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fûreté contre les violences mutuelles qu'ils peuvent le faire, mais il n'est pas moins néceffaire qu'un Peuple foit à l'abri des infultes des Etrangers.

Je tâcherai de pénétrer dans le refte de cet Ouvrage les refforts de la Politique des Romains & des François, & de faire connoître le génie de leurs Ennemis. Comment ces deux Peuples n'ont-ils point fuccombé fous les Armes des Puiffances qui fe font foulevées contre eux ? Comment les Romains, malgré de foibles commencemens, font-ils devenus les maîtres des Nations? Pourquoi les François plus puiffans dans leur naiffance, n'ont-ils pas fait les mêmes progrès ?

Ce n'eft point dans les caprices d'une fortune aveugle qu'il faut en chercher l'explication; la Providence a établi un ordre immuable qui rendra toujours la force & la fageffe fupérieures à la foibleffe & à l'imprudence. En fuppofant autant de courage & de fageffe dans les Carthaginois, que les Romains en avoient, & dans tous les deux les mêmes forces & les mêmes reffources, la For

tune n'auroit penché d'aucun côté; l'Univers eût été partagé entre ces deux Républiques, jufques à ce qu'il fe fût élevé dans l'une ou dans l'autre un Annibal ou un Scipion dont le mérite rare rompît l'équilibre dans lequel on les fuppofe.

Les Romains dûrent vaincre les Peuples aufquels ils firent la Guerre; on verra reffortir des principes de leur Gouvernement & de celui de leurs Ennemis, comme de leurs caufes, la bonne ou la mauvaise fortune, comme leurs effets. Si le hazard eut quelque part aux fuccès des Romains, & leur fut plus favorable qu'aux François, ce n'eft que par rapport aux circonftances où il plaça ces deux Nations. Ces conjonctures furent en effet fi différentes, que les Romains ne feroient jamais fortis de leur premiere médiocrité, s'ils avoient rencontré les mêmes obftacles que les François. Un Peuple aura quelquefois, felon les regles de la Politique, tout ce qui peut le rendre redoutable au-dehors, fans qu'il devienne plus puiffant, les Spartiates en font une preuve certaine; il faut encore qu'il trouve des Ennemis qui

II.

& les Romains devoient for

mer une So

ciété Militaire.

lui foient inférieurs ou par leurs for ces ou par leur politique.

Il fuffifoit que les François euffent Les François pris les premiers principes de leur Police dans la Germanie, dont les Peuples, dès le tems même de Tacite (a), avoient déja fait plus de mal à l'Empire que les Samnites, les Carthaginois, les Efpagnols, les Gaulois, & les Parthes mêmes, pour qu'ils duffent être guerriers. Aux Armes que porte un Peuple, on peut quelquefois connoître fon génie. Les François n'étoient d'abord armés ni de cafque ni de cuiraffe, la pefanteur de ces Armes défenfives n'eût été qu'un poids gênant pour leur activité; toûjours prêts à en venir aux mains, ils ne portoient qu'un bouclier au bras gauche, & à la main droite une Francifque, c'eft-à-dire, une hache à deux tranchans, qu'ils jettoient avec une adreffe merveilleufe fur le bouclier de leurs Enne

(a) Non Samnis, non Pani, non Hifpania Galliave: ne Parthi quidem fapius admonuere... nec imp..nè C. Marius in Italia, divus Julius in Gallia, Drufus ac Nero & Germanicus in fuis eos fedibus perculerunt Tac. in L. de Ger.

mis pour le fondre & le brifer, & volant enfuite avec une rapidité égale à celle de la hache qu'ils avoient lancée, ils tomboient l'épée à la main fur des bataillons entiers, que tous les autres Peuples avoient la prudence d'ébranler & de rompre de loin par des Armes de jet.

Sous un ciel rigoureux, & fur une terre fauvage qu'ils ne fçavoient pas cultiver, les Peuples du Nord fans attachement pour leur Patrie, étoient accoutumés depuis longtems à aller

chercher une meilleure deftinée fur des terres étrangeres. La néceffité qui leur avoit mis les Armes à la main, les forçoit à vaincre ou à périr. Braves par ce tempérament féroce que donnent la groffiereté des mœurs, l'âpreté des climats, & des fatigues continuelles; leurs Loix, leurs coutumes, leur Politique, ne fe propofoient d'autre but que de faire des Soldats ; & l'on découvre même parmi eux plus de inarques de ce caractere qui forme une Nation guerriere que chez les Romains.

Les François, pour m'exprimer avec plus d'exactitude, avoient un plus grand nombre de ces établiffe

mens qui provoquent le courage fans le régler, & qui font plus capables d'infpirer aux Soldats une témérité aveugle qu'une fage valeur. Les Romains au contraire furent gouvernés prefque dès leur naiffance par une Police qui tendoit à régler le courage, & felon les circonftances à le retenir, à l'accroître, à le modérer entre les bornes d'une fçavante difcipline.

Tout Romain & tout François fut Soldat, & l'honneur de répandre fson fang pour la Patrie ne fut refufé qu'aux feuls efclaves. Quand nos Ancêtres s'établirent dans les Gaules, leurs femmes mêmes au milieu des Camps & dans la compagnie d'un Epoux toujours armé, avoient domté la timidité naturelle de leur fexe. Elles fe mêloient quelquefois parmi les combattans, ou voloient au fecours de ceux que leurs bleffures empêchoient de prodiguer un refte de vie.

Un caractere fi violent ne fe perdit point au milieu de ces délices Romaines, qui avoient autant contribué que la pefanteur même du joug de l'Empire, à émouffer le courage des Gaulois. Les François après s'être em

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