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JUSTIN. An. 524.

& dans le deffein de rendre cette ambaffade plus folemnelle, il y voulut employer le chef de la religion Catholique. Le pape Hormifdas étoit mort l'année précédente, & Jean lui avoit fuccédé. Théodoric l'ayant fait venir à Ravenne, lui donna ordre de partir pour Conftantinople, & de demander à Juftin, qu'il rendît aux Ariens leurs églifes, qu'il leur laiffât liberté de religion, & qu'il remît entre leurs mains ceux qui les avoient quittés pour fe faire Catholiques; car il prétendoit que ces nouveaux profélites n'avoient changé de communion que par contrainte. Il menaçoit le pape, s'il ne réuffiffoit pas, d'ufer de repréfailles fur les Catholiques, & de les traiter avec autant de rigueur, qu'il leur avoit jufqu'alors montré de douceur & de clémence. Envain le pape le fupplia de le difpenfer d'une commiffion fi peu conforme au caractère qu'il devoit foutenir. Le Roi voulut être obéi: il joignit au pape cinq évêques, & les fit accompagner de

quatre fénateurs, Théodore, Im- — portunus, & deux autres nommés JUSTIN. tous deux Agapit, dont l'un étoit An. 524. patrice & diftingué par fon fçavoir & par fon éloquence. Théodoric l'envoyoit pour tenir tête aux plus habiles d'entre les Catholiques, s'il étoit queftion de difpute.

XXXII.

Mort de

Les mauvais traitemens que les Ariens éprouvoient en Orient, ré- Bocce & de pandirent de fombres nuages dans Symmaque, l'efprit de Théodoric. Après avoir été pendant plus de trente années le modèle des Princes juftes, fages, bons & généreux, il devint à l'âge de foixante & dix ans, défiant & cruel. Cette altération dans fon caractère éloigna de fa perfonne les hommes vertueux, & rapprocha ces indignes courtisans, toujours attentifs à profiter des foibleffes de leur maître, pour fervir leurs propres paffions. Caffiodore fe défit de toutes fes charges, & fe retira de la cour. Théodoric qui fentit bien-tôt le befoin qu'il avoit de fes talens le rappella, mais il paroît qu'il ne le confulta plus. Boëce iffu d'une

famille riche, ancienne & comblée JUSTIN. d'honneurs, & plus recommandable An. 524. encore par fa vertu, par fon éloquence, par la vafte étendue de fes connoiffances, avoit mérité la confiance du Prince, & l'eftime universelle, Elevé dès fa jeuneffe au rang de patrice, conful en 510, il avoit vû en 522, fes deux fils revêtus enfemble du confulat. La charge de maître des offices l'approchoit du Prince, & mettoit entre fes mains tous les emplois de la cour. Après la mort de fa premiere femme, fille de Feftus, fénateur illuftre, il avoit époufé la fille de Symmaque patrice, conful en 485, & chef du fénat. Il s'étoit rendu célébre' par des ouvrages de rhétorique, de mathématiques & de philofophie. Il avoit fait une profonde étude de la religion; & non content de l'honorer par fes mœurs, il la défendoit par fes écrits. Son intrépide probité fut caufe de fa perte. Protecteur déclaré de l'innocence, il s'attira la haine des oppreffeurs. Cyprien grand référendaire (c'étoit le garde

An. 524.

des fceaux) Conigafte & Triguilla, devenus puiffans auprès du Roi de- JUSTIN. puis qu'il prétoit l'oreille à la cálomnie, fe liguerent ensemble pour fe défaire d'un cenfeur incommode qui s'oppofoit à leurs concuffions. Le préfet du prétoire vouloit, dans un tems de difette, furcharger la Campanie déja trop foulée; Boëce plaida devant le Roi la caufe de cette malheureuse province, & l'emporta fur le préfet, qui par vengeance fe joignit à fes ennemis. Il fauva Paulin, personnage confulaire, dont ces calomniateurs espéroient d'envahir les biens. Enfin, Boëce après avoir tant de fois fait triompher la juftice, fuccomba lui-même fous les efforts de la cabale. Cyprien accufa le patrice Albin, conful en 493, d'entretenir de fecrettes intelligences avec Juftin, pour le rendre maî tre de l'Italie. Boëce perfuadé de fon innocence, ofa dire en préfence du Roi: Si Albin eft coupable, je le fuis moi-même avec tout le fénat. Ces paroles qui tendoient à juftifier l'ac cufé, furent empoisonnées par

la

malignité des délateurs; on les fit JUSTIN. remarquer à Théodoric comme l'inAn. 524. folent aveu d'une conspiration for

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mée par Boëce & par le fénat. On fuborna trois fcélérats,nommés Bafile, Opilion & Gaudence. Bafile,officier du palais, en avoit été chaffé pour fes débauches: on lui promit de payer fes dettes. Les deux autres avoient été condamnés à l'exil pour différens crimes; & comme ils différoient d'obéir, Théodoric leur pref crivit un terme, au-delà duquel s'ils fe trouvoient dans Ravenne, ils feroient marqués au front, & chaffés de la ville. Le jour même que cet ordre leur fut fignifié, on leur promit leur grace, & l'on admit leur requête contre Boëce. Ils l'accuferent de trahison, & produifirent en preuve des lettres contrefaites, fur lefquelles Théodoric le condamna. Boëce fut enfermé dans le château de Calventiane, entre Milan & Pavie. Ce fut-là que ce vertueux prifonnier compofa le célè bre ouvrage, intitulé Confolation de la Philofophie, dont l'objet eft de

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