Imágenes de páginas
PDF
EPUB

regne long & pacifique de Numa auroit pû faire difparoître, mais qu'il rendit feulement capable d'être difcipliné par Tullus Hoftilius.

Les Romains étoient encore trop foibles, pour fubfifter fans faire la Guerre. Ils étoient haïs de tous leurs Voifins, la Religion leur promettoit une Monarchie univerfelle, prefque tous leurs Rois aimerent la guerre, & ceux d'entre eux qui avoient plus de penchant pour la paix, n'amortif foient point un courage que la rufticité des mœurs nourriffoit pendant le repos.

Ils s'accoutumerent dès leur naif fance à confondre le nom d'ennemi avec celui de voifin, & parce que l'un & l'autre réveilloient en eux la même idée, ils n'eurent d'abord qu'un feul mot pour exprimer ces deux chofes dans la fuite fi différentes. Rome par fa fituation n'étoit point propre à donner à fes Habitans du goût pour le commerce, le génie de Romulus & des Sujets qu'il raffembla n'y étoit point tourné; il auroit d'abord fallu qu'ils fe rendiffent les maîtres du cours du Tibre, & qu'ils conquiffent les premiers fonds de leur commerce ;

ainfi ils devoient toujours commencer par faire la Guerre.

Après leurs premiers progrès, la fortune les confirma dans la même conduite. L'exil des Tarquins, & l'habileté de ces Princes à leur fufciter des Ennemis, rendirent la République de Brutus abfolument guerriere. Les récompenfes, les honneurs ne furent accordés qu'au courage & à la prudence militaire, & parce que dans le danger dont Rome étoit menacée, on n'avoit befoin que de ces vertus, tout le refte devint, pour ainfi dire, méprisable, & l'on n'honora que les qualités qui concouroient à la confervation & au luftre de la Patrie par la voye des Armes.

Le College des Prêtres Fécialiens que Numa avoit établi pour juger de la justice des Guerres, n'étoit point un frein capable d'arrêter les fougues de la bravoure Romaine. Ancus Marcius fit auffi fans fuccès les plus fa ges réglemens pour tout ce qui regardoit la déclaration de la Guerre. Les Romains ambitieux, aguerris, & à qui la Guerre devoit tenir lieu du commerce & des Arts par lefquels les autres Peuples s'enrichiffent, au

[ocr errors]

Foient dès-lors, comme ils le fireng dans la fuite, plié les Loix, la Mo, rale, & la Politique à leurs paffions, fi l'inimitié de leurs Voifins ne leur en eût épargné le foin.

- Une ambition exceffive accompagne toujours un Gouvernement qù le Citoyen eft foldat, & le Magiftrat Capitaine; la vertu tant louée des premiers Romains n'étouffa poing cette ambition. Ils refpecterent dans leur foibleffe la foi des Traités & des Alliances, mais leur ambition rendit cette bonne foi fiere, impérieufe, & même infolente. Ce mélange de fentimens, que les circonftances avoient fait naître, & qui n'étoit encore combattu par aucun grand intérêt, leug tint lieu pendant longtems de la plus haute politique dans la fituation où étoit la République, une conduite jufte, mais inflexible, lui donnoit à la fois des Alliés fideles qui la foutenoient, & des Ennemis toûjours nouveaux qu'elle devoit vaincre.

Des fuccès continuels exciterent bientôt une jaloufie qui fut d'autant plus utile aux Romains, qu'elle étoit fortifiée par l'efpérance que leurs divifions donnerent à leurs Ennemis.

Les querelles de la Nobleffe & du Peuple devinrent comme un fignal de ralliement pour les Peuples voifins. Ils fe hâtoient d'attaquer les Alliés de la République, ou de faire des courfes fur les terres, & croyoient toujours rencontrer le moment fa→ vorable; mais les Romains confervoient précieufement l'ufage de ne fouffrir aucune injure fans s'en venger. Ils fe trouvoient dans une de ces circonftances fi rares, où un Peuple pour faire fon devoir, n'a befoin ni d'y réfléchir, ni de faire un effort fur lui-même.

La Nobleffe, ainfi que je l'ai déja fait obferver, ne pouvoit point ne pas regarder les Guerres étrangeres comme le feul & le plus fûr rempart de fes priviléges que l'oifiveté de la paix ruinoit. Elle excitoit aifément à la vengeance un Peuple de Soldats, qui regardant déja la Guerre comme un métier, ne difputoit que fur quelques droits dont il ne connoiffoit pas Louvent tout le prix, tandis que des Ennemis ravageoient fes moiffons. & lui préfentoient une occafion de s'enrichir de leurs dépouilles. Il fe forma une habitude d'abandonner

[ocr errors]

Militaire,

les difputes de la Place pour repouffer l'ennemi & le vaincre. La Nobleffe & le Peuple le firent d'abord par un intérêt perfonnel, & leurs defcendans par la même vûë, ou feulement parce que leurs Peres l'avoient

fait.

La partie politique qui regarde la "De la Police Milice, eft fans doute dans un Etat ce qu'il y a de plus important. La nature des Hommes eft fi dépravée que la Paix qui eft leur plus grand bien, ne peut être que l'ouvrage de la Guerre; il faut la conquérir les armes à la main, & ce n'eft qu'à l'abri du refpect qu'une Nation imprime par force à fes Voifins , qu'elle maintient fa réputation & fa grandeur, & que le Citoyen joüit paifiblement dù privilege des Loix, cultive avec fé curité les Arts, & goûte un bonheur conftant.

fa

Plus les Hommes ont étendu & multiplié leurs connoiffances, enrichi & perfectionné la Société, plus, en un mot, leur induftrie leur à ouvert de voyes pour être heureux, plus il femble auffi au premier coup d'œil, qu'ayant aujourd'hui une meilleure fortune à deffendre que

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »