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tique? S'il a du génie, fon art l'infpirera & allumera dans fon ame ce feu divin que Prométhée alla, dit-on, dérober aux régions célestes.

LETTRE fur une traduction Italienne des Poéfies Erfes.

En parcourant, Monfieur, une nou

N

velle traduction italienne des poéfies d'Ofcian, j'ai trouvé, dans les notes dont elle eft accompagnée, quelques obfervations fur le caractere de Fingal, qui m'ont paru fécondes, lumineufes, dignes enfin d'être ajoutées à toutes celles que vous avez faites à l'occafion du même ouvrage de la poéfie en général. Je vous laiffe le foin de les développer; pour moi, je me contenterai de les traduire.

Ce critique regarde le caractere de Fingal comme tout ce que l'imagination des poëtes a jamais créé de plus parfait & de plus beau. Il faut diftinguer, dit-il, la perfection morale des caracteres d'avec leur perfection poétique. La premiere confifte dans l'affemblage des plus belles qualités; la feconde dans l'idée abftraite & générale d'une qualité bonne ou mauvaife, appliquée à un personnage quel

conque. Or, le caractere de Fingal réunit l'une & l'autre perfection. Quelques critiques ont prétendu que les caracteres poétiques doivent être mêlés de contradictions & de défauts, &'que par conféquent ils repouffent la perfection morale. C'eft un des préjugés qu'a fait naître l'admiration fuperftitieufe qu'on avouée à Homere. Ce poëte n'ayant représenté que des caracteres généralement vicieux & contradictoires, fes aveugles partifans, non contens de transformer ce défaut en vertu, en ont fait une loi. Arrêtons-nous fur ce point qui me paroît un des plus effentiels de la théorie poétique.

Le célebre Gravina condamne hautement les poëtes qui donnent à leurs héros des qualités parfaites, & foutient que cette maniere de repréfenter les hommes n'eft ni utile, ni vraisemblable. Si fous le nom de perfection on entend une roideur qui rend l'ame inacceffible à toutes les paffions humaines, je conviens qu'un pareil caractere eft peu poétique; moins parce qu'il manque de vraifemblance, que parce qu'il manque

d'intérêt. Mais fi la perfection confifte à diriger les paffions vers le bien, foit abfolu, foit relatif, les objections de Gravina me paroiffent frivoles je m'explique.

Le poëte, dit Gravina, doit peindre l'homme tel qu'il eft, parce que tout le monde fçait quel il devroit être. Le contraire me paroît démontré. Nous n'avons que faire des leçons du poëte pour fçavoir que communément les hommes font intéreffés, petits, diffimulés, violens & fuperbes; nous en faifons à chaque inftant la malheureuse expérience. Mais eftil bien confidérable le nombre de ceux qui fe font fait une idée exacte de leurs devoirs, & fur-tout qui connoiffent jufqu'à quel point de perfection peut s'élever la nature humaine, lorfqu'elle eft pénétrée des futblimes idées du grand & du beau? Vous ne verrez à la vérité, perfonne qui ne vous dife que l'homme doit être jufte, honnête, raifonnable. Mais demandez le développement de cette maxime vous n'obtiendrez qu'un affemblage confus d'idées troubles, indigeftes, fauffes & contra

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dictoires. D'ailleurs, l'inftruction par ticuliere fût-elle néceffaire pour connoître les hommes tels qu'ils font, ce n'eft point de la poéfie que vous devez l'attendre. Elle appartient directement à l'histoire. Gravina confond visiblement tous les objets de ces deux arts. L'objet de l'hiftoire eft le vrai particulier, c'est-à-dire ce qui eft; celui de la poéfie, eft le vrai univerfel & métaphyfique, c'eft-à-dire, ce qui devoit ou pouvoit être. Et voilà pourquoi le difciple de Platon regardoit l'inftruction poétique comme plus importante, plus philofophique, plus pleine que celle qu'on peut retirer de l'hiftoire.

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Il y a plus, l'avantage que fe propofe la poéfie, ne confifte pas en une fimple vérité de spéculation.Son grand objet eft d'intéreffer, d'émouvoir d'exciter à la vertu; or comment le remplira-t-elle, cet objet, fi dans fes portaits elle ne repréfente que la vertu elle-même ? L'exemple eft le feul moraliste qui foit vraiment utile, & rien n'agit avec plus d'énergie fur l'efprit & fur le cœur que la vertu,lorfqu'elle eft préfentée brillante de tout fon éclat.

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