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Apr. J. C.

pour fe repofer des fatigues de la guerre, il perdit fa fille L'an 1381. Akia-beghi (a), qui fut portée dans un magnifique tombeau Tamerlan. qu'il lui fit élever à Kesch. Il étoit si accablé de la douleur

que lui caufa cette perte, qu'il fut entiérement infenfible à la nouvelle qu'il apprit qu'Aly bei & l'Emir Veli s'étoient réunis pour faire le fiége de Sebzouar. La Princesse Coutlouk tarkhan aga fa four fut obligée de lui représenter que cet abandon total des affaires de fon Empire pouvoit lui devenir préjudiciable, qu'il devoit fonger à fes peuples, & punir les rebelles avec la derniere févérité. Elle le toucha enfin, & il réfolut de partir pour le Khorafan & le Mazanderan. Il paffa le Gihon à la tête de toutes fes troupes, & fut joint par Gaïatheddin, Roi d'Herat. Aly bei se renfer ma dans Kelat réfolu de s'y défendre, quoique Tamerlan eût effayé de le faire rentrer dans le devoir par la douceur. Ce Prince feignit de marcher vers le Mazanderan, & revint tout d'un coup tomber fur Kelat qui fut inveftie de tous côtés. Aly bei eut recours aux prieres, & demanda une conférence avec ce Prince, affectant ainsi de vouloir se soumettre, pour trouver les moyens de tendre quelque piége. Les murailles de Kelat étoient bâties fur le penchant d'une haute montagne, dans laquelle il avoit au milieu des rochers un petit chemin qui aboutiffoit à la ville. Aly bei informé que Tamerlan venoit au rendez-vous, qui étoit à la porte de la ville, avec peu de gens, mit en embuscade quelques foldats qui avoient ordre de le tuer; mais ce projet échoua, & Tamerlan échappé d'un fi grand péril, fit donner un afL'an 1382. faut général (b). Les Mekrites & les troupes du Bedaschkhan qui étoient habiles à gravir fur les rochers, monterent les premieres, & furent foutenues par le refte de l'armée ; elles battirent plufieurs corps des ennemis; Aly bei fe voyant réduit à l'extrémité, demanda que l'on ceffât le carnage, & envoya quelques-uns des principaux avec une lettre fignée de fa main. Le lendemain Tamerlan entra dans la place & pardonna à Aly bei. Malgré cet accord, ce dernier fe

(a) Elle avoit épousé Mohammed bei, fils de l'Emir Moufa.

(b) Au commencement du mois Ra

bi elaoual de l'an 784 de l'Hegire ; l'an du Porc, felon les Tartares.

réfugia

réfugia pendant la nuit au milieu des rochers, où il fe fortifia de nouveau dans quelques paffages difficiles.

par une

Apr. J. C.
L'an 1382.

Après la deftruction de Kelat, Tamerlan alla affiéger Ter- Tamerlan. khiz, fortereffe fituée dans des montagnes inacceffibles, & qui paffoit pour imprenable; elle étoit défendue troupe de Ghouris, gens célebres pour leur valeur, & munie de toutes fortes de provifions. Il fut offenfé de leur réfiftance, & s'en plaignit à Gaïatheddin, à qui cette place appartenoit. Celui-ci se présenta au pied des murailles pour engager les Ghouris à fe foumettre, mais n'ayant pas été écouté, les Tartares éleverent leurs béliers & leurs machines, établirent des mineurs, & donnerent des affauts. Les Ghouris qui n'étoient point effrayés des nombreuses armées qui les environnoient, repoufferent avec une pareille vigueur les attaques, mais enfin accablés par le nombre ils furent contraints de demander quartier. Tamerlan qui connoiffoit leur bravoure, les careffa beaucoup, & leur donna des poftes confidérables. Toute la Perfe fut allarmée de cette irruption de Tamerlan. Dgelaleddin schah schadgia, Prince de la Dynaftie des Modhaffériens, qui régnoit dans la province de Fars proprement dite, dont Schiraz eft la capitale, fe hâta de rechercher fon amitié, & lui envoya un Ambassadeur avec de riches préfens, que le Tartare reçut en demandant une fille de ce Prince pour fon fils Mirza pir mohammed, afin de conftater l'alliance que le Roi de Schiraz recherchoit.

