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L'an 1398.

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& Tamerlan fe rendit fur le bord de l'Indus (a), où il fit Apr. J. C. conftruire un pont de hatteaux, fur lequel il traversa (6) ce Tamerlan grand fleuve, dans l'endroit où autrefois le fameux Sulthan Dgelaleddin l'avoit paffé à la nâge en fuyant devant Genghizkhan. Il campa à l'entrée du defert de Gerou, nommé depuis le paffage de Dgelaleddin, Tchel-dgelali. Tous les Rayas des environs & des principaux habitans de la montagne de Kouh dgioud fituée au Sud-queft de Kafchmir, s'emprefferent de venir de reconnoître pour leur Prince. Quelques-uns avoient déja fourni des fecours à une partie de fes troupes, lorfqu'elles fe rendirent dans le Moultan fous les ordres d'un de fes Officiers (c). Tamerlan recommanda qu'on ne leur fit aucun tort, & marcha contre Schahbeddin mobarek fchah temini, maître d'une ifle fituée dans la riviere de Jamad, qui s'étoit d'abord foumis au Mirza Pir mohammed, lorfque ce Prince paffa dans ce pays pour aller dans le Moultan, & qui enfuite mettant toute fa confiance dans fon ifle qu'il avait fait fortifier, fe révolta contre Tamerlan. Ce Prince le fit attaquer par le Scheikh Noureddin. Il y eut un combat très-vif, pendant lequel Schehabeddin vint pren dre en queue les troupes Tartares avec dix mille hommes, à la faveur des détours de la riviere, mais il fut repouflé, & perdit une grande partie de fon monde dans les eaux. Tamerlan s'y rendit en perfonne, & Schehabeddin fut battu, mais comme il avoit eu la précaution de faire affembler auparavant deux cents batteaux plats, il fe fauva avec une partie de fon monde à Outcha, toujours pourfuivi par le Scheikh Noureddin. Lorfqu'il fut arrivé auprès des frontieres du Moultan, il tomba entre les mains d'autres troupes tates qui étoient dans ce pays: après avoir perdu prefque tout fon monde, il jetta dans le fleuve fa femme & ses enfans, & gagna à demi-mort le rivage. Les Tartares fuivirent le refte de fes gens jufques dans les forêts & dans les marais, où ils acheverènt de les détruire.

Tar

Tamerlan quitta ce canton, & fuivant pendant cinq ou

(a) Le 8 de Mouharram.

(6) Le 12 de Mouharram de l'an 801,

l'an du Léopard chez les Tartares.

(c) Rouftam tagi bougai berlas.

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fix jours le bord du fleuve Jamad il alla camper (a) fur le bord de la riviere de Genavé (b), auprès d'une fortereffe, L'an 1398. Apr. J. C. vis-à-vis de laquelle eft le confluent des deux rivieres. Il fit Tamerlan conftruire en cet endroit un pont malgré l'impértiofité des vagues, paffa cette riviere, & alla camper à Toulouba éloignée de Moultan de 35 milles; tous les Rayas vinrent baifer la terre devant lui. Toulouba fut taxée à une somme confidérable, mais pendant qu'on étoit occupé à faire payer' ce qui reftoit, quelques foldats entrerent dans la ville, & mirent le feu de tous côtés. On envoya ensuite des troupes à la recherche des Rayas des environs qui refufoient de fe foumettre, & Tamerlan campa (c) auprès d'un lac fitué fur le bord de la riviere de Biah, proche le bourg de Schanavaz. De-là il alla attaquer un Raya nommé Nufret, qui avoit fait environner ce lac d'un mur, & qui s'y étoit renfermé avec deux mille hommes. Il falloit traverfer des marais & des bourbiers pour le joindre. Malgré l'extrême difficulté des chemins on parvint jufqu'à Nufret qui fut défait: on eut encore le même chemin pour fe rendre à Schanavaz, où l'on trouva de grands magasins de farine dont on fe faifit, & l'on fit mettre le feu à ceux qui étoient remplis de bled, afin de réduire les Indiens à l'extrémité.

