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me; c'étoient de fimples Avanturiers, & malgré leur nouvelle qualité, ils ne furent regardés par leurs Sujets, dit M. de Rapin-Thoyras, que fur le pied que l'étoient leurs Gouverneurs en Allemagne.

-Cette indecilité farouche dont j'ai parlé dans le Livre précedent, & qui rendoit les Saxons fi redoutables au dehors, les rendoit indomtables au dedans, & il devoit être également difficile de les plier à une bonne Police par la force ou par l'infinuation. Le régne de quelques Princes Danois (a) avoit peut-être encore fait perdre aux Anglois l'attachement qu'ils auroient pu avoir pour

leursRois. Cet attachement même devoit être bien médiocre, s'il eft vrai, ainfi que le penfent plufieurs Critiques judicieux, que la Couronne ait été élective fous la domination des Princes Saxons.

Dans ces circonftances les Anglois furent fubjuguez, & Guillaume le

(a) Les Anglois appellent Danois dans leurs Hiftoires les mêmes Peuples que nous appellons Normands. Quelques-uns de ces Corfaires s'emparerent du Trône d'Angle

terre.

Tome II.

G

Moeurs & ment des An

Gouverne

conquête de

glois après la Conquerant ne ménagea pas leurs Guillaume, préjugés: au lieu de Sceptre il fe fervit pour les gouverner de l'épée avec laquelle il les avoit vaincus. Une févérité fi contraire aux régles de la politique, & d'autant plus injurieufe pour la fierté des Anglois, qu'elle paroiffoit quelquefois puérile & ridicule, leur perfuada plus que jamais qu'un Prince & fes Sujets ont des intérêts différens. Cette erreur trop facile à s'accréditer parmi des Barbares, & fur-tout chez un Peuple tel que je viens de représenter les Anglois, & qui paffe fous une domination étrangere, devint le principe de leur conduite. Elle fut comme une barriere entre le Prince & fes Sujets, & leur donna malgré eux des foupçons pernicieux à leur repos.

Dans cette défunion entre le Monarque & fon Peuple le Trône étoit mal affermi: les Rois entraînez par une ambition mal entenduë, ne fongerent point à donner des fondemens folides à leur autorité, & ils virent paffer leur Couronne fur d'autres têtes. L'Anglois dont ces viciffitudes de fortune occupoient agréablement les paffions, fe fit un art de la révolte,

& força les Chefs de parti d'acheter fon fecours par des privileges que leur ambition fe preffoit de lui accorder, & qu'ils n'ofoient enfuite révoquer. Ce Peuple fçut malheureusement pour fon repos, profiter avec affez d'adreffe de l'ambition de fes Princes pour s'élever au-deffus d'eux &, contre toutes les réglesde la politique, il fe vit en état de fe faire luimême raifon de la cruauté & de l'avarice de Jean-Sans-Terre.

Ce Prince opprimé fut obligé de faire revivre tous les Privileges que les Rois Canut & Edouard avoient accordés à l'indocilité des Saxons, & que Guillaume avoit détruits. L'acte appellé chez les Anglois la Grande Charte changea leur Monarchie en une efpéce de République. Le Parlement qui fe forma fous Henry III. contrebalança en naiffant l'autorité de ce Prince, & ne lui laila qu'un titre équivoque avec une puiffance immenfe s'il n'étoit que le premier Magiftrat de l'Etat, mais trop foible s'il en étoit le Roi. L'Angleterre ne put deflors joüir ni du bonheur que donne la Monarchie, ni de celui que procure le Gouvernement libre.

Le génie d'ufurpation qui avoit déja perdu chez les Anglois ce qu'il a d'odieux, fit de nouveaux progrès. Plus la liberté eut de Loix pour fon-. dement, plus le Prince perdit de fa Majefté aux yeux d'un Peuple qui vouloit être libre. Deflors l'Angleterre fut en contradiction avec ellemême, & ne put pofféder ce qu'on appelle en politique l'efprit de fon Gouvernement. Il lui falloit un Trône, mais elle ne vouloit y laiffer affeoir qu'un vain phantôme de la Royauté. Les François eurent alors une grande fupériorité fur les Anglois. Leur génie étoit plié. à leur Gouvernement, avantage qui a contrebalancé dans plufieurs Nations anciennes & modernes des vices capables de les ruiner, & qui fuppléant au défaut des Loix, donnoit au moins aux François une partie des qualités néceffaires dans la Monarchie.

Les Anglois en effet ne firent grace qu'aux Princes qui fçurent domter leur indocilité par cet empire abfolu que donnent naturellement des qualités fupérieures. Ceux qui n'eurent que des talens communs, comme Edouard II. & Richard II. furent traités de Tirans

pour avoir voulu prendre ou conferver une partie de l'autorité qu'eut Edouard III. Les François avoient un génie tout différent. Quoique les monumens de l'Hiftoire ne nous aident pas à remonter jufqu'à l'origine de leur amour pour leurs Rois, ils en montrent du moins la continuité. La Couronne n'a paffé que dans trois Maifons différentes, & combien d'adreffe, de courage, & de patience les Pepins & Hugues-Capet ne dûrent-ils pas avoir pour monter fur le Trône? Auffi les troubles n'eurent-ils jamais en France les mêmes fuites qu'en Angleterre.

Il faut diftinguer parmi les François le Gouvernement général de leur Monarchie, & le Gouvernement particulier (a) des différentes Puiffances qui la compofoient. Le premier fondé fur les Loix des Fiefs dont j'ai fouvent parlé, défuniffoit la Nation & la partageoit en différens Peuples ennemis les uns des autres ; mais le fe

(a) C'est ainsi qu'on peut diftinguer aujourd'hui le Gouvernement général du Corps Germanique, & le Gouvernement particulier des Electeurs & des autres Princes.

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