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L'an 1372.

premieres attaques furent très-vives, les affiégés lançoient Apr. J. C. fur fon armée un prodigieux nombre de fleches & de pierres; Tamerlan. irrité de cette réfiftance, il fit affembler promptement des fafcines & des bois pour combler les foffés. Par-là on parvint facilement jufqu'au parapet; fes foldats s'emprefferent d'efcalader les murailles, les affiégés abandonnerent la défense, & la place fut emportée l'épée à la main, & livrée au pillage. On fit main-baffe fur tous les habitans; les femmes & les enfans furent faits esclaves : mais Tamerlan leur rendit la liberté le lendemain. Un de fes Officiers qui n'avoit ofé descendre le premier dans le foffé, reçut plusieurs coups de bâtons, fuivant les loix de Genghizkhan qui ordonnent que l'on punisse ainsi les lâches, & enfuite il fut lié à la queue d'un âne, & envoyé à Samarcande.

Après cette expédition le mangalai, ou l'avant-garde de l'armée de Tamerlan se rendit à Dgiouï-corlan, où elle défit une partie des ennemis. Le vainqueur difperfa toutes ces troupes dans les différentes provinces, & tout le Kharizme fut défolé. Houffaïn fofi battu de tous côtés, fe réfugia dans Urghens, d'où il envoya un Ambassadeur pour appaiser la colere de Tamerlan; mais en même tems trop foible pour écouter d'autres confeils, il ne fongea plus à la paix qu'il demandoit, fortit d'Urghens avec fon armée, & fe rangea en bataille fur le bord de la riviere de Caoun qui n'eft qu'à deux lieues de cette ville. Tamerlan qui n'avoit auprès de lui qu'un très-petit nombre de troupes s'approcha de la riviere, que les plus braves de fes Officiers s'emprefferent de paffer malgré la résistance des ennemis. Ils eurent beaucoup de peine à empêcher que Tamerlan ne les fuivît; l'armée ennemie prit la fuite, & Houffaïn fofi alla se renfermer dans Urghens, où il mourut peu de tems après de défefpoir.

Ce Prince eut pour fucceffeur fon fils Youfouf fofi qui trouva le moyen d'appaifer Tamerlan, & de faire la paix avec lui, à condition qu'il donneroit en mariage fa niéce Khanzadé (a), qui étoit la plus belle Princesse de fon tems, au

(a) Elle étoit fille d'Ak-fofi, fils d'Yenghadai, & de Schikurbei, fille d'un Khan Ufbek. Cette jeune Princeffe étoit

appellée Sevin beï, mais on lui donnoit ordinairement le titre de Khan-zadé, c'est-à-dire, fille de Khan.

Apr. J. C.

Prince Dgihanghir, fils de Tamerlan. Auffi-tôt que la paix eut été conclue, Tamerlan quitta le Kharizme, & s'en re- L'an 1372. tourna au lieu de fa réfidence ordinaire.

Tamerlan.

Tout paroiffoit tranquille, lorfque quelques Nevians abandonnerent fa cour, & pafferent dans le Kharizme, où ils s'efforcerent d'exciter des féditions, & d'engager Youfouf fofi à rompre l'alliance qu'il étoit prêt de contracter. Le Roi de Kharizme, féduit par leurs artifices, fe laiffa perfuader, & alla faire des courfes pendant l'automne dans le pays de Kaht, mais fon inconftance fut bien-tôt punie. Au retour du printems (a) Tamerlan entra préci- L'an 1373; pitamment dans le Kharizme ; Youfouf fofi effrayé & reconnoiffant fa faute, demanda la paix, & promit d'envoyer au plutôt la Princeffe Khan-zadé. Tamerlan se laissa fléchir, & s'en retourna à Samarcande, où il s'occupa des préparatifs néceffaires pour le mariage de fon fils Dgihanghir. Il envoya (b) Yadghiar berlas fon parent (c), avec plusieurs au- L'an 13744 tres Nevians dans le Kharizme, pour demander en forme la Princeffe. Ils étoient chargés de préfens qui consistoient en or monnoyé, en rubis, en musc, en ambre, en velours, en brocards d'or & d'argent, en foyes, en fatins de la Chine, & en autres étoffes très-précieuses; en vafes d'or de la Chine ornés de pierreries, en habits magnifiques, en filles efclaves & en chevaux. Youfouf fofi reçut les Ambassadeurs avec beaucoup de refpect, leur fit des fêtes magnifiques, & remit entre leurs mains la Princeffe, à laquelle il fit préfent de plufieurs couronnes très-riches, d'un trône d'or, de braffelets, de pendans d'oreilles, de colliers, de ceintures d'or, de plufieurs garnitures de pierreries, de quantité de bagues, de boëtes & de coffres remplis d'émeraudes, de rubis, de perles, d'habits & de tentures renfermées dans des coffres dont les cadenats étoient d'or, de lits magnifiques, de dais, de pavillons, de tentes à une & à plusieurs colonnes. Lorsque la Princeffe arriva à Samarcande, toute la Cour alla au-devant d'elle; on répandit fur elle des odeurs, de

