Imágenes de páginas
PDF
EPUB

diftinctif que nous donne des climats, le grand Hippocrate dans son excellent traité relatif à ce fujet: De aere locis & aquis. Cela pofé, je raifonne ainfi: ou l'on paffe d'un mauvais air à un bon, ou d'un bon à un autre à peu près également fain; ce font les deux cas où peuvent fe trouver les voyageurs qui viennent à Rome en été & qui en fortent pour jouir pendant quelque tems des campagnes voifines. Or fi l'on quitte un mauvais air pour refpirer celui de Rome qui eft bon, il eft certain que ce changement eft falutaire : fi d'un bon air on paffe à un autre d'une qualité à peu près égale, il n'est pas moins certain dans ce fecond cas qu'on peut faire ce paffage fans courir aucun danger. Il eft bon de prévenir les difficultés qu'on pourroit faire fur ce que je viens d'avancer. Obfervez donc, Monfieur, que je n'établis pas une égalité parfaite entre la qualité de l'air de la ville & celle de l'air de la campagne; car fi cela étoit, le paffage de la ville à la campagne feroit inutile; je prétends feulement, comme je l'ai prouvé, que la différence n'eft pas afiez confidérable

pour faire craindre raifonnablement ce changement d'air. Mais je veux bien fuppofer que l'air de Rome eft moins falubre en été que celui de la campagne,& de plus qu'il eft nuifible; je dis que, même dans cette fauffe fuppofition, il feroit avantageux à ceux qui font à Rome de paffer à la campagne, quoique par leur retour à la ville ils s'expofaffent de nouveau au danger du mauvais air; car ce danger étant moins continué deviendroit certainement moindre. Ajoutons qu'il faut pour cela que la différence des climats ne foit pas exceffive; car il pourroit arriver,ce qui paroîtra un paradoxe,qué le paffage d'un air moins bon à un autre abfolument meilleur, devînt relativement funefte. J'éclaircirai ceci par un exemple connu. Suppofons que l'endroit qu'on habite en été foit très-frais relativement à la faifon, tels qu'on en connoît plufieurs en Italie; cette habitation conftante pourra ne pas être nuifible à la fanté; elle lui fera même avantageuse; mais il feroit très-dangereux de paffer à un lieu trop chaud." On fçait par expérience que fi, pendant les plus grands froids de l'hiver,

on échauffe une chambre jufqu'à lui donner un degré de chaleur égal à celui des chaleurs de l'été, il n'y a pas d'homme qui puiffe foutenir ce changement fans un danger évident de perdre la fanté & peut-être la vie. Réciproquement le paffage d'un climat chaud à un autre trop frais peut devenir funefte. Je ne m'arrêterai pas à détailler les caufes phyfiques de ces effets; elles font connues, ou du moins développées dans tous les ouyrages qui traitent de l'économie ani. male. Je fuis perfuadé que ce paffage très-fréquent en Italie d'un air chaud à un air froid, & d'un air froid à un air chaud, eft une des plus grandes incommodités qu'éprouvent les voyageurs, fur-tout s'ils voyagent la nuit & fans fe précautionner contre l'alternative du froid & du chaud. Vous m'avez écrit vous-même, Monfieur dans votre derniere lettre, que vous aviez été fouyent furpris & incommodé d'un froid très-fenfible après avoir effuyé peu de tems auparavant les plus grandes chaleurs d'Italie. Je me fouviens encore avec frayeur du danger que je courus en paffant le mont

Saint-Bernard dans le mois de juin. Je n'ai jamais fenti un fi grand froid après avoir été accablé dans la vallée de la plus exceffive chaleur; ce passage m'auroit indubitablement caufé la mort, fi je n'euffe diminué la fenfation du froid en marchant à pied continuel lement & même avec précipitation.

Je fuis porté à croire que cette alternative de froid & de chaud eft une des caufes principales qui rend pendant l'été l'air de Rome moins fain que ne l'eft généralement celui de notre France. J'ai obfervé ici pendant l'été que les vents nord-oueft commen→ çoient à fe faire fentir vers le midi & duroient jufqu'après le coucher du foleil; ces vents temperent beaucoup la chaleur du jour. Aux vents nordoueft fuccedent ordinairement des vents frais qui viennent de l'eft, & qui continuent jufqu'après le lever du foleil. Il eft clair que l'effet des vents nord-oueft qui ne faifoient que tempérer la chaleur pendant le jour,ajouté à la fraîcheur caufée par les vents d'eft, doit rendre les nuits d'été ordinairement très-fraîches. Nous n'éprouvons, pas en France cette viciffitude qui de

mande peut-être plus de précaution que n'en prend le peuple de Rome. Il me paroît prouvé par plufieurs autres raifons que l'air d'Italie en général est fujet à plus de variations que celui de France.

On fçait par la bonne phyfique que la nature du climat dépend en grande partie de la pofition des lieux; je veux dire de la proximité des montagnes,de l'action des vents,de la qualité des fols. Les montagnes, lorfqu'elles préfentent leurs flancs au foleil, fur-tout s'ils ont quelque concavité, font quelquefois, dans les plaines, l'effet d'un miroir ardent. On fent prefque toujours fur le fommet des montagnes, un vent frais qui contribue beaucoup à refroidir l'air dans la plaine. On comprend aifément combien de fenfations différentes & fubites doit produire la différente.combinaifon de l'action du foleil & des vents. De-là vient que dans les endroits environnés d'une longue chaîne de montagnes, on obferve quelquefois que la différence du froid & du chaud, & pour ainfi dire, le paffage de l'été à l'hiver, ne dépend que de la

« AnteriorContinuar »