Tamerlan décampa de Terkhiz, & prit la route du Mazanderan : l'Emir Veli furpris de cette nouvelle, lui envoya un de ses Officiers avec des préfens; on exigea de lui qu'il fe rendît au camp, mais il obtint un délai, & Tamerlan s'en retourna dans fa capitale. Aly bei qui s'étoit fortifié dans les montagnes de Kelat, avoit été battu pendant ce tems-là par Scheikh aly bahadour, & s'étoit foumis. Il fe présenta à Tamerlan dans la prairie d'Andecan avec un fabre & un fuaire à la main, pour marquer fon entier dévouement aux ordres de ce Prince. Mais le vainqueur ne fut pas plutôt entré dans Samarcande, qu'il le fit arrêter avec l'Emir Ghouri, fils de Gaïatheddin, & les envoya à Andecan. Gaïatheddin & fon fils Pir mohammed furent auffi renfermés, Tome IV,

C

Apr. J. C.

Fendant que ces chofes fe paffoient à Samarcande, quelL'an 1383. ques parens de Gaïatheddin tenterent de reprendre Herat (a), Tamerlan. brûlerent une des portes du château, & taillerent en piéces

la garnison qui vouloit fe fauver. Mirza miran fchah, fils de Tamerlan, qui étoit dans les environs, y envoya aufsitôt des troupes qui défirent ces rebelles, & éleverent une tour de toutes les têtes de ceux qui avoient été tués, monument fingulier digne de la barbarie de ces Tartares. Cet événement détermina Tamerlan à faire mourir Gaïatheddin avec toute fa famille.

Cet ambitieux Monarque portoit ainfi la défolation dans les familles des Souverains; mais il éprouva lui-même l'année suivante (6) que fa puiffance ne le mettoit pas à l'abri des malheurs. Il perdit tout à la fois fa femme Dilchad-aga, & fa foeur Coutlouc tarkhan-aga. Celle-ci étoit aimée des peuples à cause de fa piété & de fa charité. Elle avoit fondé des hôpitaux, des monafteres & des colléges, élevé plufieurs autres bâtimens utiles, & Tamerlan avoit fouvent éprouvé combien fes confeils lui avoient été nécessaires. Revenu de l'affliction que ces deux morts lui avoient causée, il reprit les armes, c'étoit-là ce qu'il appelloit s'appliquer au gouvernement. Il envoya une armée dans le pays des Getes pour achever de détruire le parti de Camareddin. Ce premier corps fut défait par la nation des Behrin, mais un fecond qui vint au fecours, pénétra jufqu'au lac Iffikoul & à la montagne Gheuktopa vers l'Ili, fans cependant pouvoir joindre Camareddin. Tamerlan de fon côté avoit pris la route du Mazanderan, mais ayant appris à Termed que le Scheik Daoud, Gouverneur de Sebzouar, s'étoit révolté dans cette ville, & qu'après avoir été battu par Mirza miran schah, il s'étoit fauvé dans la fortereffe de Bedr-abad, où il s'étoit fortifié, il détacha quelques Nevians pour aller dans le Mazanderan, & marcha en perfonne vers Sebzouar. Il ruina tellement cette ville, que la plupart de ceux qui étoient dedans périrent; il fit deux mille prifonniers qu'il entaffa tous vivans les uns fur les autres avec de la

(a) Sur la fin de l'an 784 de l'Hegire, pendant l'hyver.

(b) L'an 785 de l'Hegire, & de la Sous ris chez les Tartares.

L'an 1383.

boue & de la brique, pour en conftruire des tours, afin d'obliger par ce châtiment ceux qui voudroient lui réfifter à Apr. J. C. implorer fa clémence. Il entra enfuite avec cent mille com- Tamerlan. battans dans le Sistan ou Sedgeftan qui s'étoit révolté. Schah Dgelaleddin qui commandoit dans Ferah, vint se rendre, & offrit à ce Prince des préfens. D'autres troupes de Tamerlan fe difperferent dans cette province, & ruinerent la plûpart de fes villes. Elles éleverent à Zeré plufieurs tours des corps morts & des têtes des malheureux habitans.

