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J. L'an 1712.

dont les uns font des anges, & les autres des mauvais génies. Quelques Ecrivains rapportent que Brahma, ou Brah-r. J, C. man, n'étoit qu'un Roi de l'Inde qui fut le Chef & le Légiflateur des Indiens, qu'il fit fleurir les fciences, découvrit les mines & l'ufage des métaux ; fit conftruire des temples, dans lesquels il avoit peint les douze fignes du zodiaque & les planetes; & qu'il fit compofer un Livre appellé Sind hind, c'est-à-dire, le Livre du fiécle des fiécles. Brahman penfoit que le foleil reftoit trois mille ans dans chaque figne du zodiaque, & qu'il employoit trente fix mille ans à faire fa révolution entiere; qu'après cette grande révolution la terre devoit changer entiérement de face & feroit bouleversée, que ce qui étoit au Nord pafferoit au Midi, & ce qui étoit défert deviendroit habité. Mais les Indiens ne s'accordent pas tous fur ce renouvellement du monde; quelques-uns penfent qu'il ne fe fait qu'après foixante & dix mille ans, & ils appellent cette grande révolution Hazarouan. Brahman confidéré comme Roi régna, à ce que l'on prétend, trois cens ans (a). Je n'entrerai ici dans aucun détail fur la Religion Indienne qui nous eft connue par les relations des Voyageurs, auxquelles je n'ai rien de particulier à ajouter.

(a) On lui donne pour fucceffeur fon fils Bahboud qui augmenta le nombre des temples. Sous fon regne les hommes étoient fort adonnés aux Sciences, & l'on inventa le jeu appellé Nard. Il a régné 100 ans. Son fils Zaman qui lui fuccéda eut de grands démêlés avec les Rois de Perfe & de la Chine; il régna 150 ans. Après lui régna pendant 140 ans Phouz ou Phor, vaincu par Alexandre; enfuite Dabfchelim,

fous lequel Pilpai compofa le livre ap-
pellé Kalila-ou-Damna, qui contient
dans des apologues la morale & la po-
litique des Indiens. Sous Yalhith fon..
fucceffeur, on inventa le jeu des échecs.
Après fon régne qui dura 120 ans, les
Indiens furent divités. Il y eut un Roi
du Sind, un de Canoudge, un de Kafch-
mir, & un de Manlir qu'on nommoit le
Balhara. Telles font les traditions rap-
portées par Mafoudi

Apr. J. C. Gaubil.

Senga

LES KALMOUKS, OU ELEUTHES.

L

'HISTOIRE des Kalmouks, autrement appellés Eleuthes, ne nous eft point connue, principalement celle qui concerne les premiers tems de la révolution qui a donné naiffance à leur Empire. Plusieurs Ecrivains avancent que les Khans de ces Kalmouks font defcendus de Tamerlan, nous ignorons par quel Prince. Il auroit paru plus vraisemblable de les faire venir de Genghizkhan, dont les defcendans étoient encore maîtres de ces pays dans le tems de Tamerlan, & on ne voit point que ce Conquérant ait détruit cet Empire. Il y a fait de grandes incurfions, il a obligé les Princes de fe retirer, mais l'Hiftoire ne nous apprend point qu'aucun de ses enfans ait poffédé cette partie de la Tartarie, à moins que Veïs, fils d'Ahmed, fils d'Aboufaïd, qui fe retira dans le Turkeftan auprès de fes parens maternels, ne fe foit dans la fuite, lui ou fes enfans, emparé de cette contrée. Quoi qu'il en foit, on donne à ces Princes le titre de Kontaisch, ou plutôt Khan-taisch, & celui de Tchong-kar ou Ghiong-kar, qui fignifie, celui qui commande aux pays Orientaux.

