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gé les droits. On lui repondit que quelques-uns d'entr'eux avoient donné ou prêté des terres de l'églife à leurs parens, que d'autres en avoient donné en fief, où n'avoient pas eu la force de refifter aux ufurpareurs.

Alors l'archevêque envoya de tous côtez denoncer à ceux qui poffedoient des terres de fon églife, qu'ils ne fuffent pas affez hardis pour les retenir plus long-tems, à moins qu'ils ne filent voir qu'elles leur venoient de leurs an

Ces ufurpateurs furent extrêmement indignez de recevoir un ordre fi abfolu, de la parr d'un homme pauvre se defarmé, qui étoit ve au fur un âne; & ils crurent que ce feroie une menace fans execution. Mais le prelat les excommunia; & par là ils fe virent réduits à une fâcheufe condition; car l'ufage étoit que ceux qui étoient demeurez un an excommuniez étoient reputez infâmes, & toute audience leur étoit refusée dans les tribunaux. Ils quit terent done une grande partie de ce qu'ils avoient ufurpé fur l'églife de Magdebourg : mais ce fut bien malgré eux, & ils conferverent une haine. mortelle contre l'archevêque. Il s'attira encore celle du clergé, obligeant tous ceux qui étoient dans les ordres fatrez à garder la continence ou à renoncer à leurs benefices. Pourquoi, difoient-ils, avons nous appellé cer étranger, dont les mœurs font fi contraires aux nôtres ? ils le chargeaient d'injures & le decrioient parmi le peuple, en forte qu'il devine univerfellement odieux; aux uns, parce qu'ils fe fentoient maltraitez, aux autres parce qu'ils craignoient de l'être; aux autres, parce qu'ils fe laifloient entraîner aux bruits populaires Il fe rendit encore odieux par la fondation de plufieurs maifons religieufes, particulierement de fon ordre, comme de fainte Marie de Mag

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debourg, d'où il ôta vingt chanoines feculiers pour y mettre des fiens. Enfin la haine vint à tel point, que l'on attenta plufieurs fois contre fa vie.

Un jour de jeudi faint comme il recevoit les confeffions des penitens, il vint un jeune homme demandant avec empreffement au portier d'entrer auffi pour fe confeffer. Mais l'archevêque le referva pour le dernier ; & quand il entra il lui défendit d'approcher, & lui fit ôter un' manteau dont il étoit couvert comme les penitens. Alors on vit à son côté un couteau pointu, long d'un pied & demi; & étant interrogé ce qu'il en vouloit faire, il fe jetta aux pieds du prelats & confeffa qu'on l'avoit envoyé pour le tuer. Il nomnia même les auteurs de cet attentat, & les affiftans furent bien étonnez de voir que c'étoit ceux qui avoient le plus de part aux confeils de l'archevêque. Il pardonna à l'affaffin; mais il le fit mettre en prifon, afin de découvrir les deffeins de fes complices & les punir par la honte qui leur en reviendroit. Ce qui n'empêcha pas qu'un de fes clercs domeftiques ne tentât encore de le tuer la nuit comme il alloit à matines.

Cependant Norbert permit aux religieux de Premontré d'élire un autre abbé à fa place; & ce fut Hugues fon premier difciple, qu'il renvoya de Magdebourg pour les gouverner, comme il fit jufques à l'an 1164. qu'il mourut. On établit auffi des abbez à S. Michel d'Anvers, à Floref,& à S. Martin de Laon,à Viviers & BonneEfperance en Hainaut. Ces fix premiers abbez tinrent auffi-tôt un chapitre general, où ils ordonnerent qu'ils en tiendroient tous les ans à l'imitation des moines de Cifteaux, pour la confervation de l'obfervance; & dès le quatriéme chapitre ils fe trouverent dix-huit abbez,

tant

tant l'inftitut de Prémontré fit de progrès en peu

de tems.

XIII.
Second

voyage de

111. t. 2.

Au commencement du pontificat d'Innocent II. faint Otton de Bamberg entreprit un fecond voïage en Pomeranie, quatre ans après s. Otton en le premier, c'est-à-dire l'an 1130. Il fuivit une Pomeranie. autre route; & s'étant embarqué fur l'Elbe, il Vita lib. traverfa la Saxe, & par la riviere d'Havel il en- Canif, p. tra au païs des Lutitiens, forte de Sclaves, qui 420. Sup. Occupoient une partie du Meclebourg & du liv. 67. n. Brandebourg. Il menoit cinquante chariots 31. chargez de provifions & de quantité de richeffes pour faire des prefens. Il paffa dans quelques villes peu connues, où il delivra des captifs, reconcilia des apoftats, convertit & baptifa des païens, abattit des temples d'idoles, & confacra des églifes. Enfuite il refolut d'aller à Stetin, fachant que cette ville étoit retournée à l'idolâtrie Mais les ecclefiaftiques qui devoient l'y accompagner, craignant la barbarie de ce peuple, l'en détournoient de tout leur pouvoir. Fatigué de leurs remontrances il leur dit : Je vois bien que nous ne fommes venus que pour goûter des delices, & nous croïons devoir éviter toutes les difficultez qui fe rencontrent. Soit; je voudrois vous exhorter rous au martyre, mais je n'y contrains perfonne : fi vous ne voulez pas n'aider je vous prie au moins de ne me pas empêcher, & me laifler la liberté que je vous

donne.

