AN. 1106. En Italie cependant un officier de Henri le pere, nommé Verner, qui commandoit à Aquin, aïant affemblé des troupes de tous côtez & gagné quelques Romains par de grandes fommes d'argent, fit élire pape l'abbé de Farfe fout le nom de Silvestre, tandis que le pape Pascal étoit du côté de Benevent. Mais peu de tems après cet antipape fut honteufement chaffé par les catholiques. Les évêques députez vers le pape par l'affemblée de Maïence, étant arrivez à Trente vers la mi-carême, furent arrêtez par un jeune feigneur nommé Albert, qui en avoit eu le gouvernement, & qui difoit avoir cet ordre de l'empereur Henri le pere. Il n'y eut que Gebehard évêque de Conftance, qui aïant pris des chemins détournez dans, les montagnes, paffa en Italie & arriva auprès du pape par le fecours de la comteffe Mathilde. Les autres furent traitez indignement par Albert qui les avoit pris excepté Otton évêque de Bamberg dont il étoit vaffal. Ce prelat obtint même la liberté de Brunon archevêque de Treves & du comte Guibert, à la charge qu'ils iroient trouver l'empereur pour traiter la paix avec lui, & rapporter les ordres touchant les autres prifonniers. Mais Guelfe duc de Baviere vint trois jours après avec des troupes de la part du jeune roi, pour mettre en poffeffion du fiege de Trente le nouvel évéque Gebchard, que les habitans ne vouloient point recevoir. Il les y contraignit, & intimida tellement Albert, qu'il relâcha fes prifonniers & leur demanda pardon. Le jeune roi celebra à Bonne la fête de Pâques, qui cette année 1 1 0 6. étoit le vingtcinquiéme de Mars: puis vers la mi- Juin il affiegea Cologne, que fon pere avoit fortifiée après en avoir chaffé l'archevêque. Pendant ce Lege qui dura environ un mois, fon pere qui étoit à Liege, lui envoya des députez avec des AN. 1106. Dans la lettre à fon fils, il lui reprochoit fa ap. Urftit.. Maintenant il revient à fes premiers artifices, il fe plaint par toute la terre qu'on lui a fait in jure, il s'efforce d'attirer contre nous les ar mes des François, des Anglois, des Danois, & ap. Vrf perg. des autres nations voifines: il demande juftice, AN. 1106. & promet de fuivre deformais nos confeils Mais en effet il ne cherche qu'à diffiper cette armée rence. pe Henri le fils ayant été obligé à lever le fiege , L'évêque de Liege fut reçû comme les autres à la communion: mais parce que l'empereur étoit AN. 1106. mort chez lui, & qu'il l'avoit enterré dans fon Urfperg, églife, on l'obligea à le deterrer comme excommunié, & le mettre en un lieu profane: d'où le roi permit qu'on le transferât à Spire; & il y demeura cinq ans dans un cercueil de pierre hors de l'églife. XLV. Lettre dé S. Hugues au toi Phim lippe. Hugues abbé de Clugni prit occafion de cette mort pour exciter le roi de France Philippe à faire penitence. Ce prince lui avoit témoigné qu'il vouloit paffer le refte de fes jours en union avec lui, & lui offioit fes bonnes graces, lui Spicil. tos demandant une amitié reciproque : ce qui don- 1. cpift. 18. na lieu à l'abbé de lui écrire en ces termes : P. 4o1 Puifque Dieu me donne une ouverture pour yous parler familierement, je vous dirai ce que je penfe & ce que je defire depuis long tems: c'est que vous ayez deformais plus d'inclination & d'affection pour le bien, je dis pour le vrai & fouverain bien qui cft Dieu. Souvenez-vous, que vous m'avez une fois demandé fi jamais quelque roi s'étoit fait moine, je vous ai répondu qu'oüi; & quand il n'y auroit que le roi Gontran, fon exemple fuffiroit. Nous ne trou vons point ailleurs que dans cette lettre, que le roi Gontran fe foit fait moine. Hugues continue la trifte fin des princes vos voisins & VOS Contemporains doit vous toucher & vous épouvanter je parle de Guillaume roi d'Angleterre & de l'empereur Henri : l'un a été tué dans un bois d'un coup de fleche, l'autre vient de mourir au milieu des afflictions dont il étoit accablé, comme je crois que vous l'avez déja appris. Qui peut favoir en quel état ils font à prefent l'un & l'autre ? Prenez donc, cher prince, un bon confeil pour vôtre ame: changez de vie, corrigez vos mœurs, approchez XLVI. vous de Dieu par une vraie penitence & ane parfaite converfion. Or vous n'en trouverez point de chemin plus facile & plus für que la profeffion monaftique. Nous fommes prêts à vous recevoir, à vous traiter en roi, & à prier pour vous le roi des rois, afin que de l'état monaftique il vous faffe paffer au royaume éter nel. Saint Anfelme étoit toûjours à l'abbaïe du Retour de Bec, où il attendoit le retour des députez que 5. Anfelme le roi d'Angleterre, & lui avoient envoyez à terre. Rome. Cependant il apprenoit de triftes nouEdmer. 4. velles des exactions que ce prince faifoit dans fon Novor. en Angle roiaume, non-feulement fur le peuple, mais fur le clergé. Le prétexte étoit de faire obferver les décrets du dernier concile de Londres, touchant la continence des prêtres. Car comme pendant l'abfence d'Anfelme, plufieurs avoient repris ou gardé leurs concubines, on les puniffoit par des amendes au profit du roi. Mais le produit s'en trouvant moindre que fes officiers n'efperoient; on étendit l'impofition fur les innocens, comme fur les coupables, & on taxa generalement tous les curez. Ceux qui ne vouloient ou ne pouvoient païer, étoient pris avec fcandale, emprifonnez & tourmentez. Environ deux cens fe prefenterent au roi pour s'en plaindre, revêtus de leurs habits facerdotaux ; mais il ne voulut pas les écouter, & les fit chaffer honteufement. Anfelme en écrivit au roi, lui reprefentant qu'il étoit inoui qu'un prince voulut faire executer les 1oix de l'églife contre les ecclefiaftiques par des peines temporelles. C'eft aux évêques, dit-il, à punir ces crimes, & à leur défaut c'eft à l'archevêque & au primat. Le roi lui manda qu'il pafferoit bien-tôt en Normandie, & le fatisferoit fur Cet article. Cependant les députez revinrent de Rome |