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Apr. J. C.

L'an 1303. Molammed.

Prince revint au centre, & fit placer derriere lui tous les A bagages. Alors Cothlouc fchah attaqua l'aîle droite (a); l'Ouftaddar Houfameddin ladgin, Olba, fils de Carman, & plufieurs autres Emirs ayant été tués, elle fut mise en déroute, mais plufieurs Emirs du centre & de la gauche étant accourus, elle fe rétablit, & Cothlouc fchah quitta la droite qui prit quelque repos. L'Emir Selar & Bibars avoient fait les plus grandes actions de valeur, & avoient couru les plus grands dangers. Tous les autres Emirs animés par leur exemple, fe précipiterent au milieu des ennemis. Couthlouc fchah fut repouffé, Bouliah & les autres Mogols vinrent attaquer Selar & Bibars; alors Couthlouc begh, l'Emir Kaptchac & tous les Mameluks du Sulthan s'avancerent contre les Mogols, & foutinrent Selar. Dans la déroute de l'aîle droite les Tartares avoient eu le tems de s'avancer & de fe poster derriere les Mufulmans, & ils étoient tombés fur les bagages qu'ils avoient pillés. Les femmes & les enfans qui étoient forties de Damas, étoient difperfées dans les campagnes toutes échevelées & fans voile, pour éviter la fureur du foldat. Enfin la fatigue força les deux armées qui combattoient toujours de fe féparer. Couthlouc fchah se retira fur une montagne voifine, perfuadé qu'il avoit remporté la victoire & que Bouliah poursuivoit les fuyards. Mais lorsqu'il yit du haut de la montagne que l'aîle gauche des Mufulmans n'avoit point été ébranlée, il fut étonné, & refta dans ce pofte jufqu'à ce qu'il vit arriver plufieurs des Mogols qui avoient poursuivi des fuyards & qui amenoient des prifonniers. Il fçut par un de ceux-ci que le Sulthan étoit en perfonne dans l'armée, car il l'avoit ignoré jufqu'alors (6). Vingt mille Tartares profiterent de la nuit pour fe retirer. Le Sulthan fit fonner pendant toute la nuit des inftrumens militaires afin de raffembler ceux qui avoient pris la fuite. Chacun refta dans fes rangs, & au lever du foleil on marcha de nouveau au combat. Il y eut encore beaucoup de monde de tué de part & d'autre, & Couthlouc fchah perdit quatre-vingts mille hommes fans les bleffés. Les Mogols qui

(a) Un famedi 2 de Ramadhan.
(b) Les Hiftoriens varient ici ¿ plu-

fieurs prétendent qu'il le fçût avant l'ac tion,

Apr. J. C.

étoient accablés par la foif, en defcendant de la montagne coururent au fleuve pour se défaltérer, & les Mufulmans L'an 1393. les taillerent en piéces. Le Sulthan revint à Damas après Mohamà la pourcette grande victoire, & envoya quelques troupes à la fuite des Tartares vers Cariataïn. Ils fuyoient de tous côtés & fe laiffoient égorger. Un petit nombre fe fauva à Tauriz avec Couthlouc fchah (a).

med.

Le Sulthan s'en retourna au Caire (b), où il y eut de gran- L'an 1304 des réjouiffances; il y avoit de tous côtés des endroits où l'on donnoit à manger au peuple. Le Prince avec fes Emirs fe promena dans toute la ville conduifant une multitude de prifonniers Tartares. Cazan étant mort dans la fuite (c), fon fucceffeur Khodabendé fit la paix avec le Sulthan. Quelque tems auparavant (d) il étoit arrivé dans les environs de Damas une troupe de gueux qui venoient du pays des Tartares. Ils étoient habillés finguliérement, leurs bonnets de laine étoient furmontés de deux cornes auxquelles étoient attachées des clochettes, leur barbe étoit rasée à l'exception des moustaches; ils avoient un habit de laine blanche, & pour ceinture une corde; leurs dents fupérieures étoient caffées. Ils avoient un Chef d'environ quarante ans nommé Scheikh borac. On battoit du tambour devant lui comme devant un Sulthan, & il exerçoit une juftice févere fur fes gens; il difoit qu'il vouloit fe moquer des gueux. Ses gens l'appelloient Seradge eddin omar el ouarrac.

