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L

§. X.

Des POETES.

Es Poétes ne fourniffent pas feulement une lecture agréable, mais encore donnent quantité de traits vifs, ou nobles, ou enjouez, qui étant bien placez dans la converfation, font d'ordinaire un très-bon effet ; mais il faut obferver cette condition qu'ils foient bien placez. On doit en ufer allez fobrement, pour ne pas tomber dans le ridicule de certaines gens qui ne fauroient dire quatre mots de fuite fans mettre nos meilleurs poëtes en lambeaux, feulement pour faire voir qu'ils les ont lûs. Il y des applications heureufes; Telle eft celle-ci.

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Une Dame fardée fe trouvant en vifite, on lui préfenta malheureufement un fiége placé vis-à-vis du K 3 jour.

jour. Cette fituation qui lui étoit défavantageufe, l'embaraffoit. La Dame du logis qui s'en apperçut, baiffa le rideau, & lui dit avec un fouris un peu malin:

Sangaride, ce jour est un grand jour pour vous.

L'Application de ce vers de l'opera d'Atys parut fort jolie. Il en eft ainfi de mille autres. La lecture des bons poétes accoutume la mémoire à fournir dans le befoin

quantité de façons de parler qui donnent de la beauté & de la nobleffe au Difcours. On dit que St. Jerôme tenoit des poètes latins qui lui étoient familiers l'élevation de fon ftyle. Platon qui eut l'ingratitude de bannir les poètes de fa République, avoit formé fon éloquence fur celle d'Homere. Ciceron écrivoit dans un temps, où Rome n'avoit pas encore produit les poétes qui lui firent le plus d'honneur,

ce

cependant il ne laiffoit pas de lire ceux dont les ouvrages étoient alors eftimez; & il s'en fervoit à animer fon éloquence. On a cru que St. Chryfoftome avoit pris l'air d'Ariftopbane, dans fes actions publiques. A l'imitation de ces grands hommes on peut fe faire de la lecture des poètes une occupation auffi utile qu'agréable, & s'en fervir, non feulement à délaffer l'efprit, mais encore àl'orner & à l'élever.

§. X I.

Ce qu'il faut éviter en lifant

D

les Poétes.

Es qu'il n'eft queftion que de lire, on peut lire tous les poètes fans diftinction, quite à ne pas relire ceux qui ont paru indignes de cet honneur; ou même à ne pas achever la lecture de ceux qui ennuyent

dès

dès le commencement, où dès le milieu de leur poéme. Mais fil'on fe propofe l'imitation, il faut alors fe borner aux grands modèles, & ne lire les poélies médiocres que pour en remarquer les défauts, afin de les éviter.

Une des chofes contre lefquelles je confeillerois à un jeune homme de fe tenir en garde, c'eft la demangéaifon de faire des vers. Quand on n'eft pas né avec ce talent, les régles & l'application ne le donnent point, & il ne faut que ce ridicule pour rendre méprifable un homme qui a d'ailleurs des talens merveilleux pour un autre genre de litterature. Je me contente de trois exemples qui doivent fuffire.

L'Abbé de Marolles avoit précifément le ftyle qui convient aux Mémoires. Il narroit naïvement & on lui feroit fort obligé, s'il fe füt borné à cela. Mais fon infatiga

ble

ble plume ne demandant qu'à répandre l'encre fur le papier, le bon homme non content de nous avoir traduit en profe quantité d'auteurs qu'il n'entendoit guéres; fe rifqua de traduire tout Virgile en vers François, & il eft peut-être le feul qui ait eû la patience de lire un livre entier de cette traduction qui aujourd'hui eft abfolument oubliée. & ne fe trouve plus que dans quelques Bibliothèques où l'on garde

tour.

Chapelain étoit l'homme de France, peut-être du monde entier, qui poffedoit le mieux les régles de l'art poétique. Ses ennemis lui ont rendu juftice à cet égard & s'il eût eu le génie de Corneille, dù

que

Corneille eût eu la théorie de Chapelain, quels chefs d'oeuvres n'aurions nous pas! Il fit quelques Odes fort longues à la verité, mais où il y avoit affez de bon pour ce K 5 temps

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