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foient leur principale occupation ; mais le grand fuccès des livres de Port-Royal donna lieu à la Compagnie de s'appercevoir que cette negligence lui étoit defavantageufe. Elle cultiva notre langue. Le P. Bonhours entre autres s'y appliqua heureufement & fes judicieufes Remarques ne fervirent pas peu à l'épurer. Son exemple excita d'autres Peres dont le Style eft devenu modele. Tous ces ouvrages fecondérent fi bien les efforts de quelques Académiciens,que la Langue Françoife & l'Eloquence acquirent de grandes beautez.

L

§. VII.

Décadence du Style.

E François a naturellement trop de pente vers l'inconftance, pour demeurer long-temps dans

un

, un même point. Quelques nou. veaux auteurs trouvant les premieres places prifes en plufieurs genres d'écrire, ne voulurent point des fecondes; & cherchérent une nouvelle maniére de fe diftinguer; le beau, le grave, le noble, l'enjoué, tout cela étoit déja faifi; Il falut inventer du nouveau.

On

On pouffa le mauvais goût jufqu'à l'acheter par des figures forcées & trop hardies, par un ftyle découfu, & qui fous prétexte de dire beaucoup en peu de mots, ne dit rien comme il faloit le dire, s'écarta de l'ufage ordinaire des termes; on enjoignit qui ne devoient jamais fe trouver enfemble; & pour donner un beau nom à ce nouveau langage, on le nomma de l'efprit. On traita d'Efprits pefans ceux qui s'obftinoient à parler fimplement la langue felon l'ufage déja établi par les bons auteurs, & ilfe forma

une

une Cabale où malheureusement quelques Academiciens s'engage& elle tácha de mettre ce mauvais goût à la mode. C'est ce qu'on a appellé NEOLOGISME.

rent,

I

S. VIII.

Decadence de l'Eloquence
& du Goût.

L nous eft arrivé en France la même chofe qui arriva à Rome du temps d'Augufte. Virgile, Horace, Varius, & quelques autres Poëtes,tenoient avec juftice les premiers rangs. Leurs ouvrages, où le bon fens dominoit, quoi qu'orné de tous les charmes de la Poëfie, étoient devenus des modeles aufquels on auroit dû s'attacher; mais un Poëte qui les fuivit, avoiť trop de feu pour refter dans les juftes bornes qu'ils s'étoient prefcrites. Il en fortit & fe fit une nou

,

velle route. Une extréme facilité d'expreffion, une verfification douce & qui paroiffoit couler de fource tant elle étoit naturelle; ajoutez à cela une imagination fleurie qui le foutenoit dans la peinture des objets les moins fufceptibles des graces de la Poëfie, & vous aurez un portrait d'Ovide affez reffemblant. Ce n'étoit point un talent qu'il eût acquis, il ne lui étoit pas poffible d'écrire autrement. Plein d'efprit, il en mettoit par tout, ille répandoit avec une prodigalité furprenante; quelque fujet qu'il traitat, c'étoit la même chofe pour lui, fa maniere étoit toùjours la même. Il ne quittoit point une penfée qu'il ne l'eût tournée en cinq ou fix manierés differentes & pour l'ordinaire elles font également bonnes. Il ne lui coutoit rien de dire en une demi-douzaine de vers ce qu' Horace meilleur mena

ger

ger de fes paroles auroit exprimé par une épithète, ou par un adverbe.

Cette maniere d'Ovide éblouit quantité de gens. On lui trouva beaucoup d'efprit, une latinité charmante, une verfification coulante & délicieuse; cela étoit jufte, fi on en fût demeuré là; mais on en vint jusqu'à le prendre pour modéle & à le préferer à la fage retenue de Virgile, & d'Horace & c'eft en quoi on fit une extréme faute. Chacun fe piqua d'avoir de l'efprit comme Ovide, & abandonna cette précieuse fobriété dont il s'étoit écarté. Ce guide enchanteur égara ceux qui fe livroient à fa conduite. La profe ne fut pas exempte de la contagion commune, & Seneque herifla de pointes fes ouvrages philofophiques. Le bon goût fe perdit peu à peu; Juvenal, Perfe, Martial,

Lu

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