Ön profita de la paix, dont on jouiffoit alors, pour faire Aboulfedha réparer les bâtimens qui avoient été renversés l'année derniere par un violent tremblement de terre. Mais on fut affligé d'une grande mortalité fur les chevaux ; prefque toutes les écuries des Emirs & de la milice fe trouverent dégarnies. Sur la fin de l'année Seïfeddin kaptchac avec les troupes de Hama, & Cara fancar avec celles d'Alep allerent dans la petite Arménie, où ils s'emparerent de Tellhamdoun qu'ils raferent. On reçut ensuite (e) un Ambassadeur

(a) Il arriva cette année de grands tremblemens de terre, une partie des murs du château de Hama & d'Alexandrie furent renverfès; plufieurs édifices eurent le même fort,

(b) Il y arriva le 20 de Schoual.
(c) Dans le mois Schoual de l'an 703.
(d) Dans le mois Dgioumadi elaoual.
(e) L'an 704.

L'an Mohammed.

1305.

de la part d'Abou yacoub youfouf, Roi des Mérinites en Apr. J. C. Afrique qui apportoit avec lui de riches préfens. Au commencement de l'année fuivante (a) Cara fancar, Gouverneur d'Alep, envoya fon Mameluk Bafchtimour dans le pays de Sis avec une armée; mais ce Mameluk qui étoit tou jours yvre, donna le tems aux Arméniens (b) de rassembler toutes leurs forces; ils vinrent au-devant de lui avec les Mogols & les Francs, & l'obligerent de fe retirer après avoir perdu prefque tout fon monde.

Dgemaleddin acousch, furnommé el aphram, fe mit éga lement à la tête des troupes de Damas, & marcha vers la montagne de Kefrouan, fituée entre Damas & Tripoli. • Une foule d'Hérétiques qui faifoient des courfes dans tous les environs, s'y étoient retirés. Les armées Musulmanes environnerent cette montagne qui étoit très-fortifiée, & les foldats ayant mis pied à terre, ils y grimperent de tous côtés, égorgerent tous ceux qu'ils trouverent, & rendirent par cette expédition les chemins fûrs. Ces hérétiques enlevoient les Mufulmans pour les vendre aux Chrétiens. Vraisemblablement il s'agit ici des Druses, ou de quelques reftes d'Affaffins.

L'an 1309.

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L'an 1306. L'Egypte pendant ce tems-là étoit remplie de divisions Aboulfedha & de factions; les principaux Emirs, & principalement SeïAboulma- feddin felar & Bibars étoient ligués les uns contre les aukafeno tres (c), & le Sulthan accablé fous l'autorité de ces deux Emirs qui ne lui laiffoient que le titre de Roi, cherchoit à s'en délivrer (d). Il s'en plaignit à l'Emir Baktimour el dgioukandar qui étoit alors de garde; & convint avec lui que pendant la nuit, lorfque le château feroit fermé & que l'on auroit remis les clefs au Sulthan, fuivant la coutume , on battroit du tambour, que les Mameluks du Sulthan prendroient les armes & montroient à cheval, que Baktimour iroit attaquer les palais de Selar & de Bibars qui étoient dans le château, & qu'il arrêteroit ces Emirs; mais ceux-ci étant inftruits de ce projet, en empêcherent l'exécution.

(a) L'an 705, dans le mois Mouhar

ram.

(b) Le Roi d'Arménie étoit appellé

Haiton, fils de Léon.
(c) L'an 706.
(d) L'an zos.

Apr. J. C.
Moham-

med.

Ils ordonnerent que l'Emir Balban, Gouverneur du château, après avoir feint de fermer les portes, iroit remettre L'an 1309. les clefs au Sulthan. Ce Prince & tous fes Mameluks crurent que leur complot alloit être exécuté, mais ils attendirent inutilement Baktimour. Cet Officier étoit alors avec Bibars & Selar, & avoit juré de refter avec eux. Le Sulthan qui fe vit trahi passa la nuit dans les plus grandes inquiétudes. Bibars & Selar, inftruits du projet, s'étoient auffi-tôt transportés chez Baktimour; le premier avoit voulu le tuer, mais Selar qui l'en avoit empêché, s'en fervit pour tromper davantage le Sulthan. Selar & Bibars firent tenir leurs chevaux tous prêts, attendant à chaque inftant les Mameluks du Sulthan, & aucun des Emirs n'alla faire ce jour-là fa cour au Prince.

