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tion, devenue plus hardie & plus induftrieuse, firent naître des idées fur l'histoire naturelle, fur la figure de la terre, fur les phénomenes céleftes & fur la géométrie. Vers la fin de ce même fiecle parut Galilée, l'honneur immortel de l'Italie, cet homme dont les malheurs couvriront fon fiecle d'une tache & d'une honte éternelles. Il fecoua le premier le joug de cette fcience de mots, qui, fans aimer ni chercher le vrai, ufurpoit le nom de philofophie. Galilée indiqua & parcou rut en grande partie le feul chemin par lequel les facultés bornées de l'homme peuvent parvenir à pénétrer quelques-uns des fecrets de la nature. Le fyftême planetaire, les loix de la pefanteur, celle des fluides, la théorie de la réfiftance des folides, une férie de vérités géométriques, les loix du mouvement, la perfection des inftrumens d'optique, l'art d'interroger la nature : tels font les préfens qu'il fit à l'Italie, à fon fiecle, à l'Europe, à la postérité. Mais les vérités lumineufes découvertes par ce grand homme furent rejettées & profcrites comme autant d'abfurdités, & la route qu'il ve

noit d'ouvrir ne fut fuivie que dans l'ombre du fecret, & par un très-petit nombre d'hommes.

Au dix-feptieme fiecle les Italiens, après avoir paffé deux cens ans à tourner des phrafes, mirent tout ce qu'ils avoient d'efprit à examiner la combinaifon des mots & leur correfpondance réciproque. Delà nâquirent les acroftiches, les biftiches, les équivoques, les anagrammes, & mille affectations ridicules qui pafferent de la poéfie à l'éloquence, à l'hiftoire, aux épîtres familieres & même dans la converfation. La littérature italienne prit une forme tout-à-fait gothique; on vit s'élever de toutes parts des académies qui prirent les plus étranges devifes. De même que dans les maneges, chaque cheval a fon nom, felon le genre d'exercice où il réuffit le mieux; ainfi dans les académies un compofiteur de fonnets fut appellé le brillant; un faifeur de rimes tierces. prit le nom d'agile ; le poëte épique ou héroïque, celui d'ardent, de fuperbe, &c. Ces puérilités, que les Italiens envifagerent d'une maniere très-grave, furent traitées par les nations voifines

avec tout le mépris qu'elles méritoient. Cependant l'efprit philofophique s'introduifoit peu à peu en Europe. Le génie de Bacon fermentoit en Angleterre, & celui de Galilée remuoit déja l'Italie. Enfin Descartes vint. Ce créateur immortel de la bonne philofophie, cet homme dont les erreurs mêmes font dignes de vénération, perfécuté comme Glalilée, fe vit contraint de fe retirer dans une terre étrangere.

Telle est la condition de tous les grands hommes que la nature a placés dans les fiecles d'ignorance. L'envie, la fuperftition, l'impofture & la calomnie les enveloppent de tous les côtés, & les pourfuivent fans relâche; mais leurs ouvrages demeurent; les germes de leurs découvertes fe développent avec le tems; la lumiere qu'ils ont apportée perce & s'étend infenfiblement, l'ignorance fe voit réduite à fe taire, & la postérité fe courbe devant la flatue de ces mêmes hommes qui furent, pendant leur vie, calomniés & perfécutés.

La philofophie prit un nouvel af. pe&t dans toute l'Europe; & quoique,

lors de cette heureufe révolution, les vérités ne fuffent qu'en très-petit nombre, nous ne laiffons pas de devoir à la méthode qui fut appliquée au raifonnement les découvertes qui fe font faites depuis, & qui fe font encore tous les jours. On fubftitua, il eft vrai, des erreurs nouvelles aux erreurs anciennes; mais celles-ci repofoient fur l'autorité, qui fe fortifie & s'accroît avec le tems, au lieu que les erreurs nouvelles ont pour base la raison, laquelle, à force de s'exercer, parvient enfin à les découvrir. Le philofophe fut alors celui qui, muni de ces deux principes, la matiere & le mouvement, croyoit pouvoir expliquer tous les phénomenes. On étoit convaincu qu'au moyen des tourbillons, rien n'étoit plus aifé que de rendre compte des mouvemens céleftes, & qu'avec la matiere fubtile tous les myfteres de la pefanteur, du magnétifme & de la lumiere étoient révélés & connus. Il n'y avoit pas un feul point phyfique qu'on ne fe vantât d'entendre & de développer.

Vers le même tems le mot de fçavant acquit une autre fignification. On

donna ce nom à celui qui connoiffoit bien la chronologie, les médailles, les infcriptions & les chartes. On publia d'immenses volumes, compofés de differtations fur un piédestal, une · lampe fépulcrale, un trépied, une patère, &c. travaux pénibles & longs qui contribuerent bien peu aux progrès de la raison & à la gloire de l'Italie.

Mais aujourd'hui que Newton a révélé notre fyftême planetaire; qu'il a fait connoître une nouvelle force, compagne indivisible de la matiere; qu'il a décompofé la lumiere & en a démontré les propriétés ; qu'à la méthode introduite par Defcartes, il a ajouté l'analyse par le fecours de laquelle les connoiffances humaines font tous les jours de nouveaux progrès, on ne peut nier que la condition de l'efprit humain ne fe foit améliorée, même en Italie.

Le philofophe à préfent eft celui qui fait marcher l'examen avant l'opinion, qui voit, examine, apprécie les objets indépendamment de l'autorité. Si vous lui demandez ce que c'est que la matiere, il eft bien éloigné de croire qu'il ait acquis le droit de la

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