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vous difpoferiez de tout à votre gré : mais dans la fituation où je vous voy, la conjoncture vous ouvrît-elle les portes d'Amphipolis, vos irresolutions & vos diffenfions vous les fermeroient.

Je n'appuye pas davantage fur l'importance de vous tenir tous dans la conftante disposition d'agir felon vos interests. Vous la comprenez, & je vous en suppose pleinement convaincus. Il eft temps de vous dire au jufte, quels font les preparatifs qui me paroiffent propres à vous tirer de la fituation qui vous embarraffe. Je marqueray le nombre de troupes dont vous avez besoin, le fonds neceffaire pour leur entretien,& generalement tous les moyens que je croy les plus efficaces & les plus prompts pour arrefter les progrés de Philippe,& pour le mettre à la raison. La seule grace, que je vous demande avec inftance, c'eft de ne point vous prévenir d'abord, & de fufpendre jufqu'à la fin votre jugement. Sur tout n'allez pas vous imaginer, qu'à caufe que je forme un plan nouveau je temporife, ni prendre pour lenteur la circonfpection. Car ceux qui crient aux armes, & veulent qu'inceffamment, que dés-à-present vous alliez droit à l'ennemi, ne penfent ni ne difent ce qui vous convient le mieux. Conftamment les forces que nous avons, ne suffisent pas pour nous fauver des périls, où nous a jettez notre imprudence. L'Orateur digne de vôtre attention, le seul à qui vous devez déferer, c'est celuy qui vous dreffe un plan exact & précis de toutes les chofes neceffaires pour foûtenir la guerre avec fuccés, & qui non-feulement regle le nombre

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& la qualité de vos troupes; mais qui fournit le moyen de les mettre fur pied, & de pourvoir à leur fubfiftance, jusqu'à ce que nous ayons conclu une paix glorieufe, ou remporté une entiere victoire. Aprés quoy hors d'atteinte, & à couvert des maux qui nous menacent, nous pourrons jouir d'une tranquillité que nous aurons meritée. Du refte, Meffieurs, je me fais fort de vous montrer les moyens qui conduisent à cette heureuse fin. Je n'empêche toutefois perfonne d'en promettre autant ou davantage. L'idée, que j'ay voulu vous donner de mon projet, eft magnifique, je l'avouë; mais aprés l'avoir entendu, vous en jugerez vous-mêmes, & vous verrez s'il tient tout ce que je promets.

Je croy donc, que vous devez commencer par équiper cinquante Galeres, bien refolus de les monter vous-mêmes déz qu'il le faudra. Vous avez encore besoin de Vaiffeaux plats pour transporter où vous voudrés la moitié de vôtre Cavalerie, comme auffi d'un bon nombre d'autres Bâtimens pour les vivres & pour les munitions; le tout toûjours preft, affin de vous mettre toûjours en état de faire teste à Philippe dans fes frequentes & foudaines invasions du côté des Thermopyles, dans la Querfonefe, vers Olynthe, & par tout où il luy plaît. Car il faut une bonne fois luy apprendre, que vous êtes enfin revenus de vostre lethargie, & que deformais il n'entreprendra rien, qu'il ne rifque de retrouver les Atheniens d'Euboce, d'Haliarte, & des Thermopyles. Duft-il n'en avoir que la peur, vous n'aurez pas

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à regretter la dépense d'un armement. Vous êtes leurs d'en recueillir au moins l'un de ces deux avantages. Philippe informé de vos preparatifs : & il le fera, j'en réponds, car vous avez ici, & vous n'en avez que trop, de ces gens fideles à l'avertir de tout ce qui s'y paffe; Philippe, dis-je, inftruit de la forte, ou fe contiendra par la crainte de fe commettre avec Athênes, ou s'il neglige de pareils avis, vous le surprendrez infailliblement; puifqu'à la premiere occasion rien ne traverfera vos defcentes en Macedoine.