Dans le tems qu'il faifoit en perfonne le fiége de la ville de Sistan, autrement Zarandge, capitale de la province qui étoit poffédée par Schah Cothbeddin, quelques Emirs fortirent de la ville, & vinrent fe rendre à lui; les affiégés faifirent le tems qu'ils étoient à s'entretenir avec ce Prince pour faire une fortie; les troupes de Tamerlan feignirent de prendre la fuite, & attirerent dans une embufcade les ennemis. Ceux-ci fe défendirent avec intrépidité, & regagnerent, après avoir tué beaucoup de monde, la porte de la ville, alors la nuit fit ceffer le combat. La place fut entiérement inveftie, les Tartares creuferent des foffés qu'ils garnirent de paliffades. Les affiégés firent une feconde fortie, & pénétrerent jufqu'au milieu du camp. Le lendemain toute l'armée Tartare s'approche de la place pour donner un affaut, mais elle eft repouffée, on rentre pêle-mêle dans la ville; un corps de troupes de Tamerlan qui avoit fuivi les affiégés, s'y trouve renfermé, & alloit être taillé en piéces; on court auffi-tôt à fon fecours, la porte eft enfoncée, & les Tartares fortent. Ce fiége fut des plus meurtriers. Schah Cothbeddin qui ne pouvoit plus réfifter, prit enfin le parti de fe rendre auprès de Tamerlan, auquel il tint ce discours : « Ce feroit en vain, grand Prince, que je voudrois entreprendre de me défendre plus long-tems contre toi. Ton bras puiffant eft capa» ble de faire plier, pour ainfi dire, les montagnes. Que me » ferviroit donc de tenter la fortune qui t'a élevé à un si haut degré de bonheur, & dont il semble que tu es le maître. Je ne vois d'autre moyen pour fauver ma vie que de pren» dre la fuite, mais où trouver un afyle, puifque tout eft » soumis à ta puissance; il n'y a point d'endroit fous le ciel

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où je puiffe me retirer. Je fuis cependant pour me garantir Apr. J. C. L'an 1383. de toi, mais c'est auprès de toi-même, & je viens imploTamerlan. » rer ta clémence royale ». Tamerlan pardonna à Cothbeddin, mais lorsqu'il monta à cheval pour aller faire la revûe d'une partie de fon armée, il apprit que vingt à trente mille hommes de la populace de Sistan venoient de prendre les armes, & s'avançoient contre lui; fon cheval fut bleffé d'une fleche en voulant foutenir ses troupes. Plein de fureur il fit d'abord arrêter Schah Cothbeddin, & voulut retourner au combat, mais fes principaux Officiers l'obligerent de se retirer, & allerent à l'ennemi qu'ils mirent en déroute; les murailles furent auffi-tôt escaladées & la place prise d'affaut (a). Les maisons & les édifices publics furent renverfés, tous les habitans, hommes, femmes & enfans au berceau furent égorgés. Les foldats pillerent jusqu'aux clous des portes.

Les Tartares prirent alors la route de Boft, autre ville de la province de Sedgeftan; ils ruinerent en chemin l'édifice nommé la Digue de Roftam, ancien monument dont il ne refta plus aucune trace. Ils s'emparerent de la fortereffe de Tak, & ayant appris en paffant par Kukecala, qu'un rebelle, nommé Toumen nikoudari, s'étoit avancé vers les quartiers de Kidge & de Mekran, Tamerlan envoya fon fils Mirza miran fchah & plufieurs autres Nevians contrele rebelle, on le rencontra dans la prairie de Caran. Toumen se prépara auffi-tôt au combat, malgré les confeils d'un des Généraux de Tamerlan fon ancien ami, qui voulut l'engager à venir fe jetter aux pieds de ce Prince. Il fut tué des premiers dans l'action, & fa tête fut envoyée à Tamerlan. Ce Prince fit enfuite punir un autre Gouverneur de ville qui l'avoit bleffé autrefois à la main, ordonna qu'on le fît mourir à coups de fleches, & s'empara de la ville de Mam-catou & du château de Calaatfarc. Il prit Hezarpèz, où trois mille hommes des fujets de Toumen s'étoient retirés, enfuite quelques autres places, après quoi il fit marcher des troupes contre les Ouganians autrement Aghouans,

(a) Dans le mois Schoual de l'an 785 étoit alors dans le figne du capricorne, de l'Hegire, l'an de la Souris ; le foleil

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