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étoit fortie du Pleroma: qu'elle avoit voulu conoître le premier Pere, & comme il étoit impoffible, elle fe feroit égarée, fi elle n'avoit été retenue par la vertu qui confervoit le pleroma, nommée Horos, c'eft à dire terme, autrement Stauros, c'eft à dire croix, & de plufieurs autres noms. Horos donc avoit remis Sophie dans le pleroma: mais l'éfort qu'elle avoit fait pour en fortir, & fon defir de voir le Pere, étoit une fubftance fpirituelle foible & informe, qui étoit demeurée hors le pleroma. C'eft ce qu'ils nommoient Enthymefis, autrement Achamoth, ou plûtôt Hachamoth, d'un nom hebreu, qui fignifie fageffe au pluriel. Aprés que fa mere Sophie avoit été remife dans le pleroma, & rendue à fon époux Teletos; Nous avoit produit une autre couple, par la providence du Pere: de peur qu'il n'arrivât à quelqu'un des Eones un accident femblable à celui de Sophie. Cette nouvelle couple étoit le Chrift & le Saint Efprit: qui avoient afermi le pleroma & l'union de tous les Eones. Le Chrift leur avoit apris à connoître le Pere: ou plûtôt à fe contenter de favoir qu'il eft incompréhenfible: le S. Efprit leur avoit apris à le louer, & à demeurer dans un parfait repos. Dans cette joye, tous les Eones, pour témoigner au Pere leur reconoiflance, avoient produit de fon confentement, & du Chrift, & du S. Efprit, JESUS ou le Sauveur, contribuant chacun ce qu'il avoit de plus exquis; en forte qu'il étoit comme la fleur de tout le pleroma, & portoit les noms de tous les Eones, particulierement ceux de Chrift & de Verbe, parce qu'il procedoit d'eux tous. Ainfi expliquoient-ils cette parole de faint Paul; Coloff. 1.9. que tout eft raffemblé en J. C. Ils ajoûtoient, que pour faire honcur zu au Sauveur, avoient été produits en même temps des anges de même

natu

nature que lui, comme fes gardes. Tout cela fe trouvoit dans l'écriture. La chute du dernier & douziéme des Eones étoit marquée par

la chute de Judas, le douziéme des apôtres : & Math, DIL par la maladie de la femme affligée d'une pertezo de fang pendant douze ans. C'étoit Sophie dont la fubftance s'écouloit à l'infini, fi la vertu du fils, c'eft à dire Horos, ne l'avoit arrêtée & guerie.

Cependant Achamoth étoit demeurée hors du pleroma, comme un miferable avorton informe & imparfait. Chrift en eut pitié, étendit fa croix, & lui donna la forme de l'être: mais non de la conoiffance. Enfuite il retira fa ver tu, & la laiffa dans une grande detreffe; de Conoître fa mifere & fe voir hors du pleroma fans pouvoir y arriver. Elle fut donc accueillie de toutes fortes de paffions, de tristesse, de crainte, d'angoiffe, & enfin fe tourna à celui qui lui avoit donné la vie: & de-là vint la matiere & tout ce monde vifible. Car ce mouvement de converfion fut la caufe des les ames, la trifteffe & la crainte produifirent la matiere. Ses larmes firent les fleuves & la mer. Son découragement. ftupide & infenfible fit la terre. Mais ceci a be foin d'être un peu plus expliqué..

la marier

Quand Achamoth eut fait cet effort, pour fe XXVI. tourner vers fon auteur: Chrift lui envoya le Fables fr Sauveur, avec la puiffance du Pere & de tous & l'auteur les Eones. Il vint accompagné de fes anges: du moadas. donna à Achamoth la fcience, & la délivra de

fes paffions, fans les anéantir toutefois: feule ment il les condenfa: & de ces affections incorporelles condenfées, il en fit une matiere: corporelle, qui fe trouva. de deux fortes: l'une: mauvaife, qui venoit des paffions: l'autre, qui venoit de la converfion, & qui demeura feulement fujette aux paffions. Achamoth ainfi déli

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délivrée commença à rire, & fon ris fit la fumiere. Dans fa joye elle embraffa les anges, qui accompagnoient le Sauveur, & en conçut un fruit fpirituel comme eux. Ainfi voilà trois fubftances: fpirituelle ou pneumatique, bonne par nature, & incapable de corruption: animale ou pfychique, capable de périr ou de fe fauver, felon qu'elle fe tourne au bien ou au mal: materielle ou bylique, non feulement corruptible: mais deftinée à perir neceffairement, & incapable de falut. Achamoth étoit de la fubftance fpirituelle mais elle avoit formé les deux autres: & de la substance animale, elle avoit formé le Demiourgue, c'est à dire l'auteur & le Dieu de tout ce qui étoit hors le pleroma: & voilà en quel rang c ces heretiques mettoient l'auteur du monde, qu'ils nommoient Demiourgos, d'un nom reçû par les théologiens catholiques, & qui fignifie ouvrier. Selon Valentin, il avoit fait fept cieux, au deffus defquels il étoit. Le paradis étoit le quatrième en montant. Achamoth étoit au-deffus de tous: mais au-deffous du pleroma, dans une region moyenne. L'auteur du monde ne conoiffoit point les chofes fpirituelles, ni tout ce qui étoit au-deffus de lui. C'eft pourquoi il fe croyoit le feul Dieu, Fa. xLv. & difoit par les prophetes: Je fuis Dieu, & il en a point d'autre que moi. El étoit le createur du Cofmocrator ou prince de ce monde, c'eft à dire du diable: & de tous les efprits malins, qui étoient formés de la trifteffe d'Acha moth. Le Cofmocrator habitoit nôtre monde & parce qu'il étoit fpirituel, il conoiffoit ce qui étoit au-deffus de lui..