Ce Prince apprit à Dgendgian, bourg fitué fur le bord du Biah qu'il venoit de paffer avec fon armée, que la ville de Moultan, capitale de la province du même nom, avoit enfin été prise après un fiége de fix mois. Cette conquête indifpofa tellement tous les Rayas, que la plupart de ceux qui s'étoient foumis fe révolterent contre les Tartares, & tuerent les Gouverneurs qu'on leur avoit donnés. Ils ofoient même s'avancer jufqu'aux portes de Moultan, parce que les Tartares qui avoient perdu tous leurs chevaux par des maladies, n'étoient point en état de les repouffer. Mais le voifinage des troupes de Tamerlan les fit diffiper, & Pir mohammed qui commandoit en chef l'armée de Moultan, vint

(a) Le 27 de Mouharram.

(b) Le Genavé fe jette dans le Ravé au deffus de Moultan. Ce Genavé doit être différent du Genayé que l'on trou

ve fur la Carte d'Afie de M. d'Anville;
ou il y auroit une faute dans cette Carte.
(c) Le 8 de Sepher.

L'an 1398.

rejoindre ce Prince, amenant avec lui des tréfors infinis qui Apr. J. C. confiftoient en couronnes, en ceintures & en felles d'or, Tamerlan. en étoffes, vafes précieux, dont Tamerlan diftribua une partie pour récompenfer fes Officiers & fes foldats. Enfuite ce Prince fit les préparatifs néceffaires pour aller attaquer les habitans de la ville de Dipalpour, qui après s'être révoltés contre Pir mohammed à caufe de la mortalité des chevaux

ce,

qui étoit dans fon armée, s'étoient retirés dans la forteresse de Batnir avec un corps de troupes de la garde de Phirouz schah, Sulthan des Indes. Batnir étoit une des plus fortes places de l'Inde, fituée dans le defert; il n'y avoit d'eau que celle que fourniffoit un grand lac formé par les pluies : & comme aucune armée n'étoit parvenue dans cet endroit, les habitans de Dipalpour, d'Adjoudan & des autres villes voifines, s'y étoient retirés comme dans un lieu de fûreté. Mais ils y étoient en fi grand nombre, que plufieurs furent obligés de refter dehors avec leurs effets. Tamerlan après avoir pris Adjoudan, s'approcha de Batnir (a), & s'empara de tous les environs. Raoudouldgin qui commandoit dans cette pla& qui avoit confiance dans la force de fes murailles, dans le grand nombre de ses Officiers & de fes foldats, & dans l'abondance des provisions, refufa de fe rendre. Au premier affaut les Tartares prirent les fauxbourgs, & tuerent un grand nombre d'Indiens: on donna enfuite un afsaut général, & la ville alloit être emportée, mais le Commandant demanda une fufpenfion d'armes qui lui fut accordée, parce qu'il promettoit de fe rendre le lendemain. Il employa ce tems-là à fe préparer à une nouvelle défense; mais l'intrépidité des Tartares triompha de tout, & il fut contraint d'implorer la clémence du Vainqueur, auquel il remit Batnir. Comme Tamerlan avoit particuliérement à fe plaindre des habitans de Dipalpour qui avoient tué par trahison leur Gouverneur Tartare, il fit mourir cinq cents hommes d'entre eux, & prit leurs femmes & leurs enfans; ceux d'Adjoudan furent auffi punis. Alors Kemaleddin, frere de Raoudouldgin, craignant que cette punition ne s'étendît jufques

(4) Le 26 de Sepher.

fur

fur lui, prit les armes, & fit fermer les portes de la ville. Cette révolte fut caufe de la mort de fon frere qui étoit l'an 1398. Apr. J. C. auprès de Tamerlan ; & on fe difpofa à recommencer le Tamerlan. fiége. Mais les habitans, dans la crainte que la ville ne fût prise d'affaut, demanderent une amniftie, & remirent les clefs. Scheikh noureddin & Allah-dad entrerent dans la place pour lever la contribution que chaque perfonne devoit donner pour fa rançon. Les Rayas & les autres Chefs ne voulurent point accepter cette taxe; & comme parmi eux les uns étoient Ghebres, les autres Idolâtres, ils en vinrent aux mains. Tamerlan irrité de cette conduite, ordonna qu'on les paffât tous au fil de l'épée. Les Tartares fe jetterent le fabre à la main dans la ville, où ils trouverent les Ghebres & les Mufulmans réunis, & réfolus de périr. Les Mufulmans égorgeoient leurs femmes & leurs enfans; les Ghebres les jettoient dans le feu qu'ils avoient mis à leurs maifons, & tous fe battoient avec un acharnement qui a peu d'exemple. Dix mille Indiens périrent dans cette occafion, & Batnir fut réduite en cendres.

