Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Zp. ad Amm.

carriere; c'est là que juftement comparable à un tourbillon, à une tempête, à un foudre, il emporte, ravage, écrase tout. Je ne traiterai pas plus au long les differences, & les rapports de Ciceron & de Demofthene ; je ne croy pas à propos de ramaffer ce qui ne m'eût couté que la peine de le transcrire. Encore moins oferois-je retoucher à des portraits, que Plutarque, Quintilien, & Longin ont finis.

Ce dernier tire de nos Philippiques plufieurs exemples du Sublime, & y déterre mille beautez fecretes, qui plaisent de plus en plus, à mesure qu'il les develope. Les occaLions, que j'ai eues d'imiter en cela Longin, ne m'ont pas tenté de l'entreprendre. Que ft, chemin faifant,il m'arrive de jetter au hazard dans mes Notes, quelques obfervations fur mon texte, ce n'eft pas tant en vue de conduíreau but, que de mettre fur la voye. Je n'auraiguere plus de peine à me justifier, de ne pas convenir avec Denis d'Halicarnaffe qui compte entre les Philippiques la Ha-. rangue fur l'Halonese, & la place la huitiéme. Je fçai de quel poids eft l'autorité de ce docte Critique. La force toutefois & la majefté, par où Ciceron caracterise les Phit

tota orationes fubti

les, ut contra Lepti

nem: multa tota

graves, ut quadam varia, ut contra nis, ut contra eumphontis. Gic. Ibid.

Philippica: multa chinem falfa legatio

dem pro caufa Ctefi

L'auteur de la Ha

lippiques deDemofthene, en excluent laHa- * Multa funt ejus rangue fur l'Halonese ; & autorisent le fentiment prefqu'uniforme des Sçavans, qui la rejettent comme fuppofée. Libanius, Photius, beaucoup d'autres, & plus que tout cela encore,la langueur du ftile,& la baffeffe des expreffions,qui regnent dans toute la Harangue, la donnent à Hegefippe. On ne me perfuadera jamais, par exemple, que Demofthene en aucun cas ait pû penser ni dire: pour agir de la forte,il faut avoir la cervelle aux talons. Non que Demofthene, ainsi qu'Homere,ne fommeille quelquefois. Il peut fommeiller; d'accord, mais non dormir & réver fi profondément. Un genie, quelque élevé qu'il foit, ne laiffe pas de tenir toujours par quelque bout à l'humanité. Les grands Hommes font grands, & hommes tout ensemble. Ils defcendent, mais rarement les voit-on tomber fi bas. Tout,jusqu'à leurs negligences, se reffent de leur caractere.

J'ai bien peur,que l'on ne reconnoiffe trop le mien dans ma traduction. Car je ne presume point affez de moi,pour m'arroger le titre de bonInterpretesje pretends feulement avoir fait de mon mieux, pour le meriter. J'ai mis & remis mon ouvrage fous la lime des meil

nefe parle de cette

roraifon.

rangue fur l'Halomaniere dans laPeCiceroni dormitaHomerus Horatio Plutarq. in Cic.

[ocr errors]

re Demofthenes

vifi. Quint. I. x.c.I.

Cic. dans l'Orateur dit Ipfe Demofthenes,qui quam

:

quam unus genere dicendi, non aures meas, ita funt femper aliquid im

eminet inter omnes in omni

tamen femper implet

avida & capaces, &

menfum infinitumque defiderant,

leurs ouvriers, dont la critique fincere fur quelques endroits, m'a prefque perfuadé, qu'ils approuvoient fincerement le reste. Tout celane m'empêche pas de fentir, qu'il m'aura fans doute échapé bien des fautes. On les remarqueroit moins dans une langue morte. Le Traducteur Latin gliffe impunément fur la difficulté. Ne peut-il la refoudre, il l'élude, & envelope fes enigmes dans des expreffions,qui forment plutoft un fon,qu'un fens. L'obfcurité tient alors en refpect le Lecteur, & il pardonne un défaut de lumiere, dont il fe croit ou coupable, ou complice. Il n'en est pas ainfi dans une langue vivante. On exige impitoyablement, que le Traducteur ne laiffe rien à deviner, & fe faffe entendre fans effort. Il demeure continuellement ex-pofé à une comparaison, où il n'y a qu'à perdre. Chacun fe croit Juge competant. Quiconque lit, tranche, décide,& fe fait une loi inviolable de renvoyer à l'Original tout le bon, tout l'excellent, & de mettre fur le compte de la copie tout le mauvais, tout le mediocre. De forte, que le Traducteur en ce cas, joue un jeu fort inégal ; & court, pour ainsi dire, la fortune d'un Danfeur de corde, à qui l'agilité la plus merveilleufe. ne vaut que bien

peu, pendant que le moindre faux pas peut lui couter la vie. A tant de perils, à tant d'écueils, ajoutez le malheur que j'ai, de rencontrer fur mon chemin un de nos meilleurs Ecrivains. Mr. Maucroix A Dieu ne plaife, que je pretende lui difputer la preference. J'avoue ingenuëment, que fa Traduction des quatre Philippiques, m'eût fait tomber la plume des mains, fi je n'avois eu des affurances bien pofitives, qu'il vouloit en demeurer là. Je ne fçai, pourquoi toutes ces raisons ensemble, ne m'ont pas retenu. L'exemple d'une infinité d'habiles gens, qui ont refifté à la tentation de faire ce que j'ai entrepris, me donnoit une leçon, dont j'aurois dû profiter plus que perfonne. Mais dans le long commerce d'un Athenien, fi vif fur le plus leger interêt de fa Patrie, j'ai appris à me dévouer pour le public, & à vouloir le fervir au hazard même de lui déplaire.

A l'égard du tour libre que j'ai pris, pour ne pas trahir mon Auteur à force de fidélité, * je fuis feur d'avoir en Ciceron un bon guide, mais je ne réponds pas de l'avoir bien fuivi. Fai,dit Ciceron, traduit de Grec en La tin les excellentes Harangues, que deux celebres Orateurs, Efchine & Demofthene, prononcerent l'un contre l'autre, & je les ai

* C'eft en ce cas principalement,qu'on peut dire avec les Italiens, Tra

duttore Traditore. Cic. de opt. gem.

orat.

traduites, non en fcrupuleux Traducteur. mais en Orateur libre. I'ai essayé de tranfporter dans la copie les idées, les figures, les tours de l'Original. Quant aux expreffions, qui en forment comme l'exterieur & le corps, je les ai accommodées à notre ufage. Ainsi, fans m'affervir aux Loix d'une Traduction purement litterale, je ne me fuis attaché qu'à rendre foit pour la proprieté, foit pour la force,l'équivalent de chaque terme. Car j'ai crû que je ne fatisferois pas tant Savi oportere, fed mon Lecteur, à compter les paroles, qu'à les pefer. Le bon Traducteur, dit Seneque, ne parle point Grec en Latin, & ne fe pique pas .. sranquillitatem voco. moins d'être clair que fidele. Il fe remtransferre verba ad plit & ne s'enyvre point de fon Auteur. Il ceße eft: res ipfa de s'approprie en quelque façon ce qu'il emfignanda nomine eft, prunte; il fe tient en garde contre la premiere Grata vim debet ha- idée qui le faifit & l'entraîne au point, de lui ben, de tram. faire agréer des termes fi reffemblans à la lettre du texte qu'ils en défigurent l'efprit ; &

Non enim ea me annumerare lectori pu

tanquam appendere.

*Hanc ftabilem animi fedem Graci ευθυμίαν vocant:ego

Nec enim imitari

illorum formam ne

quâ agitur, aliquo

quod appellationis

Sen.

non faciem.

pour
tout dire, efclave du fens, il ferend fi bien
maître de l'expreffion, que les penfées qu'il
tire d'une Langue Etrangere, paroiffent. con-
çûes dans la nouvelle Langue où il les trans--
porte.

Cette liberté autorifée par de tels exem

ples,

« AnteriorContinuar »