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de n'être pas né avec le génie qui eft néceffaire pour produire de bons vers. On l'achette ordinairement plus qu'il ne vaut, & ce n'eft pas un avantage qui mérite d'être regretté, quand on ne l'a point.

Je voudrois donc que fans fe mettre fur les rangs, on acquît feulement affez de goût & de principes, pour bien juger des poéfies du temps. Je ne parle point d'un Madrigal, d'un Sonnet, &c. quoiqu'il foit affez difficile d'en faire qui foient exquis, il est aisé de s'y connoître affez pour difcerner s'ils le font; une faillie d'efprit, une expreffion heureufe, une richeffe de rimes, ne font pas ce qui conftitue l'effence de la poélie. La Verfification elle-même n'en eft que le méchanisme. C'eft la Fable qui en fait le caractere propre. J'entends par ce mot de Fable l'inven

tion du Sujet, l'arrangement & la proportion des parties, le choix & le contrafte des paffions, la force & la vivacité des images & la fage conduite des évenemens bien ménagez. Et comme les poètes ont le malheur de fe faire une vafte idée de leur mérite, & de l'importance de leurs occupations; je voudrois qu'un jeune homme qui pofféderoit le talent poétique au plus haut degré, fût affez modefte pour convenir avec Malherbe: Qu'un bon poéte n'eft pas plus nécessaire, ni plus important à l'état, qu'un bon joueur de quilles.

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. X X X I.

De la Peinture.

I on borne cet Art au choix, & à la diftribution des Couleurs, à la correction du Deffein & à la vé

de

rité de l'expreffion, ce ne fera plus une partie des belles lettres ; ce fera tout au plus une profeffion manuelle qui s'acquiert par l'apprentiffage & par un exercice continué. Mais fi on fait réflexion que ces parties ne font que le corps la peinture & que pour donner de l'ame à fes productions, il faut que le peintre ait un génie affez reffemblant à celui du poéte, qu'il ait non feulement une imagination affez riche pour fournir beaucoup d'idées, un jugement affez folide pour les choifir & n'en employer que les plus convenables au fujet qu'il traite, mais encore un érudition qui attache de la dignité & de l'élegance à fes tableaux d'hiftoire, alors on trouvera que la peinture mérite le nom de fcience; & qu'elle a une extréme étendue. Rien n'eft plus commun que de voir des tableaux; Tout en eft plein, Part. II.

Q

mais

mais il faut du goût & de la connoiffance pour en bien juger.

On peut lire avec fruit fur cette matiere; De Piles, Cours de peinture, l'Art de peinture poéme de Du Frenoy, il eft vrai qu'il est en latin; mais de Piles l'a traduit en François avec des remarques; l'Abbrégé de la Vie des Peintres precedé de l'Idée du Peintre parfait; joignez y Felibien Entretiens fur la vie des peintres, & les Réflexions fur la poéfie & fur la peinture. Mais ces livres ne fuffifent pas pour former le goût que nous demandons; il faut favoir au moins la Théorie du Deffein, & avoir examiné des Tableaux & des Eftampes fous les yeux & la conduite de quelque perfonne éclairée qui inftruise à en remarquer les beautez & les défauts. Il en eft de même de la Sculpture.

§. XXXII.

§. XXXII.

De l'Obscenité

dans les Poétes & dans les Peintres.

RIEN n'eft plus ordinaire que

de

voir des Poétes & des Peintres qui abbufent de leurs talens pour tracer des images très-contraires à la pudeur. Ce défaut eft commun aux uns & aux autres. Combien de Cabinets où par un affortiment bizare les tableaux qui reprefentent nos faints myfteres & les fouffrances des martyrs, font entremêlez de tableaux où des nuditez & des attitudes impudiques font un fcandaleux contrafte! Combien de Recueils de vers où des hymnes affez édifiantes pour pouvoir être lues au pied des autels font affociées dans un même volume à des poéfies libertines que l'on ne peut entendre fans rougir! Q 2

Dieu

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