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tits arbres pour obferver le progrès que la Nature avoit fait dans la formation de leurs racines depuis qu'il les avoit plantez. Son genie fe difpofoit ainfi par une favante curiofité à tout ce qu'il exécuta enfuite dans les jardins de Versailles. Dès que Mr. Tournefort vit des Plantes, il fe fentit Botanifte.

Les effets du genie font décrits d'une maniere Poëtique, mais charmante, dans une Epitre en vers addreffée à Mr. de Fontenelle. C'eft une meilleures chofes que Perrault ait jamais compofées. On y fent que le Genie l'a veritablement in fpiré. Jel'infererois ici avec plaifir, fi elle n'étoit pas dejà dans plufieurs Recueils, entre autres dans celui de Vers choifis que le P. Bouhours publia à Paris chez Goffe en 1693.

§. XXXV

§. XXX V.

Le Genie doit être guidé par le Goût.

EN

N matiere de Belles Lettres le Genie feul ne fauroit aller fort loin fans s'égarer, s'il n'eft accompagné du Goût. Il produira du nouveau, du brillant; mais ce fera un nouveau defectueux & bifarre; ce fera un faux brillant. Je ne citerai qu'un feul exemple parmi les poétes.

Le Pere le Moine ne manquoit pas de Genie. Au contraire nous avons peu d'auteurs qui en ayent eu autant que lui. Il y en a beaucoup dans fes poefies; il lui fournit des images affez heureufes; mais il les gâte à force de les vouloir embellir, la noble fimplicité d'Homere n'est pas de fon goût, il s'efforce d'aller au delà & devient

extravagant. Son Caractere a été très bien exprimé par un bel efprit dans un petit ouvrage anonyme.

Le P. le Moine, dit-il, avoit fans contredit, une imagination trés-heureuse & très-brillante & un feu fort propre à foutenir le long travail d'un poème épique; mais il eft vrai auffi que fon imagination le maîtrifoit un peu trop & qu'elle l'emportoit trop loin. İl paroît toujours monté fur le Pegafe & à chaque moment on le perd de vûë: on fent que ce qui eft naturel lui femble fade: il ne fe contente pas du grand : il veut du furprenant, du prodigieux: Son Entoufiafme eft le même par tout: il dit les petites chofes du même ton que les plus grandes : les couleurs, dans ce qu'il peint font prefque toujours également chargées : il veut que fes ombres mêmes ayent du

qrillant. En fin c'eft un de ces genies outrez qui forçent tout, qui exagerent tout, & qui à force de s'élever pour trouver le beau laiffent derriere eux & vont fe perdre dans les nues.

,

le

Que le Genie produife du neuf tant qu'il voudra, pourvû que le bon fens l'examine, & en retranche feverement tout ce qui fort des bornes de la nature & de la raifon. C'eft à l'Imagination de fournir, c'eft au Goût de choifir & de mettre en œuvre. Le P. le Moine manquoit de goût, comme on vient de voir de là vient qu'il reçoit tout ce que lui dicte une imagination échaufée. Veut-on voir au contraire ce que c'eft qu'un poéte qui a beaucoup de jugement, mais point de genie, il n'y a qu'à confiderer le portrait de Chapelain fait par le même Auteur que celui du P. le Moine.

Cha

"

Chapelain, dit-il, étoit un de ces genies froids & pefans, dans qui le flegme domine & qui deftituez de ce beau feu d'imagination fi neceffaire en tout genre de poélie, font fentir dans leurs productions tout le travail qu'elles leur ont couté. On voit un homme las & haraffé qui à chaque pas qu'il fait, eft obligé de reprendre haleine. Ce qu'il dit eft affez fenfé; mais cela eft mort, rien n'anime, rien ne reveille. Pour fa verfification, on ne peut pas nier qu'elle ne foit affez correcte & travaillée : mais avec cela ce font des vers arrachez en depit de la Nature. Jamais homme n'a été moins poéte que Chapelain, & fon genie n'étoit tourné à rien moins qu'à la Poéfie. Le Pere le Moine avoit de ce côté-là un grand avantage fur lui, car il étoit veritablement né poéte ; mais il a gâté ce talent faute de goût. De ces deux Part. II. poé

S

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