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L'an 1376

tour, que Tamerlan résolut d'aller en perfonne contre Camareddin. Ses Généraux l'atteignirent à Bougam-afigheul, Apr. J. C où ils le mirent en fuite, & fe rendirent maîtres de tous Tamerlan ses sujets, Tamerlan le poursuivit jufqu'à Coutchcar, où Tokatmisch aglen vint implorer fon fecours contre Ourous, Khan du Kaptchac. Tamerlan de retour à Samarcande, donna des troupes à ce Prince, & le renvoya dans le Kaptchac; quelque tems après il fe rendit lui-même dans ce pays pour le foutenir; enfuite (a) il le fit couronner à Saganac (b), & continua de le protéger dans les années fuivantes. 11 nâquit vers le même tems à Tamerlan un fils L'an 1377. nommé Mirza Schahrokh (c), dont la naissance répandit beaucoup de joie dans l'Empire. Les Aftrologues confulterent le ciel à ce fujet, & tirerent l'horofcope du jeune Prince.

Tamerlan avoit alors à fe plaindre de la conduite d'Yousouf fofi, Roi du Kharizme, ce Prince avoit envoyé, malgré l'alliance qu'il avoit contractée, une armée dans les environs de Bokhara, enfuite il avoit fait arrêter fon Ambaffadeur, & un courier chargé d'une lettre où l'on réclamoit le droit des gens. Rien n'ayant pû toucher Youfouf fofi, Tamerlan fe mit en marche vers le Kharizme (d). Pen- L'an 1379. dant qu'il fit le fiége d'Eskiskuz, une partie de fes troupes se répandit dans tout le pays & le ravagea. Yousouf fofi crut pouvoir en impofer à Tamerlan en lui offrant le combat seul à feul; mais il refufa de defcendre dans la prairie, lorsqu'il vit que ce Conquérant armé à la légere l'attendoit pour fe battre avec lui; il n'ofa plus fe préfenter, & un de ses Généraux avec les meilleures troupes fit une fortie très-vive. Le combat dura depuis le matin jufqu'au foir, & il y eut depuis ce tems-là, pendant trois mois & demi que dura le fiége d'Urghens, plufieurs actions femblables. Dans cet intervalle Youfouf fofi mourut; les affiégés ne laifferent pas

(a) L'an 778 de l'Hegire', ou du Serpent, chez les Tartares, fur la fin de l'année.

(b) Voyez l'Hiftoire des Khans du Kaptchac dans le volume précédent.

(c) Le jeudi 14 de Rabi elakher de l'an 779. Sa mere étoit Serai moulk ca

num, furnommée Mahrebane, c'est-à-
dire, bienfaisante; elle étoit fille de Ca-
zan fulthan khan.

(d) Il revint à Samarcande au mois
Schoual de l'an 780 de l'Hegire, ou au
commencement de l'an de la Brebis, le
foleil entrant dans le figne des poissons.

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Apr. J. C.

L'an 1379.

de fe défendre jusqu'à la derniere extrémité ; la ville fut prife d'affaut & livrée au pillage (a). Tous les Scherifs, les DocTamerlan. teurs, les Sçavans & les gens de métier qui furent faits prifonniers, furent envoyés à Kesch. Cette ville qui étoit la patrie de Tamerlan, devint depuis ce tems-là, & par l'attention que ce Prince eut toujours d'y envoyer les prifonniers diftingués par leur fcience ou par leur habileté dans les arts, une des plus célebres villes du monde. On lui donnoit le titre de Coubbat-el-ilm ou el-adab, c'est-àdire, le dôme de la fcience & de la vertu. On l'appelloit encore Scheher-febz, la ville verte, à cause de la verdure & de la fraîcheur de fes jardins. Tamerlan en fit le fiége de fon Empire, & y fixa son séjour pendant l'été. Il fit bâtir de nouvelles murailles & un nouveau palais, qu'il appella Ak-ferai, c'eft-à-dire, le palais blanc, à caufe de la blancheur prodigieuse de ses murs. On avoit confulté les Aftrologues pour jetter les premiers fondemens de ce grand édifice.