Voilà, Meffieurs, le plan que je propose pour la défensive, & je pense, que vous devez l'approuver. Mais j'y voudrois encore ajoûter un Camp volant, pour tenir en allarme & pour harceler continuellement vôtre ennemi. Et qu'on ne me parle point de dix ou de vingt mille étrangers, ni d'un amas de fecours mendicz par vos lettres circulaires. Je veux des troupes compofées de Citoyens, à qui l'on ait foin de fournir leur fubfiftance, & qui fçachent obeïr; foit que vous leur donniez un ou plufieurs Generaux, foit que vous choififfiez celuy-cy ou cet autre pour les commander. Si vous voulez fçavoir de quelle forte & de quel nombre je prétends former ces troupes, par où elles fubfifteront,enfin comment vous vous prendrez à les employer utilement, je vous le diray, Meffieurs, & même je traiteray chacun de ces points en particulier. Premierement à l'égard des troupes étrangeres, je croy devoir vous avertir de ne pas retomber dans une faute, qui vous a fouvent caufé-de notables préjudices. Vous croyez d'abord ne pouvoir

jamais faire affez. Tout eft fuperbe & fomptueux dans vos decrets: grandes contributions, grandes sevécs ; mais faut-il venir à l'execution, vous ne faites pas même ce qu'il y a de plus indifpenfable & de plus neceffaire. Au lieu qu'il vaudroit infiniment mieux vous contenter d'abord de contributions modiques, & d'un petit nombre de troupes; fauf à les augmenter felon l'occurrence,déz qu'elles vous paroîtront infuffifantes. Je dis donc, qu'aujourd'huy vous ne devez pas lever plus de deux mille hommes d'Infanterie, où il y ait cinq cens Atheniens de l'âge que vous jugerez le plus convenable aux fonctions militaires, & que vous n'obligerez pas à fervir toûjours, mais un certain temps que vous reglerez fur le nombre de leurs camarades qui les iront relever tour à tour. Le refte fera compofé d'Etrangers. De plus il faut deux cens Cavaliers, dont les cinquante qui feront Atheniens, ferviront aux mêmes conditions que les Fantaffins, & auront des Bâtimens propres à leur ufage. Fort bien; que faut-il encore? dix Galeres d'escorte. Philippe a une flote, l'escorte eft absolument neceffaire pour affeurer le trajet de vos troupes. Mais ces troupes comment les nourrir? c'est à quoy je fatisferay, aprés avoir dit pourquoy je n'en demande ni plus ni moins, & que j'impose à nos Citoyens l'obligation d'aller fervir en perfonne. Je ne demande ni plus ai moins de troupes › parce que d'un côté nous ne pouvons point fi-tôt assembler d'affez grandes forces pour hazarder une Bataille contre Philippe, & que nous devons nous reduire à

incommoder l'ennemi & à le fatiguer par nos courses. C'est de cette maniere qu'il convient & qu'il fuffit de l'attaquer au commencement. Vous voyez donc, que vous ne devez point fonger d'abord à mettre fur pied de nombreuses armées, car le fonds manque prefentement & pour l'entretien & pour la folde; mais qu'il importe auffi d'avoir un corps de troupes affez confiderable. Je veux encore,que les Citoyens mêlez avec les étrangers aillent servir fur la flote, parce que je sçais que vous allâtes vous-mêmes porter les armes à Corinthe, & vous joindre aux étrangers, que la Republique y entretenoit fous la conduite de Polyftrate, d'Iphicrate, de Chabrias, & d'autres Generaux; parce que les étrangers mêlez avec vous, & vous avec eux, vous remportâtes de signalées victoires fur Lacedemone. Mais depuis que des étrangers compofent feuls vos armées,elles ne triomphent que de vos amis & de vos Alliez, tandis que la puiffance de vos ennemis accruë devient de jour en jour plus redoutable. A peine ont-elles tant fait que de fe montrer en campagne, qu'elles difparoiffent, & vont prendre parti chez Artabaze & par tout ailleurs; car je ne fçache point de fervice où elles ne paffent volontiers, pour quitter le vôtre. Leur General les fuit, & n'eft pas tant à blâmer qu'on pourroit dire; car un General, dés qu'il ceffe de payer, ceffe d'être obeï. Quel moyen de remedier à ce défordre? Oftez au Chef comme au foldat par le payement regulier de la folde tout pretexte de prevariquer; établissez ainfi la fubordination, & donnez pour infpecteurs à vos Generaux les Ci

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