecours. La volonté ne s'émeut jamais fans la raison, quoiqu'elle ne s'émeuve

pas toujours felon la raifon. Or la raifon eft donnée à la volonté pour l'inftruire, & non pour la détruire; & elle la détruiroit fi elle lui impofoit quelque neceffité. Car la liberté eft cffen- c. i tielle à la volonté, & où il y a neceffité il n'y a point de liberté, ni par confequent de merite. Or fe libre arbitre eft nommé libre à cause de la volonté, & arbitre à cause de la raison.

&

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Il y trois fortes de liberté : la liberté naturelle › que nous avons reçue par la creation, qui nous exemte de neceffité: la liberté de grace que nous recevons par la regeneration, & qui nous delivre du peché: la liberté de gloire qui nous eft refervée dans le ciel, & qui nous affranchira de la mifere. La premiere liberté convient également à Dieu & à toute creature raifonnable bonne ou mauvaife: mais cette liberté demeure en nous comme captive, fi elle n'eft c. 6a. accompagnée des deux autres. Car le libre arbitre nous fait vouloir, mais c'eft la grace qui nous fait vouloir le bien : c'eft elle qui nous fait goûter le vrai & pouvoir le bien.

n. 19.

7.

8.

L'homme en l'état d'innocence pouvoit pecher, non afin qu'il pechât, mais afin qu'il eût le merite de s'en abftenir: depuis la chûte il ne peut ne pas pecher, fans qu'il ait perdu le libre . arbitre dont l'effet eft proprement de vouloir, & non de fe delivrer du peché, ou de la mifere. Le libre arbitre a pû tomber de lui-même, & non fe relever : ce n'eft que parJESUS-CHRIST que nous pouvons recouvrer les deux autres libertez Car le libre arbitre ne confifte pas à pou- c. 10, voir également & avec la méme facilité fe porter au bien & au mal; & l'immobilité dans l'un ou dans l'autre, n'ôte pas le libre arbitre Dieu n'en eft pas moins libre pour ne pouvoir être mauvais ce qui ne vient pas d'une foible neceffité, mais d'une volonté ferme dans le bien,

V.

C.

11.

& le diable ne laiffe pas d'être libre, quoiqu'il ne puiffe tendre au bien, puifque ce qui l'en empêche n'eft pas la violence d'un autre ; mais fa volonté obftinée au mal.

La grace ne nuit point à la liberté; car quoi que Dieu nous fattire, il ne nous fauve pas malgré nous, c'est en nous faisant vouloir le bien: il en eft de même de la concupifcence, elle ne nous contraint pas au mal; & il nous eft totjours libre de n'y pas confentir. L'homme de meure libre dans les tentations les plus violen tes: telle que fut celle à laquelle faint Pierre fuc12. comba. Il aimoit JESUS-CHRIST, mais il aimoit encore plus fa vie; & fon peché fut de preferer la vie du corps à celle de l'ame, mais il la prefera librement. Ainfi quelque violence qu'on nous faffe, nous ne pechons que parce que nous le voulons. Enfin toute l'action du libre arbitre & tout fon merite eft de confentir à la grace: encore ce confentement vient-il de Dieu, qui opere en nous, de penser le bien, de le vouloir & de l'accomplir: il fait le premier fans nous, le fecond avec nous, & le troifiéme par nous. Saint n. 48. Bernard declare, qu'en ce traité il s'attache uniquement à la doctrine de faint Paul.

6. 14.

Quelque tems après, comme faint Bernard Ganfr. 1v. paffoit près de Paris, l'évêque Etienne & les an. 10. autres, qui fe trouverent prefens, le prioient inftamment de venir dans la ville, fans le pouvoir obtenir. Car il évitoit avec grand foin les affemblées, s'il n'avoit quelque raifon preffante de s'y trouver. Mais encore que le foir il eût au difpofé fon chemin, le lendemain

trement

marin il fit dire à l'évêque : Nous irons à Paris comme vous nous en avez prié. Il entra dans les Opufc. 3. écoles où le clergé s'affembla en très-grand nombre; & il leur fit un fermon fur la conver fon des mœurs, dont il montre la neceffité fans

én diffimuler les difficultez; & il en ouvre les
moyens. Il fuppofe dans tout ce difcours, que la
plupart des ecclefiaftiques étoient engagez dans
le peché; & il attaque deux vices en particulier
l'ambition & l'incontinence. L'ambition, qui “17.
faifoit rechercher les fonctions & les dignitez ec-
clefiaftiques fans vocation & fans merite; fans
avoir fongé ni à conferver l'innocence, ni à fe re-
concilier à Dieu : l'incontinence, qui precipitoit c. 20,
dans les crimes les plus affreux ceux qui s'enga-
geoient temerairement au celibat.

L'effet de ce fermon fut la converfion de trois clercs, qui renonçans aux vaines études, s'attacherent à celle de la vraie fageffe, quitterent le monde & fuivirent faint Bernard. Quand le premier des trois fe vint jetter à fes pieds, il dit à F'oreille à un moine, qui étoit près de lui: J'ai vû cet homme la nuit paflée comme je le vois maintenant; & c'eft pour lui, que Dieu nous à amenez ici. Il fe convertit fi bien, que quelques années après il mourut faintement à Clairvaux.

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LXI.

Converfion

de l'abbé

La converfion de Suger abbé de S.Denis arriva vers le même tems que celle de fon évêque & fon metropolitain; & S. Bernard l'en felicita par suger. une grande lettre, où il marque avec une fainte ep. 78. liberté, le fcandale qu'avoit caufé dans l'église le fafte & la vie toute feculiere de cet abbé, fes habits fomptueux, fa nombreuse fuite. Mais il le loue encore plus d'avoir reformé fon monaftere tombé dans un grand relâchement, comme Abailard s'en plaignoit fous Adam predeceffeur de Suger. Cette maifon, dit S. Bernard, Sup. n. 24° fervoit aux affaires de la cour & aux armées des rois le cloître étoit fouvent environné de gens de guerre & retentiffoit de plaidoiries & de querelles les femmes y avoient quelquefois entrée. A prefent on y fait de faintes lectures, & on y garde un perpetuel filence. On

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