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PARALLELE

DES ROMAINS

E T

DES FRANÇOIS. Par rapport au Gouvernement.

LIVRE CINQUIE'ME.

Uelque brièvement que j'aye

Qparlé des premieres Guerres des

Romains & des François, il fuffiroit peut-être d'ajouter à ce que j'ai dit touchant leur Difcipline Militaire, leur politique, & leurs progrès dans la Science Militaire, un parallele des circonftances différentes où ces deux Peuples fe font trouvés, pour qu'on pût apprécier avec juftefle le mérite de ce qu'ils ont fait au-dehors. Mais çe n'eft pas-là le feul but que je me

I.

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Idée générale

Guerre Puni

fuis propofé; & comme j'ai parcou-
ru dans la premiere Partie de cet
Ouvrage les différentes révolutions
de leur Gouvernement, je dois
examiner dans celle-ci les affaires.
les plus importantes qu'ils ont euës
avec leurs Ennemis. Outre qu'il naî-
tra de cet examen plufieurs réfle-
xions propres à éclaircir des matieres
intéreflantes, on en connoîtra mieux
le génie des deux Peuples que je com-
pare, & tous ces faits feront autant
de nouvelles
des vérités que
j'ai avancées.

preuves

L'Hiftoire ancienne n'offre point de la feconde de Guerre plus mémorable que celle Guerre unique la République Romaine foutint Guerre An- contre Annibal; & l'Hiftoire modergloife. ne ne préfente peut-être point d'éve nement où les caprices de la Fortune, les vertus & les vices des Hommes ayent ramené tour à tour des revolutions fi furprenantes, que pendant le cours de la Guerre que les Anglois porterent dans le fein de la France. Le fuccès des Romains & des François, forme une époque confidérable dans leur Hiftoire. Les premiers en humiliant Carthage firent le premier pas, & le plus difficile,

, pour

parvenir à la Monarchie univerfelle'; & les feconds après la défaite des Anglois, fe trouverent moins occupés au-dedans, & commencerent à fe mêler dans toutes les affaires de l'Europe.

L'on peut appliquer à la feconde (a) Guerre Angloife tout ce que TiteLive dit de celle d'Annibal. Les Romains & les François à qui la Victoire devoit enfin demeurer, crurent d'abord trouver leur ruine dans leurs premieres défaites. La même haine qui divifoit Carthage & Rome, regnoit entre Londres & Paris. La fortune abaiffa les Romains, mais leur patience magnanime vainquit fes caprices; elle flata les Anglois, mais ils ne fçu

(a) J'appelle feconde Guerre Angloise, celle que les François foutinrent depuis Philippe de Valois jufques au regne de Charles VII. & premiere Guerre Angloife, celle que Philippe-Augufte termina en enlevant la Normandie aux Anglois. Ce n'est pas cependant que fes Succeffeurs n'ayant eû, jusques à l'avenement des Valois au Trône, la Guerre avec les Rois d'Angleterre. Mais les hoftilités n'eurent rien de confidérable, & nos Princes conferverent fur les Succeffeurs de Jean-Sans-Terre l'afcendant qu'avoit cû Philippe-Augufte.

la Républi

publique de

Carthage.

rent pas mieux profiter de leurs avantages que les Carthaginois; elle abbattit les François fans les accabler, & récompenfa enfin leur courage.

II. Carthage étoit une colonie de Tyr; Parallele de fon Gouvernement, difent quelques que Romaine Auteurs, fut établi avec fagelle. Po& de la Rélybe le compare à celui des Romains, & Ariftote à celui de Sparte. Mais qu'importoit aux Carthaginois d'avoir deux Suffetes qui partageaffent l'autorité avec le Sénat & le corps du Peuple? Si Sparte & Rome n'euffent eû que l'avantage de diftribuer ainsi la puiffance fouveraine entre les différentes parties de l'Etat, leur nom feroit peut-être ignoré, ou comme celui de Carthage il ne feroit devenu fameux que par leur ruine.

Quoique Licurgue eût pris le plan de fon Gouvernement chez les Crêtois, Polybe s'eft cru en droit de condamner les Auteurs qui avoient avancé que les Républiques de Crête & de Sparte fe reffèmbloient. Elles étoient en effet très-différentes l'une de l'autre par leur Police particuliere, & par la différence des proportions qui unif foient les parties de leur Gouvernement, quoique les principes en fuf

fent les mêmes. Autant que Lycurgue avoir fongé à les affetmir, & à rendre fes Citoyens meilleurs, en établissant parmi eux l'égalité des biens, le mépris des richeffes, & une intime liaison fondée fur leur intérêt perfonnel; autant le Légiflateur des Crêtois, dont le génie s'étoit, pour ainfi dire, épuifé par les méditations qui produifirent pour la premiere fois un mélange des trois Gouvernemens; autant, dis-je, Minos avoit-il négligé d'affermir fon Gouvernement par les Loix d'une Police qui n'en fit qu'un feul corps, & qui rendit la vertu précieuse à fes Ci

toyens.

,

Si, comme on n'en fçauroit douter, la Critique de Polybe eft jufte elle retombe fur lui avec toute fa force, puifque le Gouvernement des Carthaginois qui ne fut jamais en état de retirer aucun avantage du mélange des trois Polices les plus connues, ne reffembla pas plus à celui des Romains, , que le Gouvernement de Crête à celui de la République de Sparte. Qu'on fe rappelle ce que j'ai dit jufques ici de la République Romaine, & qu'on le compare avec ce qu'Ariftote nous apprend des Cartha

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