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ilen ajouta, pour ainsi parler, un domestique qui ne lui manquoit jamais. Ce fut fon mi- Pluta. Libani roir, qu'il choifit pour l'avertir de ce que les autres n'ofoient lui dire', ou fe laffoient de lui repeter. Ces avis fideles, ces leçons frequentes opererent des prodiges, & lui acquirent une vehemence d'action, & une majefté inimitables. Le jour qu'Efchine retiré à Rhodes y recitoit la harangue de Demofthene contre lui, & que les exclamations l'interrompoient à toute heure, qu'auriez Cic. 3. de Orat. Val. vous donc fait, s'écria-t-il, fi vous l'aviez entendu lui-même ?Quant aux organes, Demofthene s'étudia fort à les pliers il les affujettit à la flexibilité que veut la cadence des periodes, & pour tout dire, il n'obmit rien de ce qui rectifie la nature, ou la perfectionne. Tantoft pour fortifier fa voix, & pour l'aguerrir au bruit d'un Auditoire tumul- civ. de finaler tueux, il declamoit au bord de la mer, & haranguoit les flots, vive image d'une af

*Quand Efchine prit la route de Rhodes, aprés avoir fuccombé dans l'accufation, qui bien qu'intentée contre Ctefiphon attaquoit ouvertement Demofthene, celui-el monte à cheval, & court aprés l'accufateur fugitif, qui fe voyant pourfuivi, fe croit perdu, & fe profterne la face contre terre. Mais alors Demofthene le releve, & le force d'accepter une groffe fomme d'argent. Cette generofité toucha fi vivement Efchine, qu'il ne put s'empel cher de dire: 4y-je tort de regreter une patrie, où j'aj des ennemis faits de telle forte, que je defefpere de trouver ailleurs des amis qui leur reffemblent. Quelques Auteurs (Plutar. in Dome. & x.Rhe. Helladius apud Phot.in Biblioth.) donnent ce mot à Demofthene.

Maxim. 1. 8. c. 7.%,

1. 8. c. Plutar.

Quint. 1 x. c. 3.

Plutur. Phot. Liban.
Suid.

Plut. ibid,

fémblée populaire. Tantoft pour fe mieux recueillir, il s'enterroit dans des lieux tene-breux, où rien ne pouvoit ni le diffiper, ni le diftraire. Souvent il fe rafoit à demi, & fe défiguroit de la forte, pour fe reduire neceffairement à la folitude, par la crainte du ridicule. Ce qui lui couta le plus à corriger furent fes épaules, fujettes à fe hauffer desagréablement dans la chaleur de la declamation. Il ne s'exerçoit point chez lui, qu'il ne fufpendit une épée nue & prête à les punir, au moment qu'elles fe laifferoient emporter à leur mauvaise habitude. La pratique de ces, penibles exercices recommençoit chaque jour, avec une ardeur nouvelle; & l'artifan le plus matineux, l'étoit moins lui..Il que prenoit même beaucoup fur fon fommeil, pour travailler davantage fes harangues; ce El. Var. Hift. Li7. qui fit dire aux plaifans, qu'elles fentoient l'huile. Le fuccés paya tant de veilles & tant: de peines. Il les confacra au falut de fa nation & de fa patrie, & merita que Philippe l'appellât, l'unique rempart d'Athènes. Les conjonctures ouvrirentun vafte champ aux talens &. au zele de cet Orateur. Combien de differends à pacifier, de jaloufies à affoude défiances à calmer, de haines à fufpendre

Eic. Tufc. l. 4.

c. 7.

Stob. Serm. 27.