Par la conquête du Kharizme Tamerlan avoit foumis tous les pays qui étoient auparavant de la dépendance de l'Empire du Zagatai. Mais fon ambition ne pouvoit être renfermée dans ces bornes qui lui paroiffoient trop étroites; le Khorafan le tentoit, & il cherchoit les moyens de pouvoir s'en emparer, ou au moins d'obliger Gaïatheddin pir aly, Prince de la Dynaftie des Kurts, qui y régnoit, à devenir fon tributaire & fon vaffal. Pour y parvenir, & faire naître quelques divifions qui occafionnaffent une guerre, il fit fommer ce Prince de venir en perfonne au Couroultai, ou à la Diéte, qu'il fe propofoit de tenir au commencement du printems. Gaïatheddin pir aly qui voyoit un orage prêt à fondre dans fes Etats, répondit à l'Envoyé qu'il fe rendroit à la Cour du Monarque Tartare, fi on lui envoyoit Seifeddin berlas, parent de Tamerlan ; ; il croyoit par-là se dispenser d'un voyage pour lequel il avoit beaucoup de répugnance. Mais Tamerlan qui pénétroit fes deffeins, confentit au départ de fon parent. Le Prince d'Herat reçut ce Nevian avec de grands honneurs, & l'arrêta long

(a) L'an 781 de l'Hegire, ou l'an du Mouton.

L'an 1379.

tems dans cette ville, fous prétexte de préparer les préfens qu'il vouloit porter à Tamerlan. Il faifoit pendant Apr. J. C. ce tems-là garnir la ville de toutes fortes de provisions, & Tamerlan. achever les fortifications qu'il avoit commencées l'année précédente. C'étoit une nouvelle muraille qui avoit deux lieues de tour, & qui renfermoit les fauxbourgs & les jardins qui avoient été jufqu'alors hors de l'enceinte de l'ancienne ville. Seïfeddin berlas affecta de ne pas voir tous ces préparatifs, ne follicita plus Gaïatheddin de fe rendre auprès de Tamerlan, & fe retira enfuite pour inftruire fon Maître des desseins

du Roi d'Herat.

il envoya

Tamerlan n'avoit aucun motif raifonnable pour entreprendre cette guerre ; l'ambition de parvenir à la monarchie universelle étoit la feule regle de fa conduite, & il prétendoit qu'il ne devoit y avoir qu'un feul Roi fur la terre. Envahir les Etats avec lefquels il étoit en paix, en enlever toutes les richesses pour les tranfporter dans fon pays, détrôner les Princes, égorger & réduire à l'efclavage leurs fujets faire le plus grand nombre de malheureux qu'il étoit poffible, c'étoit en cela qu'il faifoit confifter toute la gloire d'un Souverain. Formant dès lors le deffein de foumettre la Perse, fon fils Mirza Miran schah qui paffa le Gihon fur un pont de batteaux (a), & qui après avoir attendu à Balkh L'an 1380. & à Schebourgan le retour du printems, fe rendit enfuite maître de la ville de Badghiz, où toutes les richeffes qu'il y trouva, fervirent à former les équipages de fon armée. Tamerlan le fuivit peu de tems après (6) avec le refte de fes L'an 1381. troupes qui pafferent fur un pont la riviere de Dizac (c). Ce Prince alla à Andcoud, ville du Khorafan située près de Balkh, où il vifita Baba fancou, un de ces Dervisch qui affectent d'être fous. Le Dervisch en le voyant paroître lui jetta une poitrine de mouton à la tête. Tamerlan tira de cette aventure un préfage favorable pour fon expédition, & répandit dans toute fon armée que Dieu lui abandonnoit le Khorafan, que l'on a toujours appellé le Royaume de la poitrine,

(a) L'an 782 de l'Hegire.

(b) Sur la fin de l'an 782, au commencement du printems.

(c) Cette riviere qui paffe dans le Khorafan, fe jette dans le Gihon.

ou le milieu de la terre. Il porta par-tout le défordre, & Apr. J. C. obligea Mohammed, frere de Gaïatheddin, qui étoit dans L'an 1381. Tamerlan. la fortereffe de Serakhs, de venir se remettre entre fes mains;

de-là il prit la route d'Herat. Il attendoit en chemin Aly begh, Officier de Gaïatheddin, qui avoit promis de se joindre à lui; mais celui-ci ayant changé d'avis, & ayant même fait arrêter fon Envoyé, Tamerlan prit la route de Dgiam & de Coufoupa. Il n'avoit point à craindre les troupes du Roi d'Herat, parce que Gaïatheddin venoit de fe rendre maître de Nifabour qui appartenoit aux Serbedals, & que fon armée qu'il vouloit éviter, étoit répandue dans les environs de cette ville. Il reçut à Coufoupa l'hommage de Pehlevan mahadi qui commandoit dans ce pays, & alla vifiter à Taibad un fameux Docteur nommé Zeïneddin aboubekr. Ces conférences avec les Dervifchs & les Docteurs qui paffoient pour des faints, lui étoient utiles, & faifoient croire à fes troupes que le ciel favorifoit fes entreprises.