Batour Vers le commencement du fiécle paffé ces vaftes pays kontaisch. étoient gouvernés par Batour kontaisch, qui laiffa de fes Unkowski. neuf femmes douze enfans dont l'aîné, nommé Senga, fut déclaré fon fucceffeur. Il lui donna la plus grande partie de fes fujets, & l'autorité fur fes autres enfans qui furent obligés de lui obéir. Après la mort de Batour konkontaifch. taifch Senga monta fur le trône, & reçut, fuivant la coutume des Tartares, du Dalai-lama qui réfide à Barantola ou Laffa, le titre de Kontaifch. Ses autres freres, jaloux de le voir revêtu de la fouveraine autorité, le maffacrerent pendant une nuit. Sa femme, Princeffe d'efprit & de courage, avec ses trois enfans (a) qui étoient en bas âge, raffembla les Saiffans, c'est-à-dire, les Nobles du pays, fe faifit des

(a) Tfahan araptan, Solom araptan, & Danfchin ambou.

meurtriers, & les fit mourir On offrit alors l'Empire à GeApr. J. C. hen, autre frere de Senga, qui étoit à Barantola; mais ce Bafchtou Prince répondit qu'il s'étoit appliqué aux Sciences, non khan. pour être un foldat, mais pour devenir un Lama. Cependant le grand Lama le détermina enfin à repaffer en Tartarie pour fuccéder à fon frere, & lui envoya peu de tems après qu'il fut inftallé, le titre de Baschtou khan. Avant fon regne les Kalmouks étoient gouvernés par différens Chefs ; il en foumit plufieurs, & fon fucceffeur acheva de les réduire tous fous la même domination.

Dans la fuite ce Prince étant en guerre avec Czeczen khan, qui habitoit aux environs du lac Saiffan; celui-ci entra dans les Etats de Bafchtou khan, s'empara d'un lieu appellé Suitcholm fitué proche le lac de Lait; il fe préparoit à traverser en trois jours une grande montagne qui eft dans les environs, mais Bafchtou khan étant allé à fa rencontre, il le repouffa, & laiffa dans la montagne un Saiffan avec trois cens Kalmouks pour en défendre le paffage. Lorsque Czeczen arriva, le Saissan le repouffa, & Baschtou khan étant venu au fecours avec fa cavalerie, toute l'armée de Czeczen khan fut diffipée, & ce Prince fait prifonnier. 11 eut la tête tranchée dans une ifle fituée dans un lac, avec quinze mille de fes gens. Bafchtou khan foumit enfuite les Talangouts, les Kergis, & laiffant un Saiffan avec deux mille hommes auprès du fleuve Bortalle, il marcha vers les Mogols Kalkas (a), dont il ravagea tout le pays. Les principaux de cetre nation fe retirerent à la Chine, & implorerent le fecours de l'Empereur.

Tfahan araptan, fils de Senga kontaisch, avec fes deux freres, Solom araptan & Danschin ambou, qui étoient devenus grands & qui avoient fuivi Baschtou khan dans cette expédition, où ils s'étoient acquis beaucoup de gloire, devinrent les objets de la haine & de l'envie de ce Prince qui appréhendoit que leur courage & leur expérience dans la guerre ne lui devinffent funeftes. Par le confeil d'un vieux Lama il fit étrangler, pendant une nuit que Tfahan araptan

(a) L'Auteur de ce Mémoire dit qu'en 1722 il y avoit environ 40 ans.

1

Apr. J. C.

khan.

arap

étoit abfent, fon frere Solom araptan. Au retour du preBafchtou mier il lui apprit que fon frère étoit mort fubitement, mais un Lama, nommé Aranzaba, découvrit tout à Tfahan tan, & lui confeilla de prendre la fuite. Tsahan avec le Lama & fept Kalmouks qui lui étoient attachés, fe fauva vers le fleuve Borontana, où il fixa fa demeure ; il y devint trèspuiffant par les fecours que quelques Saiffans & les Bukhares qui venoient d'Yerken trafiquer dans la Sibérie, lui fournirent.

