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Soldat, & empêcheroit par conféquent, ou rendroit du moins plus rares ces désertions nombreufes qui ont quelquefois obligé les Princes à accorder des Amnifties qui les rendent encore plus fréquentes; il fe formeroit dans les Armées mêmes de nouvelles générations, & fans qu'on fût obligé de faire languir l'Agriculture, qu'on doit regarder comme une partie facrée dans la politique, & d'effrayer les Habitans de la Campagne par la levée des Milices. Les Armées fe recruteroient elles-mêmes; les fils des Soldats destinés par leur naiffance à la Guerre, recevroient une éducation Militaire comme les Romains. L'Etat qui y gagneroit des Citoyens & des Soldats dont la condition feroit plus heureuse, y trouveroit un double avantage, & & pour pour faire réüffir ce deffein (a), il ne faudroit

(a) Il ne m'a pas été poffible d'entrer fur cette matiere dans un plus grand détail : la nature de cet Ouvrage ne le permet pas. Je ferai voir ailleurs l'utilité de cet établiflement non feulement par rapport à la partie militaire de l'Etat, mais encore à l'égard de toutes les autres, & peut-être que cet établiffement ne feroit ni à la charge du Roi, ni à celle du Peuple.

que

former en faveur de la Jeuneffe Militaire, quelque établiffement à peu près femblable à celui que la fageffe du feu Roi a fait pour les Soldats à qui la vieilleffe ou les malheurs de la Guerre n'ont laiffé qu'un courage inutile.

On verroit bientôt une Milice auffi invincible dans les fatigues de la Guerre que dans fes dangers. Que ne peuvent point l'habitude & l'éducation fur l'efprit de l'Homme ? Le Soldat auroit naturellement & fans effort cette obéïssance & ce courage aufquels l'art le plus profond ne peut point accoutumer des Hommes recrutés dans les Villes, & que leur profeffion a souvent amollis (a). On les ménage par une fauffe pitié pendant la Paix, l'on y eft même forcé ; ils fuccombent enfuite fous les fatigues indifpenfables de la Guerre, & une Armée eft ruinée fans avoir reçu d'échec.

(b) Pifcatores, Aucupes, Dulciarios, Linteones, omnefque qui aliquid tractasse videbuntur ad Gynecea pertinens, longè arbitror pellendos à Caftris. Fabros ferrarios, Carpen tarios, Macellarios, & Cervorum, Aprorumque Venatores convenit fociare militia. Veg. L. 1. c. 7.

Les défertions quelquefois fi dangereufes pour une Armée, deviendroient plus rares. Ce n'eft jamais fans quelque regret & fans crainte qu'un Soldat pafle chez l'Ennemi ; mais comme ce n'eft fouvent que par débauche ou par laffitude de fon premier métier, qu'il prend le parti des Armes qui eft beaucoup plus pénible, il fe laille bientôt aveugler par fon défespoir fur une démarche périlleuse qui ne change point fa condition.

Romains.

Ce n'étoit pas feulement l'amour Du ferment de la Patrie, l'émulation & l'habitu- Militaire des de qui rendoient au Soldat Romain fon devoir facile & précieux; comme fi la République avoit affés approfondi le cœur de l'Homme pour connoître qu'un feul intérêt ne l'attache pas affés, & qu'il en eft quelquefois néceffairement diftrait par fa feule inconftance, elle fe fervoit de la Religion pour en faire un nouveau lien. Le ferment que chaque Soldat prêtoit entre les mains de fon Tribun, ajoûtoit à l'infamie de là lâcheté le fceau de l'impiété.

Tous les devoirs du Soldat étoient Des-récomfaciles, parce que toutes les fautes penies & des contre la Discipline étoient rigou- Soldat Ro

châtimens du

inain.

t

reufement punies, &, fi je puis m'exprimer ainfi, rendues encore plus difficiles par les récompenfes & les honneurs qui excitoient le courage aux grandes choses.

Un Soldat n'auroit ofé demander une récompenfe fans l'aveu de fes Camarades, ou il auroit deshonoré avec lui, dit Polybe, le Général qui l'eût accordé fans examen. Les récompenfes n'étoient point arbitraires, elles en devenoient plus glorieufes. C'étoit la Loi qui les diftribuoit, & l'on n'avoit ni à foupçonner l'indulgence des Généraux, ni à craindre leurs caprices. Chaque action Militaire propofe des honneurs particu liers, le Soldat qui fauve dans le combat un Citoyen prêt à périr, obtient une autre Couronne que celui qui est monté le premier fur le mur d'une Ville affiégée, ou qui a le premier forcé le Camp des Ennemis. Les Lances, les Harnois, les Coupes, les Colliers font autant de Prix différens pour différentes actions. Les Efcarmouches, les Batailles, les Siéges ont auffi les leurs, & dans toutes les actions le courage du Soldat Romain eft excité par un nouvel objet.

Ceux

Ceux qui avoient été honnorés de quelque marque de valeur, affiftoient aux jeux & aux fpectacles avec un habit particulier, & expofoient dans leurs Maifons les dépouilles qu'ils avoient remportées fur les Ennemis, ou les prix que les Confuls leur avoient donnés. Ces efpeces de Monumens nourriffoient une noble émulation entre tous les Citoyens & les fils élevés au milieu des témoins de la Gloire de leurs Peres, apprenoient promtement leur devoir, & ce que la République attendoit d'eux.

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Autant que les récompenfes étoient glorieuses, autant les châtimens étoient-ils honteux. Un Soldat qui pour avoir manqué à une fonction Militaire, recevoit la baftonnade fans perdre la vie, étoit chaflé de l'Armée, & n'ofoit retourner à Rome où un ami, un parent même eût cru partager fa honte en lui ouvrant fa maifon. Les Romains ignoroient cette méthode pernicieufe de réhabiliter un coupable en le faifant paffer fous le Drapeau: l'efpérance du pardon invite à négliger fon devoir. Si toute une Cohorte eft coupable, on la décime, & ceux Tome II.

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