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Vices de la

parmi les

François.

Peuple auroit peut-être fuccombé,
que pour les précipiter dans plufieurs
vices qui hâterent la ruine de la Ré-
publique. La Guerre leur avoit été
trop favorable
pour ne les pas con-
firmer dans leurs préjugés. Les Ro-
mains s'attacherent davantage à leur
Police Militaire, & tandis qu'elle de-
venoit moins néceffaire à proportion
qu'ils devenoient plus puiflans, tan-
dis qu'elle étoit même prête à aigrir la
fource des maux qui les menaçoient,
ils lui attribuerent fauffement &
fans reftriction tous leurs fuccès.
En effet Rome remplie de Soldats
corrompus par le luxe, les richeffes
& l'avarice, fe porta d'abord aux der-
nieres violences; la corruption ne
connut plus de frein; il fut impoffi-
ble de concilier les Loix & les mœurs,
& les Guerres Civiles firent de plus
grands ravages.

Les François qui conquirent les même Police Gaules étoient tous Soldats par la même raifon que les premiers Romains; mais à peine eurent-ils retiré quelque avantage de cette Police pour s'établir, qu'elle devint auffi vicieuse parmi eux, qu'elle le fut dans la République Romaine après fes grandes

Conquêtes. Les François ne pouvant couvrir les frontieres de l'Etat qu'ils avoient conquis, affocierent les vaincus à leur victoire, & fous les Petitsfils de Clovis tous les Gaulois indiftinctement eurent l'honneur de porter les Armes.

Cette Police utile dans ces circonftances, du moins en ce fens, que les François lui dûrent vraisemblablement les avantages qu'ils remporterent fur leurs Ennemis, étoit pernicieuse par mille autres raifons. Elle les foutenoit, comme les premiers Romains, contre la multitude d'Ennemis qui les entouroient, mais elle donnoit une nouvelle force à leurs préjugés. Elle retardoit le progrès des mœurs & des Arts, les terres reftoient en friche, la France ne pou voit enfuite fuffire à nourrir fes Ha bitans, & de même qu'on doit attribuer en partie la décadence de la République Romaine à ce Gouvernement Militaire, il faut auffi l'accufer d'avoir été la caufe d'une partie des defordres des François, & de la lenteur avec laquelle ils fortirent de leur barbarie.

Quelque orageufe que

foit par fa

nature une Police qui rend chaque Citoyen Soldat, il étoit plus difficile qu'elle eût des fuites pernicieuses dans la République des Romains ; leurs mœurs, leurs Loix, & leur domination refferrée lui fervirent pendant longtems de correctif. Il n'en étoit pas de même parmi les François; l'étendue de leur Empire, le défaut de fubordination, les mœurs qu'ils avoient apportées de Germanie, & les vices qu'ils rencontrerent dans les Gaules, laifferent à cette Police tous les défauts, & la France ne fut, pour ainfi dire, qu'un grand Camp fans difcipline.

Une fongue expérience prouve affés combien il eft facile aux abus de fe gliffer dans les Armées. Les mêmes qualités qui rendent un Soldat estimable, feroient fouvent dignes de punition dans un Citoyen. La Milice exige une difcipline exacte & vigilante, il faut y prévenir les defordres, parce qu'en naiffant ils ont déja acquis des forces, & la politique jufques à préfent n'a pû y remédier, que par le poids d'une autorité abfoluë que la République Romaine perdit en étendant fa domina

25 tion, & que nos Rois n'avoient point encore lorfqu'ils s'établirent dans les Gaules.

Quand la Milice fit un corps féparé parmi les François, il fut aisé d'établir la vigueur de la difcipline. Tout le Royaume changea de face, & s'il eût été poffible à la République Romaine de luivre la même politique, elle auroit peut-être prévenu la plus grande partie de fes malheurs. Dès que le Tiers-Etat quitta l'épée pour fe livrer aux Arts, la France devint riche, l'abondance domta des efprits que la mifere de leur condition avoit toujours aigris, le Citoyen heureux fongea aux befoins de la Patrie, il paya fans chagrin les impôts; & fous le regne de Louis XII. le Royaume fut en état de fournir aux frais des Guerres les plus confidérables. Le commerce, dit un Hiftorien (a), de ce Prince, étoit borné avant fon regne entre les différentes Provinces qui échangeoient groffierement leurs denrées & leurs marchandifes; alors le François induf

(a) Voyez l'Hiftoire de Louis XII. par Seyffel.

.

trieux paffa les Mers, il attira chez lui l'or de l'Etranger, & la France qui n'eut qu'autant de Soldats qu'il lui en falloit pour conferver fa liberté & fa réputation, exécuta de plus grandes chofes que quand chaque Citoyen portoit les Armes.

La Police Militaire eft devenue non-feulement inutile à tous les Peuples d'Europe, mais elle leur feroit même pernicieuse. Les petits Etats n'en peuvent plus tirer aujourd'hui les mêmes avantages que ceux de l'Antiquité, parce que la Société générale a pris une telle forme qu'ils ne s'armeroient pour fortir de leur obfcurité, que pour fe faire écrafer; auffi ont-ils pris fagement le parti de se mettre fous la protection des grands Empires aufquels ils ont abandonné le foin des Armes. Il fuffit à ceux-ci d'armer une petite partie de leurs Citoyens pour défendre & pour accroître leur Fortune. Outre les dangers que courroient leur Gouvernement Civil & la Difcipline Militaire ellemême en fuivant une méthode contraire, elle les jetteroit, comme on Fa vû, dans l'impuiffance de faire la

Guerre.

C'est

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