Imágenes de páginas
PDF
EPUB

toyens que vous enverrez fervir dans vos armées.

Certainement nous avons une étrange conduite. Car fi quelqu'un vous demande, Meffieurs, Etes-vous en paix? En paix, dites-vous, non vrayement, nous fommes en guerre avec Philippe. En effet, dira-t-on, n'avons-nous pas elû dix Generaux, autant de Colonels, pareil nombre de Meftres de Camp, & deux Commandans de la Cavalerie? Mais, à vray dire, fi vous exceptez le feul General feul General que vous faites marcher, tous les autres guerriers que font ils? Tous se mettent à la tête de vos proceffions; ils ne se mêlent qu'avec vos facrificateurs, & vos festes sont les journées où ils se signalent. Il faut avoüer, que yous eftes admirables dans vos promotions militaires. On vous prendroit pour ces faifeurs de marmousets, qui étalent des guerriers de boûë & d'argile. Les vostres, non plus que les leurs, ne fervent uniquement que pour la montre & pour le fpectacle. Compofe-t'on fans Capitaines & fans Chefs Atheniens une veritable armée d'Athênes ? Cependant vous envoyez le General de vôtre Cavalerie au fecours de Lemnos, & vous laiffez commander à Menelas, un étranger, celle qui couvre voftre propre païs. Non que j'attaque le merite de Menelas, mais fon merite, quel qu'il foit, ne peut l'autorifer à ne pas tenir de vous l'employ qu'il exerce. Peut-eftre, Meffieurs, convenez-vous de tout ce que je dis, & n'eftes-vous plus & n'eftes-vous plus en peine que de

trouver les fonds dont vous avez befoin. Je defcends yolontiers dans ce détail, & je m'explique en

peu de mots. L'entretien de vostre armée, je parle feulement des munitions de bouche, ne vous coûtera guere plus de quatre-vingt-dix talens; quarante pour vos dix Galeres d'escorte, à raifon de vingt mines par mois chaque Galere; autres quarante talens pour les deux mille hommes de pied à deux drachmes le mois par Soldat; à l'égard des deux cent chevaux, sur le pied de trente drachmes le Cavalier, douze talens par mois fuffiront. Que fi quelqu'un s'imagine, que les feules munitions de bouche ne foient pas une grande avance, il se trompe affurément. Je luis perfuadé , que pourveu que nos troupes ne manquent point de vivres, la Guerre leur fournira tout le refte, & que fans faire le moindre tort ni aux Grecs ni à vos Alliez, elles trouveront à fe payer de leur folde entiere. J'en fuis perfuadé au point, qu'à condition que l'on me réponde des vivres, je monte fur la Flote, preft à répondre du fuccés fur ma tefte. Mais où pren. dre ce fonds que je demande? Vous allez l'entendre,

Icy le Secretaire de l'Affemblée lit l'avis de Demofthene fur l'amas de ce fonds, l'Orateur enfuite ajoûte :

Voilà, Meffieurs, ce que j'ay pu imaginer de plus facile & de meilleur. Vous pouvez aller aux avis, & refoudre ce que vous jugerez le plus à propos. Mais au moins comptez, qu'il eft temps d'en venir aux effets, & d'employer contre Philippe d'autres armes que des Lettres & des Decrets. D'ailleurs, pour prendre de plus juftes mesures, & fur la Guerre en general, & fur vos preparatifs prefens, il est de la derniere confequence de reconnoistre la nature &

la fituation du païs où vous prétendez porter la guerre, & de fonger par où Philippe réüffit dans fes expeditions. Il ne réüffit que par fa diligence à vous prévenir en campagne, & par fon attention à mettre de fon côté les vents & les faifons. Si bien qu'il ne manque jamais de tomber où les vents contraires, & les rigueurs de l'hyver luy répondent qu'il ne vous rencontrera point. Confiderez de plus tout ce qu'un pareil ftratagême luy vaut, & tout ce qu'il vous coûte. Vous comprendrez fans peine, que le moyen d'arriver toûjours trop tard, c'est de vous fervir de je ne fçay quelle milice levée à la hâte, & qu'il eft d'une neceflité abfoluë d'avoir toûjours fur pied un corps de Troupes reglées prest à vous garan tir des furprises. Lemnos, Thafe, Sciathe, & d'autres Ifles aux environs font les lieux où vos Troupes hyverneront. Là outre les Ports commodes, outre l'abondance des vivres,& de tout ce qui fert à rafraîchir les armées, vous prendrez fans peine la faifon, où les vents qui regnent le long de cette Côte, & à l'entrée du Port des Villes marchandes, vous permettront d'aborder feurement où bon vous femblera. Quant au détail de vos entreprises, vous n'y devez pas entrer. Il faut se remettre entierement à la prudence de voftre General. Ce fera à luy de prendre fur les lieux fon temps & fes mefures, & de faire fon devoir quand vous aurez fait le voftre felon le projet que je vous ay prefenté. Si vous pouvez vous refoudre premierement à fournir les fonds que j'ay dit, & enfuite n'obmettre aucun des autres preparatifs : Galeres, Fantaffins,