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Aïant ainfi parlé il s'enferma feul dans fa chambre, & fe mit en priere jufques au foir: enfuite il commanda à un de fes gens de fermer toutes les portes & me laiffer entrer perfonne fans ordre. Alors il prit fes habits de voïage, mit fes ornemens, fon calice & les autres meubles d'autel dans un fac qu'il chargea fur fes épaules; & fortit feul la nuit prenant Tome XIV.

S

le

chemin de Stetin. Ravi de fe trouver en liberté, il commença à dire matines & marcha si bien le refte de la nuit, qu'il fit tout le chemin. Cependant fes clercs s'étant levez pour dire matines, allerent à la chambre de l'évêque, & ne le trouvant nulle part, ils furent étrangement confternez: ils partirent les uns à pied, les au tres à cheval pour le chercher de tous côtez; & le jour étant venus ils le trouverent prêt à entrer dans une barque. Il en fut fort affligé, & pria Dieu qu'au moins ils ne le détournaflent pas de fon deffein. Eux étant defcendus de cheval fe jetterent à fes pieds: il fe profterna de fon côté, ils fondoient en larmes de part & d'autre ; & comme il vouloit les renvoyer, ils lui protefterent qu'ils ne l'abandonneroient jamais. & le faivroient par tout, foit à la mort, foit

à la vie.

Etant arrivez à Stetin, ils logerent à une. églife qui étoit à l'entrée de la ville, Or le peuple étoit divifé; quelques-uns avoient gardé la foi, mais la plupart étoient retournez au paganifine. Ceux-ci furent troublez de l'arrivée du faint évêque, mais les plus furieux étoient les facrificateurs des idoles: enforte qu'ils vinrent avec une troupe de gens armez environner l'églife, criant comme des infenfez, qu'il falloit l'abatre & tuer tous ceux qui étoienr dedans. Le faint évêque qui defiroit ardemment le martire, fe revêtit pontificalement; & prenant la croix & les reliques pour les armes, commença avec fon clergé à chanter des pfcaumes, pour recommander à Dieu le combat qu'il alloit foûtenir. Les barbares en furent touchez; ils admirerent ces gens qui chantoient à l'article de la mort, ils s'adoucirent, & les plus fages prenant en particulier leurs facrificateurs, difoient que leur devoir étoit de défendre leur

il

religion par raison & non par force. Ainfi ils fe retirerent peu à peu. C'étoit un vendredi ; & l'évêque avec les fiens pafferent ce jour & le fuivant en jeûnes & en prieres.

Il y avoit à Stetin un homme noble, nommé Viftac, qui peu de tems auparavant étant allé en courfe fur mer fut pris par les ennemis & enfermé dans une obfcure prifon. Ayant prié Dieu ardemment de le delivrer, il s'endormit & vit en fonge l'évêque Otton qui l'avoit baptifé au premier voyage, & qui lui dit: Je fuis venu pour te delivrer; mais ne manque pas enfuite de porter mes ordres à Stetin. Viftac éveillé effaye de marcher, & fe fent libre de ses fers, il s'avance à la porte de la prifon & la trouve ou verte au bord de la mer il rencontre une nacelle avec laquelle il fe fauve. Etant arrivé à Stetin, il affemble les habitans, leur raconte fon avanture, & ajoûte: Cette ville eft menacée d'une terrible vangeance de Dieu , parce que vous avez profané fon culte, foit en le quittant pour les idoles, foit en les joignant avec lui. Quand l'évêque fut arrivé, Viftac parloit encore plus a 15, hardiment contre l'idolâtrie, & l'excitoit à prêcher le peuple.

Le dimanche étant venu, l'évêque après avoir celebré la meffe encore revêtu des ornemens, & la croix marchaut devant lui, fe fit conduire au milieu de la place publique, & monta fur des degrez de bois d'où on haranguoit le peuple. Comme il eut commencé à parler & que la c. i6. plupart l'écoutoient avec plaifir: un facrificateur d'idole fendit la preffe, & de fa voix qui étoit très-forte étouffant celle de l'évêque, il le chargea d'injures, & exhorta le peuple à punir cet ennemi de leurs dieux. Ils avoient tous des dards à la main, & plufieurs fe mirent en devoir de les lancer: mais ils demeurerent im

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