Toute fon armée raffemblée devant Foufchandge affiégea cette place. Ses foldats pafferent le foffé fur des planches & des radeaux, & s'approcherent des murailles. On lança de part & d'autre beaucoup de pierres & de fleches, Tamerlan fut bleffé deux fois; mais fa préfence augmentant l'ardeur de fes foldats, les portes furent enfoncées, & la place fut prife malgré fes grandes fortifications, l'extrême hauteur de fes murs, & la grande quantité de machines dont ils étoient défendus; elle fut livrée au pillage. Herat, la capitale du pays, fut aufsi-tôt affiégée; on s'empara de tous les dehors, & on remporta un avantage confidérable fur la troupe des Ghouris qui avoit fait une fortie. Désespérés par cet échec, les habitans fongerent déja à capituler, & refuferent d'obéir aux ordres de Gaïatheddin qui fe vit contraint d'envoyer fon fils avec plufieurs autres grands Seigneurs pour appaifer Tamerlan. Ce Prince répondit que fi l'on s'opiniâtroit à fe défendre, il détruiroit entiérement le Royaume, & feroit périr tous les peuples. Gaïatheddin abandonna fa capitale (a), & alla se remettre entre les mains du

(a) Dans le mois Mouharram de l'an 783 de l'Hegire, & du Chien chez les Tartares.

Vainqueur. Tamerlan fit enlever tous les tréfors de cette ville, rafer les fortifications, détacher les portes qui étoient L'an 1381. Apr. J. C. revêtues de bandes de fer ornées de cifelures & d'infcrip- Tamerlan. tions, pour les transporter à Kefch; il mit un impôt pour le rachat de chaque habitant, & envoya plusieurs familles à Kesch. Les habitans qui avoient eu tant d'empreffement de livrer la ville, furent entiérement dépouillés de leurs biens, & on ne leur conferva la vie que pour les rendre plus malheureux. Il ne reftoit à Gaïatheddin qu'une fortereffe nommée Eschkilgé, autrement Amankouh, qui paffoit pour imprenable, & dans laquelle Emir Ghouri, le plus jeune de fes enfans, s'étoit renfermé. Tamerlan ordonna au Roi d'Herat d'amener à fa Cour ce jeune Prince qui étoit regardé comme le plus brave & le plus fage de fon tems; mais il exigea que le pere n'entrât point dans la citadelle, dans la crainte que le fils n'entreprît de s'y défendre. Gaïatheddin fut obligé de parler à fon fils du pied des murailles, pour l'engager à remettre la place.

Après avoir ainfi foumis Herat & la fortereffe d'Eschkilgé, Tamerlan envoya le Général Dgihan schah yakou qui s'empara de Nifabour & de Sebzouar. Il marcha en perfonne du côté de Kelat & de Thous, où commandoient Aly bei qui avoit refufé de fe rendre, & Khodgia aly mouiad le Sarbedarien. L'un & l'autre effrayés de l'approche de ce formidable ennemi, quitterent leurs places, & vinrent implorer fa clémence. Esfaraïn qui étoit entre les mains des Lieutenans de l'Emir Veli, Prince du Mazanderan, fut entierement ruinée pour n'avoir pas voulu fe foumettre, habitans & foldats furent paffés au fil de l'épée : les Tartares ne laifferent pas fubfifter une feule maison, & il ne refta de cette ville que fon nom. Bientôt l'Emir Veli fut fommé de venir reconnoître le vainqueur, & il le promit; Tamerlan détruisit pendant ce tems-là quelques troupes de voleurs qui avoient tué plufieurs de fes parens. Enfuite après avoir rétabli Gaiatheddin dans Herat, & fes Officiers dans leurs places, il reprit la route de Samarcande, & alla paffer l'hyver à Bokhara.

Au milieu des fêtes & des plaisirs auxquels il s'abandonnoit

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