Cavaliers; fi vous exigez de tous fans exception, & par une loy inviolable, l'affiduité du service, & que

vous-mêmes vos Receveurs vos Treforiers vous ne demandiez compte à vos Generaux que de leurs actions ; il eft indubitable que vous n'aurez plus à déliberer perpetuellement & inutilement sur le même fujet. Ce n'est pas là le feul avantage qui vous en reviendra. Vous ôterez encore à Philippe des profits qui ne font pas à méprifer. Quels profits? Les prifes qu'il fait fur vos Alliez. C'est le fonds le plus clair & le plus affeuré qu'il ait pour vous faire la guerre. Eft-ce tout? Non, vous y gagnerez outre cela un feur abri contre les hoftilitez & contre fes violences. On

ne le verra plus traîner vos Citoyens captifs comme à Imbros & à Lemnos; prendre vos Vaisseaux & emporter des richeffes immenfes comme à Geræfte; defcendre fur vos Coftes & enlever voftre Galere facrée comme à Marathon. Ces pertes, ces infultes, il fallut bien les effuyer. Vos forces fur les lieux ne fe trouvoient pas fuffifantes, & tous vos fecours ne manquerent jamais d'arriver plus tard que vous n'aviez projeté.

Mais, à vôtre avis, d'où vient,que vos Panathenées & vos Bacchanales ( n'importe, Meffieurs, à qui le fort en ait commis le foin, gens entendus ou non) d'où vient, que ces feftes malgré leur pompe & leur magnificence, qui furpaffent celle de tous les Grecs, & qui ne demandent ni moins d'hommes, ni moins de frais que vos plus grands armemens, fe celebrent avec tant de regularité au temps & au jour pref

crits;

crits; pendant que vos flotes, comme celles que vous envoyâtes pour Methone, pour Pagase, pour Potydée, ne paroiffent qu'aprés la réduction des Places, dont elles vont faire lever le fiege. C'eft que la loi détermine & regle tout ce qui peut avoir le moindre rapport à vos festes. Il n'y a perfonne d'entre vous, qui long-temps auparavant ne fçache celuy que chaque Tribu a prépofé à fes Muficiens & à fes Athletes. Chacun d'eux fçait quel est le rolle, quelle est la fonction qu'il doit remplir, quelle fera fa retribution, & de qui & quand il la recevra. Rien de negligé ni d'obmis; rien que d'arrangé, que de mefuré ; que de compaffé. Au lieu que dans ce qui regarde la guerre & fes preparatifs, tout fe pafle en tumulte, en defordre, en confufion. Ainfi déz que nous apprenons quelque mouvement de l'Ennemi, nous élifons des Capitaines de Galere; nous les recevons à proposer des échanges; nous difcutons leurs biens, & nous en sommes à chercher les expediens d'avoir de l'argent. Aprés quoy cette longue fuite d'incidens & d'incertitudes fe dénoue enfin par un ordre d'embarquer une troupe d'étrangers tranfplantez dans Athênes, & de fimples affranchis; fauf à les aller quelque jour relever nous-mêmes. C'eft par ces longueurs que periffent tous ceux que nos flotes devoient fauver, car le temps d'agir nous le perdons à faire des preparatifs. Les conjonctures cependant ne s'accomodent pas à noftre pefanteur, & à noftre pareffe. L'experience chaque fois nous confirme l'inutilité de nos armemens. Nos Troupes ne paroiffent, que pour

C

તે

« AnteriorContinuar »