Tfahan araptan.

pour

Vers le même tems l'Empereur de la Chine envoya un 'Ambaffadeur vers Baschtou khan, pour l'engager à ceffer de faire la guerre aux Kalkas; mais ce Prince ayant répondu avec hauteur que l'Empereur Chinois ceffât de fournir des fecours aux Kalkas, & qu'il lui envoyât tous les ans les transfuges de cette nation, la guerre s'alluma entre les Chinois & les Kalmouks. D'abord Baschtou khan remporta de grands avantages, repouffa les Chinois jufques dans leur pays, & ravagea plufieurs de leurs villes ; mais enfuite la difette & les maladies s'étant mises dans fon armée, il eut du défavantage. Tfahan araptan traitoit alors. fecrétement à Barantola avec un Ambaffadeur de l'Empereur de la Chine se faire délarer Khan, & il s'engageoit à faire périr Baschtou khan, à condition que l'Empereur lui donneroit une de fes filles en mariage. Ce traité ayant été rendu public, un grand nombre de Kalmouks abandonna le parti de Baschtou khan ; fon armée fut battue par les Chinois, & ce Khan se sauva dans le pays des Kergis, où il s'empoifonna. Alors Tfahan araptan monta fur le trône, & reçut du Dalai-lama le titre d'Erdeni zuruktu batour kontaifch (a). Les villes d'Yerken, de Turfan, de Kaschgar, d'Akfou, & autres du voifinage qui payoient un léger tribut à Bafchtou khan, ayant refufé de le reconnoître, il alla les attaquer, & fit venir auprès de lui leur Khan nommé Erké khan, avec les principaux de la nation & une partie des habitans. Depuis ce tems-là tous demeurerent auprès du Kontaisch. Ce Prince foumit ensuite

(a) Il époufa deux femmes; la premiere, nommée Czunguaraptan, fille d'un Taïfch, ou Khan du Kokonor; la

feconde, appellée Sederczap, fille d'Ajouki khan. Les Chinois le nomment Tlevang-raptan.

la

la nation des Burats qui habite fur les bords du lac Tuskol dans le voisinage des Cofaques, avec lefquels ils font fou- Apr. J. C.

vent en guerre.

Le Kontaisch apprit dans le même tems que Sanzip, fils d'Ajouki khan, avec quinze mille tentes avoit traversé les habitations de fon pere, & s'étoit campé au milieu des Cofaques & des Baschkirs, aux environs de l'Irtisch, proche Jamischenskoi, que de-là il venoit prendre fes quartiers d'hyver fur le bord de l'Imil dans fes Etats. Tfahan araptan qui avoit époufé fa foeur, le fit inviter de fe rendre à fa Cour; mais Sanzip le refufa, & lui fit feulement demander la permiffion de paffer fur fes terres pour aller au Tibet rendre vifite au Dalai-lama. Le Kontaifch qui fut informé que le deffein de Sanzip étoit d'obtenir du Dalai-lama la permiffion de le faire périr, fit arrêter l'Ambaffadeur, & après avoir encore follicité inutilement Sanzip de venir le trouver, il fit affembler une armée qu'il tint cachée dans les montagnes d'Altin-imil. Enfuite pour mieux cacher fes deffeins, il alla trouver Sanzip, & après avoir paffé deux jours avec lui à fe divertir, il le fit arrêter, difperfa tous ses sujets dans ses Etats, & renvoya Sanzip à fon pere Ajouki khan.

Bientôt après ce Prince eut une longue guerre à foutenir contre les Chinois (a). On prétend qu'un Magicien avoit prédit à Kam-hi, Empereur de la Chine (b), que le Kontaisch lui enleveroit l'Empire. Affligé de cette prédiction, l'Empereur donna à un de fes fils le titre de Kontaisch, & le déclara fon héritier. Dans la fuite ce fils confpira contre lui, & on le fit renfermer. Alors l'Empereur de la Chine envoya un Ambaffadeur vers le Kontaisch pour le prier de lui céder fon titre & d'en prendre un autre, à quoi le Kontaisch ne voulut point confentir, difant qu'il le tenoit de Dieu même, c'eft-à-dire, du Dalai-lama. On ajoute que l'Empereur de la Chine avoit promis autrefois de donner une de ses filles en mariage au Kontaisch, qu'ayant refusé de l'envoyer, ces deux raifons devinrent le fujet d'une grande guerre entre les deux nations. Vers le même tems (c), le

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Tfahan araptan

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