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HISTOIRE

GÉNÉRALE

DES HUNS.

LIVRE VINGTIE ME.

N

LES

de

TIMOURIDES.

ous voici enfin parvenus à la derniere irruption des peuples Tartares. Elle ne fut qu'un torrent rapide qui inonda une vaste étendue pays en peu de tems, & qui n'eut des fuites que dans le lieu de fon origine. Elle n'eft proprement qu'une continuation de la grande migration arrivée fous Genghizkhan. C'est une partie de la nation des Mogols armée contre une autre partie qu'elle détruit, & qui va enfuite ravager l'Afie & les confins de l'Europe. Timour, ou, comme nous le nommons communément, Tamerlan, qui en fut l'auteur, étoit un Chef de ceux des Mogols qui étoient établis dans le Zagataï, & defcendoit Tom. IV.

A

ine.

Apr. J. C.

de Carafchar nevian qui avoit fervi avec diftinction fous Tamerlan. Genghizkhan, & qui enfuite fut Vizir de fon fils Zagatai. Carafchar étoit parent du Conquérant Mogol (a).

L'an 1370.

La famille de Tamerlan étoit en poffeffion, fous les Princes du Zagatai, de la province de Kesch, qui eft peu éloignée de Samarcande, & c'est dans le village nommé Khouadgé ilgar, que ce Prince vint au monde. Après la mort d'Hadgi berlas fon oncle, Tamerlan prit poffeffion du pays de Kesch, comme nous l'avons rapporté ailleurs (b). Les Khans du Zagatai avoient été dépouillés depuis long-tems de tout leur pouvoir par des Nevians, auxquels il ne manquoit que le titre de Khan pour être Souverains abfolus. La plûpart des Chefs de Horde, afpirant à cette premiere place de l'Etat, étoient continuellement en guerre les uns avec les autres. Mir Houssaïn l'occupoit dans le tems que Tamerlan commençoit à devenir puiffant. Celui-ci prétendit à la même place, & la mauvaise conduite de Mir Houffaïn ayant révolté la plupart des autres Chefs, il fut aifé à Tamerlan de parvenir à la fouveraine autorité; il défit Mir Houffaïn, s'empara de la ville de Balkh, & tous les Nevians de l'Empire du Zagatai s'étant affemblés au printems, il fut placé fur le trône. Il mit lui-même fur fa tête la couronne, fe ceignit de la ceinture impériale en préfence des Grands de la Nation qui étoient profternés à fes pieds, enfuite tous le féliciterent, lui firent de magnifiques préfens, répandirent fur lui beaucoup d'or & de pierreries, & lui donnerent le titre de Saheb keran, c'eft-à-dire, de Maître du monde (c). Jamais ce Prince ne porta celui de Khan, qui étoit réservé aux feuls

(a) Tamerlan étoit fils de Targai nevian, fils de Barcal nevian, fils d'Ilenkiar nevian, fils d'Abgal novian, fils de Caragiar ou Carafchar nevian, Vizir de Zagatai khan, & fils de Caragan, fils de Jardimgi novian, fils de Cagioului novian, fils de Tamnai khan, fils de Baifancor khan, fils de Caidou khan, fils de Doutoumnan khan, fils de Bouca khan, fils du célebre Bouzendgir. Le nom de Timour, autrement Demur ou Demir, en langue Mogole fignifie fer, on y a ajouté l'épithète de Lenk, c'eftdire, boiteux en Perfan, & c'eft de-là

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L'an 1370.

defcendans de Genghizkhan. Il voulut conferver toujours dans ce pays un Prince de cette famille qui le portoit, & dont Apr. J. C. il n'étoit, & ne fut toujours en apparence que le lieutenant- Tamerlan. général; de maniere qu'il ne fit que fuccéder à l'autorité de Mir Houffaïn. Malgré fon grand pouvoir la politique l'obligeoit de refpecter encore la famille de Genghizkhan, pour laquelle le peuple avoit une vénération finguliere, & ce ne fut qu'après la mort que fes enfans cefferent de nommer des Khans, fans cependant ofer en prendre le titre.

Tamerlan nomma des Gouverneurs de province, des Gé- Scherfeddin néraux d'armée, des Chefs de fes confeils, & combla de préfens tous fes Officiers & les Grands de la Nation. Après avoir féjourné quelque tems à Kefch, où il s'étoit retiré, il paffa à Samarcande qui par fa fituation agréable, par la fraîcheur de fes jardins, par la folidité & la beauté de fes édifices, & par la multitude de fes rivieres & de fes canaux, étoit une des plus belles villes du monde. Il en fit la capitale de fon Empire, répara fes murailles, conftruifit de nouvelles fortereffes, l'orna de fuperbes palais, d'édifices pu blics, & rétablit l'ordre dans cette grande ville qui devint auffi célebre que le Caire & Bagdad. Il foumit enfuite quelques Nevians qui avoient abandonné fon parti, & convoqua (a) un couroultai, ou affemblée générale de la Nation, où tous les Chefs fe rendirent. Zendé-hacham (6) fut le feul qui fe laiffa fommer, & qui promit de fe foumettre, mais qui peu de tems après donna des preuves de fa haine contre Tamerlan, en faisant mourir ceux qui étoient attachés à ce Prince. Rien ne put ramener ce Nevian qui fit charger de fers ceux que Tamerlan lui envoyoit pour l'engager à rentrer dans le devoir. Tamerlan fe vit contraint d'arborer la queue de cheval & l'étendart impérial, & de fortir de Kesch avec son armée, pour paffer le Gihon, & aller attaquer le château de Sefiddez (c), où Zendé-hacham s'étoit renfermé. Effrayé par le grand nombre de troupes qui l'environnoient, ce Nevian demanda la permiffion de venir fe jetter aux pieds de Tamerlan avec l'épée & le fuaire à la main, pour mar(a) Au mois de Juin de la même an- (b) Fils de Mohammed khodgia aperdi. née. (c) C'est-à-dire, le Fort blanc.

