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Edu:ation

vie aux Ennemis, & l'accoutumer à ne trouver fon falut que dans les efforts d'un grand courage. Mais comme il feroit infenfé de vouloir tirer des fons juftes & harmonieux d'un inftrument qui n'eft pas accordé, de même la République Romaine ne porta cette Loi qu'après en avoir, pour ainfi dire, rendu l'éxécution facile à fes Citoyens.

Etant tous destinés aux Armes par des Romains. leur naiffance, leurs Peres les formoient dès le berceau aux qualités qui font le Soldat & fans lefquelles on ne pouvoit pas même parvenir aux Magiftratures. La dureté de la vie domeftique les préparoit aux fatigues de la Guerre; la frugalité & des travaux continuels leur formoient un tempérament fain & robufte; les délaffemens & les plaifirs de la Paix étoient, comme ils l'ont été longtems parmi les François, des jeux Militaires. Tout le monde connoît les exer

cices du Champ de Mars, tout refpisoit la Guerre à Rome pendant la Paix; on n'étoit Citoyen que pour être Soldat; on accoutumoit les jeunes gens à faire vingt ou- vingt quatre milles en cinq heures, & fi l'on mettoit

une différence entre la Paix & la Guerre, ce n'étoit que pour faire trouver le tems de celle-ci plus doux ; auffi les Romains le formoient-ils pendant la Paix aux Exercices Militaires avec des Armes une fois plus pefantes que celles dont ils fe fervoient pendant la Guerre.

La République Romaine regardoit le repos & l'oifiveté comme les plus redoutables Ennemis. La conduite des Confuls fut toûjours uniforme, ils ne préparoient les Légions à la Victoire qu'en les rendant infatigables dans les travaux. Un exercice continuel fait les bons Soldats, le paflage de la fatigue an repos les énerve. On voit avec plaifir dans les Hiftoriens anciens quels travaux immenfes on faifoit faire aux Armées Romaines, & qu'elles acquéroient des forces fous le poids qui sembloit devoir les accabler.

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par lel

la même édu

Les exercices. (a) violens Néceffité dequels les Romains fe préparoient à la cation chez Guerre, ne font pas moins néceffai- les Moder res aujourd'hui qu'ils l'étoient autrefois. Depuis l'invention des Armes à feu on a moins befoin, il eft vrai,

(4) Voyez Polybe L. 6. Chap. 4. 5. 6. & 7. Voyez Vegece L. 2. Chap. 23.

nes.

de force & d'agilité, mais les quali tés qui les accompagnent toûjours, & qui ne fe trouvent qu'avec elles, font également effentielles dans lesSoldats. Les Modernes ont en quelque forte laiflé dégrader la nature, & comme nos Soldats les plus forts ne pourroient ni porter tout l'équipage d'un Soldat Romain, ni manier les Armes dont fe fervoient les Anciens François, il n'eft point furprenant qu'ils fuccombent fous le poids des mêmes fatigues qu'exige toûjours la Guerre.

Les talens qui concourent à former un grand Capitaine fe trouvent fi rarement raffemblés dans un Homme, & il faut d'ailleurs tant d'étude pour les perfectionner, qu'un Etat ne fçauroit trop s'appliquer à porter là Difcipline Militaire à fa perfection. C'eft en quelque forte travailler à faire de grands Généraux, que de travailler à faire de bons Soldats. Combien de fois n'est-il pas arrivé en Europe qu'un Général auroit, comme Sylla, payé moins cherement un moment (a) de diftraction ou de négligence, exécuté les projets les plus glorieux, ou réparé avec gloire une faute, fi trouvant dans les Armées (4) Voyez Plutarque, Vie de Sylla.

autre chofe que de la valeur, il avoit commandé ces Légions infatigables que les marches les plus longues & les plus précipitées ne décourageoient point, qui pouvoient fe fuffire à elles-mêmes, que les Rivieres n'arrêtoient pas; & qui pendant l'abondance de la Paix s'étoient accoutumées à fupporter la faim & la foif? Aujourd'hui que les Milices de l'Europe font compofées de la partie la moins noble des Citoyens, on auroit plus befoin que jamais de cet Art pour les élever aux fentimens qui étoient comme naturels aux Romains. Leur République qui craignoit qu'une extrême pauvreté n'empêchât le Soldat de s'intéreffer au fort de la Pàtrie, difpenfoit du fervice tous les Citoyens qui n'avoient pas quatre cens dragmes de bien. Quelque difficile qu'il paroiffe aujourd'hui d'exercer & de préparer dès l'enfance des Soldats, dans un Etat où l'on eft accoutumé par une longue habitude à les faire au hazard, on peut cependant rétablir les ufages de la République Romaine; les Gouvernemens libres n'ont aucun avantage dans leur Police, que la Politique ne

puiffe retrouver dans la Monarchie, ou auquel du moins elle ne puiffe fuppléer par quelque équivalent. "Si le Soldat n'eft pas intéreffé au bien de l'Etat par fa fortune domeftíque, on peut dans une Nation, à qui fa Nature d'ailleurs a donné les qualités propres à la Guerre, trouver de nouveaux rapports qui le lient à sa Patrie. C'eft une erreur que de croire que le mariage amortiffe le courage, on voit au contraire que les Armées de l'Antiquité étoient compofées de Peres de Famille. Vous ne défendez pas feulement, leur difoient les Généraux, votre liberté, vos Loix,

votre fortune, mais vos femmes & vos enfans à qui l'Ennemi prépare des chaînes, & que la Victoire feule vous peut conferver. Pourquoi la politique n'employeroit-elle plus le même reffort? La Nature & le cœur de l'Homme font-ils changés? ou ne fçait-on plus que la Patrie n'eft plus ou moins chere que par le nombre inégal des liens par lefquels on lui eft atta

ché?

Outre que le mariage donneroit une nouvelle force à la Difcipline en rendant la Patrie plus chere au

D

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