(a) L'an 774 de l'Hegire, dans le mois Ramadhan, l'an du Bœuf.

(b) L'an 775 de l'Hegire, dans le

mois Schoual, l'an du Léopard.

(c) Il étoit defcendu comme lui de Carafchar nevian,

L'an 1374.

l'or & des pierreries, on fit des fêtes magnifiques; on dreffa Apr. J. C. de tous côtés des tentes fuperbes qui étoient toutes brilTamerlan. lantes par l'or & les pierreries dont elles étoient enrichies; Tamerlan diftribua de riches préfens à tous les Officiers de fa Cour, & après avoir confulté les Aftrologues le mariage fut confommé.

L'an 1375.

Toutes ces fêtes ne furent pas plutôt achevées, que ce Prince reprit les armes, & marcha vers le pays des Getes (a), c'est-à-dire, dans les Etats du Khan de Kafchgar. Il éprouva un froid fi terrible, & il tomba tant de neiges & de pluie lorfqu'il fut arrivé à Rebat-catan, qu'il fut obligé de revenir à Samarcande, d'où il partit deux mois après (b). Son fils Mirza Dgihanghir qui commandoit l'avant-garde, fe rendit à Seiram, & de-là à Jaroun. Il apprit en cet endroit d'un prifonnier que Camareddin, Chef de la horde d'Ouglat, & maître du pays de Kafchgar, étoit campé avec fon armée dans un lieu appellé Gheuktopa (c), où il attendoit Hadgi bei. Il se hâta de le joindre, mais Camareddin ne s'y trouvant pas en fûreté, fe retira dans un endroit inacceffible nommé Birké-gourian (d), qui eft fitué vers la riviere d'Ili; il y avoit trois détroits dans les montagnes, & dans chacun defquels couloit une riviere. Camareddin se posta dans le troisieme, où il fit des retranchemens. La bravoure des troupes de Dgihanghir franchit ces paffages dangereux. Il attaqua les ennemis le fabre à la main, & les força de prendre la fuite. Au lever du soleil, Tamerlan arrivé avec le refte de fon armée, envoya plufieurs Nevians à la poursuite des fuyards. On fuivit le courant de la riviere d'Ili, on foumit tous les pays voifins. Tamerlan de fon côté s'avança jufqu'à Baitac, & détacha le Mirza fon fils pour tâcher de prendre Camareddin. Le jeune Prince ravagea toutes les habitations des Getes qui étoient dans le pays d'Outché-ferman, à l'Orient de Kafchgar. Camareddin abandonna fes pays, & laiffa prendre plufieurs Princeffes de fa famille, entr'autres fa fille Dilcad-aga qui devint dans la fuite l'épouse de Tamerlan.

(a) Le 1 de Schaban de l'an 776.
(b) Au mois de Schoual qui étoit le
commencement de l'an du Liévre,

(c) C'eft-à-dire, la Colline bleue.
(d) C'eft-à-dire, le baffin des Gouris.

Ce

Apr. J. C.

Ce Prince qui étoit resté pendant ce tems-là à Baitac, n'eut pas plutôt appris ces nouvelles, qu'il alla à la mon- L'an 1375. tagne de Cara-cafmac, où Dgihanghir vint le rejoindre: en- Tamerlan. fuite il marcha vers les campagnes d'Arpaïazi (a),& y reçut les hommages de Mobarek Schah, Chef des Mekrites. De-là il revint par Yaffi-daban à Uzkend, où la Princeffe Coutlouk tarkhan aga fa fœur vint au-devant de lui. Au milieu des fêtes qu'il donna à cette Princeffe, Adel schah, fils de Bahram dgelaïr, confpira contre lui avec plufieurs autres Nevians; mais le projet n'ayant pû réuffir, Tamerlan arriva heureusement à Zendgir-ferai proche Nakhschab, où il fit punir quelques-uns des conjurés qui avoient eu l'imprudence de venir fe mettre entre fes mains, & pardonna aux autres. Au retour du printems (b) il ordonna à Adel schah, L'an 1376. qui étoit un de ceux-là, à Sarbouga, à Khațai bahadour à Eltchi bouga, de retourner avec trente mille cavaliers dans le pays de Kaschgar pour arrêter Camareddin, & alla de fon côté à la tête de fon armée dans le Kharizme, où fa présence étoit néceffaire. Il campa à Sepayé sur le bord du Gihon, où une partie de ses troupes, fous la conduite de Poulad, battit à Phariab ou Otrar, Tarkhan erlat & fon frere Turmisch qui furent tués dans l'action.