Le bruit fe répandit dans le Caire que l'on vouloit asfaffiner le Sulthan, ou au moins le renvoyer à Krak; comme le peuple & la milice aimoient ce Prince, ils s'affenblerent en foule au bas du château. Les Emirs qui craignoient que le Sulthan ne fortît, firent armer quelques-uns de leurs Mameluks, à la tête defquels ils mirent l'Emir Seifeddin famak frere de Selar, & les placerent à la porte des écuries. On entendit en-dedans de ces écuries un grand mouvement, caufé par les Mameluks du Sulthan qui s'armoient pour fortir avec lui. Il y eut quelques fleches de lancées de part & d'autre, & fur le foir le Sulthan fit demander aux Emirs pourquoi ils étoient ainfi affemblés, & fit ajouter que s'ils avoient envie du trône, ils pouvoient le reprendre. L'Emir Bibars, accompagné de plufieurs autres, se transporta auprès de ce Prince, & lui dit que tout ce tumulte ne venoit que de la part de fes Mameluks qui l'irritoient contre les Emirs. Dans le tems qu'il s'en revenoit on entendit un grand bruit, c'étoit le peuple affemblé qui crioit qu'il ne vouloit recevoir aucun Mameluk pour Sulthan, & qu'il vouloit que ce fut un des enfans de Kelaoun; il répétoit à chaque inftant, Vive le Sulthan Mohammed. Samak voulut attaquer cette populace, mais les Emirs l'empêcherent dans la crainte de la faire entiérement foulever. Enfin Bibars & Selar monterent à cheval avec leurs A a iij

Apr. J. C.

L'an 1309. Mohammed.

Mameluks pour aller contre cette populace, ils entendoient crier par-tout, Vive le Sulthan Mohammed toujours victorieux, que Dieu puniffe ceux qui veulent le trahir. Comme on craignoit qu'il n'en vînt un plus grand nombre on les appaifa. Les Emirs qui n'oferent rien entreprendre, firent dire au Sulthan qu'ils étoient fes efclaves, & le prierent de chaffer les auteurs de la fédition. Le Sulthan tint ferme d'abord mais enfuite il fut obligé d'en facrifier quelques-uns qui furent envoyés à Jérufalem. Tous les Emirs fe préfenterent deyant ce Prince & lui baiferent la main. Il donna des robes d'honneur à Bibars & à Selar.

Ces Emirs prierent le Sulthan de fe montrer dans le Caire, afin de calmer le peuple. Dans cette cavalcade ce Prince ayant apperçu à côté de Bibars l'Emir Baktimour, il jura que fi on ne le chaffoit, il ne remonteroit pas fur le trô ne. On envoya fur le champ cet Emir à Sobaiba, & la paix fut rétablie dans le Caire. Cependant le Sulthan qui ne pouvoit rien faire fans le confentement de ces deux Emirs, & qui vouloit abfolument fecouer ce joug, dit qu'il alloit faire le pélerinage de la Mecque (a). Il fortit du Château de la montagne, & alla à Krak, où il arriva avec cent cinquante chevaux (6). On baiffa le pont-levis, & les bagages pafferent; dans le tems que fon cheval avançoit fes deux pieds le pont fe brifa, & fi l'on n'eût pas retenu la bride, le Sulthan tomboit dans les foffés. Il y avoit plufieurs années que ce pont n'avoit fervi, Plufieurs Emirs tomberent, mais il n'y eut que deux hommes de tués, quoiqu'il y eût du fond des foffés environ cinquante coudées. Lorfqu'il fut dans le château, il dit à fes Emirs qu'il n'avoit aucun deffein d'aller en pélerinage, qu'il vouloit refter à Krak & laiffer le trône d'Egypte. Il confeilla aux Emirs qui l'accompagnoient de s'en retourner & de le laiffer tranquille dans cette fortereffe (c); & il écrivit cette lettre aux Emirs d'Egypte ; « Je fuis entré dans le château de Krak qui eft de la

cc

(a) Dans le mois Ramadhan.
(b) Le 10 de Schoual.

(c) Sanut appelle ce Prince Claudus,
& dit qu'il fe retira à Krak, ou Petra

pont au

deferti, avec fa famille, au mois de Mars 1309. Claudus eft ici pour Kelaoun, parce que le Sulthan étoit fils de Kelaoun.

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