n'y en

Le Demiourgue ayant fait le monde, fit auffi l'homme matériel ou choïque, d'une matiere invifible: puis lui infpira l'ame, le faifant ainfi à fon image & à fa reffemblance: à fon ima

ge

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ge, entant que matériel; a fa reffemblance, entant qu'animal. Enfuite il le revétit de la tunique de peau, c'est à dire de cette chair fenfible. L'homme reçût de plus la femence fpirituelle, qu'Achamoth avoit reçûe des anges, & qu'elle avoit dépofée dans l'auteur du monde, fans que lui-même s'en aperçût: afin qu'il la femât dans l'ame & dans le corps materiel, où elle devoit germer & croître. Cette femence fpirituelle eoit ce qu'ils apelloient l'églife: image de l'églife fuperieure, qui étoit dans le pleroma. Le Sauveur avoit pris les prémices de ce qu'il devoit fauver. D'Achamoth il avoit reçû le fpirituel: l'auteur du monde l'avoit revétu du Chrift animal: en forte que fon corps même étoit pfychique, invifible, & impaffible. Mais il n'avoit rien pris de materiel: parce que la matiere étoit incapable de falut. Il y en avoit qui difoient, que l'auteur du monde avoit produit un Chrift de même, nature que lui, qui avoit paffé par Marie, comme l'eau par un canal: & que le Sauveur forti du pleroma avec les perfections de tous les Eones, étoit defcendu en ce Chrift à fon baptême. Mais qu'il s'étoit retiré quand il fut prefenté à Pilate, & qu'il n'y avoit que le Chrift animal qui eût foufert. La fin de toutes chofes fera, difoient-ils, quand tous les hommes fpirituels feront formés ou perfectionnés par la gnofe ou vraye fcience. Alors toute la femence fpirituelle ayant reçû fa perfection: Achamoth leur mere paffera de la region moyenne dans le pleroma, & fera mariée au Sauveur formé de tous les Eones. Voilà l'époux & l'époufe. Les hommes fpirituels dépouillés de leurs ames & devenus purs efprits, entreront auffi dans le pleroma, & feront les époufes des anges, qui environnent le Sauveur. L'auteur du monde paffera à la ré

gion moyene, où étoit fa mere: & fera fuivi des ames des juftes: mais rien d'animal n'entrera dans le pleroma. Alors le feu qui eft caché dans le monde paroîtra, s'allumera, confumera toute la matiere, & fe confumera avec elle, jufques à s'anéantir.

Telle étoit la fable entiere de la théologie des Valentiniens. Je l'ai raportée un peu au long: parce que plufieurs herefies fameufes en ont depuis confervé ou renouvellé les principales parties. Et j'ai cru qu'il étoit bon de montrer une fois, jufques où les plus beaux efprits fe font égarés, quand ils ont fuivi leurs penfées dans F'explication de l'écriture: méprifant la regle infaillible de la tradition apoftolique & de l'autorité de l'églife. Au refte, il n'étoit pas facile de réfuter les Valentiniens; parce qu'il n'étoit pref que pas poffible de penetrer le fecret de leur doctrine. Un profond filence la couvroit aux profanes: c'eft à dire à tous ceux qui n'étoient Tertullin pas de la fecte. Si quelqu'un vouloit y entrer, Valent.c..il y avoit bien des portes à paffer, & bien des rideaux à tirer avant que d'arriver à ce fanctuai

2.3.

XXIX.

iniens.

re.

Leurs docteurs fe faifoient beaucoup prier, & même payer cherement, pour enfeigner aux curieux des myfteres fi fublimes. Il en coutoit au moins bien du temps & de la peine.

De leur doctrine ils tiroient ces conclufions Morale morales. Les pfychiques, tels qu'étoient fedes Valen-lon eux les catholiques, étant incapables d'arriver à la fcience parfaite, ne fe peuvent fauver que par la foi fimple & les oeuvres : & il n'y a qu'eux à qui les œuvres foient utiles. C'est à eux que convient la continence & le martyre. Les charnels ne feront jamais fauvés, quoiqu'ils faffent: les fpirituels n'ont point befoin d'oeuvres: puifqu'ils font bons par nature, & propriétaires

de

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