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fi diffemblables. Je n'imagine pas mieux, qu2Alexandre eût fourni la carriere de Phi lippe, que Philippe la carriere d'Alexandre. Je ne conçois pas, que celui-là cût conquis la Perfe auffi rapidement que fon fuc ceffeur, & porté fes conqueftes jufqu'aux bords de l'Ocean: Je comprends encore moins,que celui-ci de fimple Prince du Sang, éloigné de la Couronne de plufieurs degrez, & retenu en ôtage dans un païs ennemi, eût trouvé le fecret de fe faire Roy, & que laiffant peu à peu meûrir fes entreprifes, il cût fçû, tantoft la bourfe, tantoft l'épée à la main, fe rendre enfin maistre de la Grece. Que fi j'avois pourtant, à prononcer fur la préfe rence entr'eux, peut-eftre que de peur de bleffer l'admiration naturellement attachée, aux prodiges qui fe fuivent de fi prés dans la vie d'Alexandre, je n'oferois avancer, qu'il y a plus loin du Prince de Macedoine au Maistre de la Grece, que du Roy de Mace doine Maistre de la Grece, au vainqueur de F'Orient. Mais au moins ne craindrai-je pas de foûtenir, que Philippe ne devoit qu'à luimesme ce qu'il eftoit; au lieu que fans un predeceffeur tel que Philippe, Alexandre n'eût jamais efté le grand Alexandre. C'eft.

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† Curt. 1. 3.

à va-t-en trouver

Philippe,lui dit Alexandre en lui perçant le flanc.

bSi irafcare, agnita

videntur. Tac. ann. 1. 4. c. 34.

apparemment ce que Clitus f avoit en veuë,
lorsque dans ces momens, où les libertez de
la table & la chaleur du vin, font éclorre les
plus fecretes pensées, il ofa dire en face au
fils: Tu n'as vaincu que par les foldats de
ton pere. La jalousie d'Alexandre, qui au
comble de la gloire s'emporte, jusqu'à tuer
de fa
ce favori trop fincere,
propre a main
femble avouer, b qu'il ne fentit pas moins la
verité que l'indifcretion de ce reproche,

Je doute, qu'Alexandre s'accommodât mieux de fe voir comparé à Cefar. Il n'y a guere pourtant de comparaison plus reçûë, & plus maniée que celle-là. L'accord unanime des anciens & des modernes fur ce fujet, ni mon éloignement pour les opinions fingulieres, ne m'empefcheront pas de dire, qu'elle me femble pecher dans le principe, Je croy appercevoir bien plus de rapport entre Philippe & Cefar, au moins quand on en juge par les mœurs & par les caracteres,plûtoft que par les évenemens. Philippe probablement n'a point eu de place dans les vies de Plutarque, à cause que cet Hiftorien prévenu en faveur de fa Nation,avoit befoin du vainqueur de l'Afie, pour l'opposer au yainqueur de Rome; & prévoyoit bien, qu'aux

yeux de la multitude, le plus illuftre des Romains,maistre d'un Empire gemiffant fous le poids de fa grandeur, effaceroit trop un Macedonien, qui parcourut une moindre sphe re, & dont les conqueftes n'eurent d'autre theatre que les environs d'une petite Monarchie. A la verité dans Cefar & dans Alexandre tout paroift d'abord semblable; l'étendue de leurs conqueftes, la valeur, l'ac tivité, la vigilance, une élevation d'efprit & de cœur, qui leur fait fentir qu'ils meritent de commander au refte des hommes, une paffion impericufe qui ne peut fouffrir de fuperieur, & leur montre la terre entiere comme leur apanage. Mais auffi - tost qu'on les examine à loifur; qu'on va les prendre au berceau, qu'on étudie leurs inclinations; qu'on observe leurs démarches & leurs progrés, cette reffemblance diminuë ou difparoift. Rien de plus different encore,que les moyens qu'ils employerent pour l'execution de leurs deffeins. Peut-eftre la nature eut-elle moins de part à cette diversité, que l'éducation & les conjonctures. Cefar né perfonne privée, & perfecuté dés fon enfance par le Chef de fa Republique, ne pouvoit fe découvrir fans fe perdre. Il eut befoin d'une

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extrême circonspection, ou plutoft d'une dif fimulation profonde, pour tromper la jalou fie d'une faction, qui fans cela l'eût exclus des emplois & des dignitez.. Alexandre au contraire né fils de Roy, & élevé en heritier préfomptif d'une Couronne, ne fçait fe cacher, ni ne veut fe contraindre. Dés fa plus tendre jeuneffe, il fe regarde comme le maître du monde, & fe plaint de n'en avoir · qu'un à conquerir. Je franchis le mot. Un ambitieux qui preft d'envahir l'Afie, & qui comptant pour rien ce que des droits de fuccession lui avoient acquis, diftribuë fon Do-maine à fes Courtifans, & ne fe referve.que l'efperances un magnanime, qui oubliant l'enceinte de fes Etats, & reduit à la neceffi-té continuelle ou de perir ou de vaincre,, s'imagine décheoir, ou mefme defcendre: jufqu'aux fentimens d'un fimple aventurier, fi pour donner la paix il accepte la moitié du plus opulent & du plus vafte empire de l'Ula moitié de fon nivers; un audacieux, qui ne veut ni évidit: F'accepteroister, ni éloigner les obftacles, mais les fur-Et moy, répon- monter ; qui confond la lâcheté avec la j'eftois Parmenion Le prudence, & qui foit qu'il projette, foitt peut fouffrir deux qu'il agiffe, préfume d'avoir la fortune à Soleils ne la terre, fes gages; un fuperbe, qui fe croit en

Darius lui offrant

Empire, Parmenion.

fi j'eftois Alexandre.

fi

Ciel, ajouta-t-il, ne

deux Maifires.

*

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poffeffion de faire fon deftin & celui des humains enfin une efpece d'infenfé, qui las de n'eftre qu'un homme, fe declare fils de Jupiter f, fe deïfie enfuite, & fait fi bien, que fes exploits couvrent prefque le ridicule de fa divinité; tout cela compofe dans Alexandre un Heros à part, & lui forme un caractere, dont la fingularité n'admet point de comparaison. Mais Philippe & Cefar, plus on les approche & on les confidere, n'importe de quel côté, plus on trouve qu'ils fe reffemblent. Leur naissance -ne les appelloit point au pouvoir fuprême; elle fembloit au contraire les condamner à une perpetuelle fujettion. Ils se frayerent un chemin à la fouveraineté, & crurent fe faire une justice que le fort leur avoit refusée. Philippe ne regna, qu'aprés avoir déthrôné en la mefme perfonne fon Roy, fon neveu & fon pupille. Cefar iffu d'une des premieres Maisons de Rome, ufurpa la domination en tournant contre fa patrie,les armes qu'el le lui avoit confiées. Le premier mis en ôtage par fon frere d'abord en Illyrie, puis à Thebes, paffe fa jeuneffe dans des païs étran gers. Le fecond par les défiances de Sylla, qui disoit, qu'un jeune homme de ce caractere

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