Luc. in encom. Demofth.

pir,

pendre, d'animofitez à éteindre, de trahifons à démêler, de perils & de maux à prevenir, de pertes à reparer? Quelle prudence ne falloit-il pas, pour conduire & pour réunir au feul interest public, tant d'interests differens, & de vues oppofées? La difcorde,qui tenoit continuellement les Grecs, dans des difpofitions prochaines à la rupture, fe ralluma vivement à l'occafion des Phocéens. Ceux-cy habitoient les environs du Temple de Delphes. Ils s'aviferent de labourer des terres confacrées à Apollon; ce qui eftoit les profaner. Auffi-tôt les Peuples d'alentour crierent au facrilege; les uns de bonne foy, les autres pour couvrir d'un pieux pretexte leurs vengeances particulieres. La guerre qui furvint à ce fujet, s'appella facrée, comme entreprise par un motif de religion. L'on défera les profanateurs aux Amphictyons, qui compofoient les Etats Generaux, & qui s'affembloient tantôt aux Thermopyles, tantôt à Delphes; où l'affaire bien difcutée; on declara les Phocéens facrileges, & on les condamna à une groffe amende. Un d'entr*eux nommé Philomele, homme audacieux & fort accredité, les revolte contre ce decret. Ils prennent les armes, s'affeurent du se

.

L

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Freres. Diod. l. 16.

Paufan. in Phoe.

cours d'Athênes & de Sparte, & ne se promettent pas moins que d'abbattre l'orgueil de Thebes,qui s'étoit montrée la plus ardente à pourfuivre le jugement. Les premiers avantages qu'ils remporterent, ne fervirent pas peu à fortifier cette efperance. Mais bientôt,le fonds neceffaire pour les dépenfes de la guerre leur ayant manqué, ils y fuppléerent par un nouveau facrilege. Philomele avoit eu affez de religion, pour ne pas toucher au Temple de Delphes. Onomarque & Phaille,t qui lui fuccederent dans le commandement, furent moins fcrupuleux. Ils enleverent les vases facrez, & tous les pretieux dons, que la pieté des Rois & des Peuples y avoient confacrez. Les sommes, qu'ils en retirerent à diverses fois, montoient à plus de dix mille talents, c'est à dire à plus de fix millions d'or de noftre monnoye. Ils trouverent ainfi le fecret de foûtenir la guerre, aux dépens de la Divinité qu'ils avoient offensée, & de reduire enfin les Thebains à fe jetter entre les bras Diod. Orof. 1.3.c.12. de Philippe. Ce Prince n'eut qu'à paroître, pour terminer une guerre qui duroit depuis dix ans, & qui avoit également épuisé l'un & l'autre parti. Les Phocéens defefperent d'abord de refifter à un tel ennemi. Les plus bra

ves obtiennent la permiffion de fe retirer dans le Peloponnefe.Lerefte fe rendit à difcretion; Orof. ibid &pour prix d'une victoire qui ne coûta que la peine de fe montrer, le vainqueur, comme nous l'avons déja dit, outre la reputation de Prince Religieux & de fidele Allié,eut encore les Thermopyles, l'unique paffage qui menât de Macedoine en Theffalie. Voila quelle étoit alors la face de la Grece,abondante en Repu bliques & en diffenfions. Athênes & Lacede mone d'un côté nefongeoient qu'à mortifier Thebes leur rivale. De l'autrenon feulement les Thessaliens,tantôt pour fe délivrer de leurs Tyrans, tantôt pour ferétablir dans leurs prerogatives d'Amphictyons, dont les Phocéens les avoient dépouillez mais auffi les Thebains, pour se maintenir la fuperiorité que les batailles de Leuctre & de Mantinée leur avoient acquife, fe dévoüoient absolument à Philip Demoft. Har. fur pe, & fans le vouloir l'aidoient à forger leurs chaînes. D'ailleurs les entreprifes de Philippe fur la Thrace, qui confinoit à la Macedoine, faifoient renaître chaque jour quelque nouveau fujet de guerre, entre lui & les Atheniens.Ce Roi, pour la feureté de fes frontieres, n'avoit rien plus à cœur,que de s'étendre vers la Thrace, & il ne le pouvoit guere qu'aux dé

la Paix.

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