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aqueux. Quand tomberai-je, ô Rumarcar la trifte Cuthona voit fa mort.... Conlath ne me verra-t-il point, avant que je defcende dans la maison étroite?

OSCIA N.

Il te verra, fille aimable! la mer roulante le portera vers toi. La mort de Tofcar a obscurci fa lance, & l'on voit une plaie à fon côté. Il paroît couvert de la pâleur de la mort à la caverne de Thona, & il montre fon horrible bleffure.... Où es-tu avec tes larmes, ô Cuthona? Il meurt, le chef de Mora... Mais la vision s'obfcurcit & s'éteint: je ne vois plus les chefs.... O vous, Bardes des tems à venir, ne rappellez jamais fans verfer des larmes, la chûte de Conlath. Il tomba avant le tems, & la fombre trifteffe fe répandit dans fon habitation. Sa mere regarda fon bouclier qui étoit fufpendu à la muraille (1),

(1) Ces peuples croyent que les armes qu'un guerrier laiffoit chez lui, paroiffoient enfanglantées à l'inftant où ce guerrier étoit tué, à quelque diftance qu'il fût.

& il étoit teint de fon fang. Elle connut que fon héros n'étoit plus, & les cris de fa douleur fe firent entendre fur Mora.

Es-tu pâle fur ton rocher, Cuthona, affife à côté des guerriers tombés (1)? La nuit arrive, & le jour revient, & perfonne ne paroît pour élever leurs tombeaux. Tu écartes les oiseaux croaffans, & tes pleurs coulent pour toujours; tu es pâle comme un nuage pluvieux qui s'éleve de la furface d'un lac.

Les fils du défert arriverent, & ils la trouverent fans vie. Ils éleverent un tombeau fur les héros; & elle repofe à côté de Conlath... Ne viens plus troubler mes fonges, ô Conlath; car tu as reçu ta renommée. Que ta voix s'éloigne de ma demeure, afin

(1) La fituation de Cuthona eft affez femblable a celle de Refpha, maîtreffe de Saül, affife à côté de fes enfans qui venoient d'être maffacrés par les Gabaonites. Elle étoit étendue fur le rocher, dit l'écriture, occupée à empêcher les oifeaux de l'air d'en approcher pendant le jour, & à en écarter les bêtes féroces pendant la nuit. Voyez le deuxieme livre des rois, ch. 21.

que le fommeil puiffe y defcendre à la nuit. O que ne puis-je oublier mes amis, jufqu'à ce que les traces de mes pieds foient effacées; jufqu'à ce que je me retrouve au milieu d'eux avec joie, & que mes vieux membres foient étendus dans la maifon étroite!

REFLEXIONS fur l'origine & les progrès des mœurs & de toutes les opinions morales, d'après une differtation latine du Pere Stellini, religieux Somafque, profeffeur de morale dans l'univerfité de Padoue.

C'EST des ufages mêmes des nations qu'on tire un des plus forts argumens que l'on ait fait contre la moralité des opérations humaines. Parcourez, diton, tous les fiecles; vous ne trouverez point de coutume fi barbare de mœurs fi dépravées, d'opinion fi abfurde qui ne foient autorifées par l'exemple de quelque nation ou par la doctrine de quelque philofophe. Pour faire fentir la foibleffe de cette objection, examinons de près ces opinions, ces mœurs & ces coutumes; remontons jufqu'à leur origine & expofonsen les progrès.

Tant que l'homme ne cultivoit point encore fa raison, peu d'objets follicitoient fes fens; il ne connoiffoit que deux fortes de befoins, le befoin de

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fubfifter, & celui de fe reproduire. Il trouvoit de quoi fatisfaire le premier dans les productions fpontanées de la nature, & pour remplir le fecond, il n'avoit qu'à fuivre aveuglément fon instinct; il ignoroit & l'agriculture & tous ces arts qui en faisant fervir la nature aux commodités de la vie, étendent la sphere des defirs, en augmentent l'activité & deviennent fouvent la fource d'une infinité de malheurs ; ce que les poëtes ont ingénieufement défigné par la fable de Promethée & de Pandore.

Ce premier âge, privé d'induftrie & de defirs, fut appellé l'âge d'or; les mélancoliques fur- tout & les infortunés l'ont grandement célébré. Il n'eft pas douteux que, pour nous fervir de leur expreffion, la juftice n'habitât alors la terre; dans l'extrême difette où l'on étoit & d'objets & de defirs, quel motif pouvoit-on avoir de s'entre-nuire ?

Mais ce genre de vie doux & tranquille ne fubfifta pas long-tems. Le propre d'une nourriture groffiere & fauvage eft d'augmenter les forces du corps. Devenus plus robuftes, les

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