Apr. J. C. quer, fuivant la coutume des Tartares, qu'il étoit prêt de combattre pour fon service, & de lui livrer fa vie. Après ce Tamerlan. premier fuccès Tamerlan retourna à Kefch (a).

L'an 1370.

L'an 1371.

Zendé-hacham qui n'étoit foumis qu'en apparence, & qui avoit deffein de lui enlever l'Empire, confervoit toujours de la haine contre lui, & ne cherchoit que les occafions de la faire éclater. Il fe forma un parti, & gagna le Nevian Aboulmaali, avec lequel il alla ravager les pays de Balkh & de Termed; mais Khatai bahadour, à la tête d'un corps de troupes, fe rendit en diligence dans ces provinces. A fon approche les rebelles prirent la fuite, après avoir rompu une partie d'un pont de batteaux qui étoit à Termed; ceux qui n'avoient pas eu le tems de paffer l'Amou, furent taillés en piéces. Zendé-hacham fe fauva à Scheburgan, où il fe fortifia. Il y fut affiégé pendant tout l'hyver par le Nevian Yakou que Tamerlan avoit envoyé. Enfin rentrant en lui-même, & reconnoiffant fa faute, il en demanda pardon, l'obtint, & parut pendant quelque tems attaché au service de Ta

merlan.

Après que ces troubles eurent été ainsi appaisés, Tamerlan porta la guerre dans le pays des Getes (6), qui eft fitué au Nord du Sihon & à l'Orient du Kaptchac. Les Nevians Comzé & Orenkitmour, avec toutes leurs hordes, fe rangerent auffi-tôt fous fon obéiffance, & il donna le gouvernement de ces pays à Kepec timour dont la révolte excita bientôt de nouveaux troubles. Tamerlan y envoya quelques-uns de fes Généraux qui après avoir livré bataille jau rebelle, auprès de la riviere Aisché-caden, se hâterent trop de faire la paix. Mécontent de leur conduite qui lui faifoit perdre tout l'avantage de la victoire, & réfolu de marcher lui-même dans ce pays, il raffembla toutes les troupes dans les environs de Samarcande, fe rendit à Seiram & å Penki, & diffipa dans le courant d'un mois tous fes ennemis. Il pénétra jufqu'à Senghezi agadgé & à Adoun-couzi, où il fut informé que Zendé-hacham, avec les Nevians Moufa, Aboulmaali, fils du Khan de Termed, & le Scheikh (a) On la nomme encore Sebz.

(b) L'an 772 de l'Hegire, & du Porc

dans le Cycle Tartare.

'Aboulleith de Samarcande, avoient formé le projet de se Apr. J. C. faifir de fa perfonne, lorfqu'il feroit à Carafouman dans une L'an 1371. partie de chaffe. Il fit venir en fa préfence les conjurés, & Tamerlan après leur avoir reproché leur ingratitude, il leur pardonna, parce que les uns étoient de fa famille, les autres de celle de quelques Nevians qui avoient beaucoup de crédit auprès de lui. Żendé-hacham fut transféré à Samarcande, où on le renferma dans une étroite prison.

por

Il ne reftoit plus à Tamerlan, pour être maître de tout le Zagataï, qu'à foumettre une partie du Kharizme, qui avoit été autrefois de fa dépendance. Elle en avoit été féparée depuis quelque tems par un Mogol nommé Houffaïn fophi (a), de la Horde des Kumkurats, qui s'étoit rendu maître de Kaht & de Kaïouk, autrement Kivak. Tamerlan fit redemander ces deux villes avec toutes leurs dépendances, mais le Roi de Kharizme fe contenta de répondre à l'Ambaffadeur fa valeur l'avoit rendu maître de ces villes, & qu'il que étoit libre à Tamerlan de tenter de les reprendre. Une réponse si hardie & fi fiere détermina d'abord celui-ci à ter la guerre dans ce pays; enfuite le Moufti Dgelaleddin lui ayant fait un tableau de tous les malheurs que l'orgueil du Roi de Kharizme alloit faire tomber fur les Mufulmans, il l'envoya vers ce Prince, dans l'efpérance de le faire rentrer en lui-même. Cette nouvelle démarche fut inutile, & ne fervit qu'à rendre la conduite du Roi de Kharizme plus odieufe par la hardieffe qu'il eut de faire enfermer le Moufti. Tamerlan partit de Samarcande au prin- L'an 13726 tems (b) avec fon armée, & reçut en route un Ambaffadeur envoyé par Ghaïatheddin pir aly, Roi de Herat (c), qui venoit avec de riches préfens lui demander fon amitié. Il se rendit à Bokhara, & fes coureurs défirent fur le bord de l'Oxus, dans un lieu nommé Sepayé, ceux des ennemis ; il trouva enfuite Beiram (d) & Scheikh Mouïad renfermés dans Kaht, où ils avoient deffein de foutenir un fiége. Les

(a) Fils d'Yonghadai.

(b) L'an 773 de l'Hegire, & de la Soutis dans le Cycle Tartare.

(c) Fils d'Azzeddin houffain, mort au mois Dzoulcaada de l'an 771 de

I'Hegire, de J. C. 1370.

(d) Celui-ci avoit la charge d'Yefaoul, ou de Gouverneur; & l'autre, de Daroga, ou de Juge.

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