Imágenes de páginas
PDF
EPUB

befoin de me furprendre par fa nouveauté. Je veux, que fes graces ne vieilliffent jamais, & que je ne puifse presque me passer de lui.

[ocr errors]

Concluons par cette vérité dont je voudrois perfuader tous ceux qui écrivent pour le public. LE BEL ESPRIT a le malheur d'affoiblir les grandes paffions qu'il prétend orner. C'eft peu, felon Horace, qu'un Poéme foit beau & brillant, il faut qu'il foit touchant, aimable, & par conféquent fimple, naturel & paffionné: Lebeau, qui n'eft que beau, c'eft-à-dire brillant, n'eft beau qu'à demi; il faut qu'il exprime les paffions pour les infpirer; il faut qu'il s'empare du cœur, pour le tourner vers le but légitime d'un Poéme,

[blocks in formation]

§. X V.

Du POEME EPIQUE,

Eux qui ont traité de l'Art

C conviennent

le

que Poème Epique eft la plus grande entreprife que puiffe former celui qui afpire aux honneurs du Parnaffe. L'Antiquité en a fourni des modeles d'autant plus parfaits que prefque tous les modernes qui fe font hazardez à les imiter, ont échoué à leur confufion. Le premier de ces modeles eft l'Iliade d'Homere, le fecond eft fon Odysée. Virgile qui a travaillé long-temps après, a uni ces deux poèmes dans l'imitation qu'il en a faite.. C'eft fur les ouvrages d'Homere qu' Ariftote s'eft réglé pour donner les régles du poème épique. Le P. le Boffu profitant de la Doctrine d'Ariftote

&

& de la lecture des trois poémes, a fait un excellent ouvrage, où il dévelope tout l'artifice de ces trois chefs-d'œuvres: rien n'eft plus judicieux que fon Traité du Poéme Epique. Il faut y joindre la Comparaifon d'Homere & de Virgile par le P. Rapin.

Pour bien comprendre en quoi confifte la perfection de ce poéme, il faut lire attentivement l'Iliade & l'Odyffée d'Homere, de la traduction de Madame Dacier; mais il faut fe dépouiller des fauffes idées que le luxe moderne nous a données de la véritable grandeur. Homere n'étoit pas obligé de prévoir nos modes & nos ufages pour s'y conformer; fon devoir étoit de bien faifir la Nature & c'eft en quoi =il réüffit admirablement. Pour peu que l'on fe transporte dans les temps heroïques qu'il dépeint, on eft charmé de la nobleffe de fes ima

ges,

ges, quoi qu'accompagnée d'une grande fimplicité dans les mœurs. Les remarques de Madame Dacier font très-belles & aident à mieux fentir le mérite de l'original.

Virgile qui vivoit fous Augufte dans le fiécle le plus poli de l'antiquité, a profité des Critiques que l'on faifoit d'Homere. Il eft plus régulier que lui, mais il eft moins grand. Il eft vrai qu'il n'avoit pas mis la derniere main à l'Eneïde, lors qu'il mourut. Il en étoit fi peu fatiffait lui-même qu'il avoit ordonné qu'on la brulat comme un effai que la mort ne lui avoit pas permis d'achever: ainfi un poéme qui a charmé & inftruit tous les fiécles alloit périr, fi Augufte n'en eût jugé plus favorablement que l'auteur. Que Virgile étoit different de ces jeunes apprentifs qui ont à peine enfanté une fadaise qu'ils courent aufli-tôt chercher un

libraire pour la répandre! Le Telemaque eft le feul poème épique original que la France ait produit jufqu' à préfent; il eft vrai qu'il y manque partie de la verfification, favoir la cefure & la rime; peut-être cette gêne en eût-elle diminué le mérite & affoibli les beautez. Nous avons l'Eneide en vers François par Segrais; quoique ce foit la meilleure traduction, elle eft fort au deffous de l'original. L'Italie a le Taffe, mais hors le Telemaque & les traductions que je viens de dire, nous n'avons rien qui mérite le nom d'Epique.

Ce n'eft pas que le courage ait manqué à nos Poétes; ils ont publié des effais en abbondance; nous avons, par exemple, le Moyfe fauvé poéme bas & rampant, le Clovis de Defmarets poéme fec & plat; la Pucelle de Chapelain poéme dur & glacé, l'Alaric de Scuderi poé

« AnteriorContinuar »