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Pendant ce tems-là les Nevians qu'il avoit envoyés dans le pays de Kaschgar, avoient formé entre eux le deffein de fe révolter, & avoient rassemblé les Hordes de Dgelaïr & de Kaptchac, avec lesquelles ils étoient venus mettre le fiége devant Samarcande. Cette fâcheufe nouvelle que Tamerlan apprit au-delà de Kaht dans le Kharizme, l'obligeant de revenir à la hâte, il envoya devant lui fon fils Dgihanghir qui rencontra les ennemis dans un lieu appellé Karmina, où il les battit. Les Chefs pafferent dans le défert du Kaptchac, & fe retirerent à la Cour d'Ourous khan qui régnoit dans ce pays. Mais bientôt après se révoltant contre ce Prince qui leur avoit donné un afyle, ils tuerent un de fes Officiers, & fe fauverent dans le Royaume de Kaschgar auprès de Camareddin, qu'ils irriterent de plus en plus contre

(a) C'eft peut-être Paitfepon.

(b) L'an 777 de l'Hegire, l'an du Crocodile.

Tom. IV.

B

Tamerlan, & qu'ils engagerent à lever une armée pour enApr. J. C. Ian 1376. trer dans le pays d'Andecan, dont il fe rendit maître. Mais Tamerlan. Tamerlan n'eut pas plutôt pris la route de ce pays, que Camareddin ordonna à sa maison & à fa horde de quitter Atbaschi, lieu situé vers le lac Palkati, dans lequel fe jette l'Ili, & qu'il alla avec quatre mille chevaux fe pofter dans une embuscade, d'où il vint furprendre Tamerlan qui avoit envoyé toute fon armée à la poursuite des ennemis, & qui étoit refté avec environ deux cents hommes. Tamerlan exhorta en peu de mots fes foldats à faire leur devoir, & pouffa fon cheval contre les ennemis ; il fit des prodiges de valeur, & battit Camareddin malgré fa fupériorité ; il remporta un second avantage fur ce Prince qui penfa être pris.

Tous ces fuccès furent fuivis d'un événement qui lui caufa les plus grands chagrins. En rentrant dans Samarcande, il trouva cette grande ville dans le deuil & dans la tristesse à l'occafion de la mort de fon fils aîné Mirza Dgihanghir. Il pleura amérement ce jeune Prince qui donnoit les plus grandes espérances, lui fit faire de magnifiques funérailles, diftribua de grandes aumônes aux pauvres, fit des fondations pieuses, & lui fit élever dans Kesch un superbe mausolé (a). Son affliction étoit telle, qu'il ne prenoit plus aucun foin des affaires, & qu'il paroiffoit vouloir abandonner fon Empire; les Grands de fa Cour s'efforcerent de le confoler, en lui rappellant ce qu'un Souverain doit à fes peuples. Le tems adoucit infenfiblement fon chagrin, & il reprit, malheureusement pour les hommes, les rênes du gouvernement, ou plutôt la fuite de fes ufurpations. Quelques cavaliers auxquels il donna ordre d'arrêter Adel schah qui étoit dans les montagnes de Karatchouc, furprirent & mirent à mort ce Nevian dans un lieu appellé Ac-fouma, qui eft une tour bâtie fur le haut d'une montagne. En même tems d'autres Généraux qui étoient chargés d'aller contre Camareddin, battirent ce Prince dans le pays de Couratou, & revinrent chargés de dépouilles. Ces troupes ne furent pas plutôt de re

(a) Ce jeune Prince laiffoit de Khanzadé un fils appellé Mirza mohammed fulthan, & de fon autre femme Bakti

mulki aga, un autre fils nommé Mirza pir mohammed.

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