Après la ruine de cette ville, le grand nombre de corps morts qui infectoient l'air, obligea Tamerlan de partir promptement (a). Il fe rendit à Serefti & à Fethabad, villes habitées par des Idolâtres. Tous avoient pris la fuite, mais ils tomberent entre les mains de fes foldats qui les firent mourir. Ceux d'Ahrouni fe laifferent égorger dans leur ville. Il rencontra près de-là des Hordes de Getes qui y demeuroient depuis long-tems, & qui defcendent de ces anciens Indoscythes (b); ils n'avoient aucune Religion, & leur occupation étoit de voler ceux que la néceffité obligeoit de paffer dans ces quartiers. On en fit mourir près de deux mille. On parcourut les deferts & les bois, où les autres s'étoient retirés. On les pourfuivit par-tout, & deux mille autres périrent encore. On parvint ainsi jufqu'au bord du Kehker qui fe jette dans le Gange. Toutes les troupes fe rassemblerent en cet endroit, & on passa le Kehker, de l'autre côté duquel Tamerlan fit la revue de fon armée. Les

(a) Le 3 de Rabi elaqual, Tome IV

(b) J'en ai parlé ailleurs.

G'

Apr. J. C.
L'an 1398.

habitans de Samané, de Kuteil, & d'Affendi, qui étoient tous idolâtres, brûlerent leurs maifons, & fe fauverent du Tamerlan. côté de Dehli. Les Tartares mirent le feu à Toglouc pour, dont les habitans qui étoient d'une fecte particuliere, portoient le nom de Soloun. Ils admettoient deux principes qui gouvernent l'univers ; l'un bon, ou la lumiere; l'autre mauvais, ou les ténebres. Du premier, à ce qu'ils prétendoient, vient le bien, & de l'autre le mal. On ne trouva dans Panipat (a) qu'une très-grande quantité de bled dont on se servit utilement.

De-là Tamerlan détacha l'aîle gauche de fon armée pour aller faire des courfes jufqu'à Dgihan-numai (b), magnifique palais bâti par le Sulthan Phirouz schah, à deux lieues de Dehli, fur le haut d'une montagne, au pied de laquelle passe la riviere de Jaoun. Il s'approcha de cette riviere, & marcha droit à la ville de Louni fituée entre le Jaoun & l'Hilen qui eft un canal que Phirouz fchah avoit fait creuser pour joindre le Calini au Jaoun. C'eft-là qu'eft fituée la ville de Phirouz-abad, dont les habitans étoient Ghebres; ils brûlerent leurs femmes & leurs enfans, mais leur réfolution ne put empêcher que les Tartares ne s'emparaffent de la ville. On n'épargna que les Mufulmans. Tamerlan tint alors un grand confeil, dans lequel il délibéra fur les moyens qu'il y avoit à prendre pour se rendre maître de Dehli, capitale des Indes. Il réfolut d'amaffer une grande quantité de bleds & de munitions, que l'on renfermeroit dans le palais de Dgihan-numai, & qu'enfuite on commenceroit le blocus de cette ville. Pendant qu'on détacha quelques trou pes pour aller ravager tous les environs, les Indiens firent une fortie; ils étoient au nombre de quatre mille cavaliers, de cinq mille hommes de pied & de vingt-fept éléphans. Trois cents Tartares attaquerent leur avant-garde, & les attirerent au bord d'une riviere. Tamerlan envoya à leur secours, on marcha aux ennemis le fabre à la main, & les Indiens plierent dès le premier choc.

Comme le fiége de Dehli paroiffoit devoir être meurtrier,

(a) Le 24 de Rabi elaoual,

(b) C'eft-à-dire, le miroir de l'univers.

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