Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ferer pour cette étude ceux dont la reputation eft établie, à ceux l'édont on peut foupçonner que clat ne fe foutiendra point, quand ils auront perdu le charme de la nouveauté. Ainfi quand nous fupoferions que l'Inès de Caftro eft un chef-d'œuvre & que les flots de fpectateurs qui l'ont, dit-on, fouvent redemandée avec inftance, feroient une preuve certaine de sa perfection; quand on la mettroit au deffus de Phedre & d'Iphigenie je crois néanmoins que par la raifon que je viens de dire, fi j'avois à choifir une de ces trois Tragedies pour en faire une étude, il feroit plus fùr de preferer Iphigenie, ou Phédre; parce que leur reputation, a, pour ainfi dire, un sceau qui manque à l'autre & qu'il n'eft fur que l'Ines de Castro soit auffi long-temps admirée.

pas

En fait de modeles à étudier, je

соп

confeillerai toujours de preferer ceux qui ont été eftimez de plufieurs natións, à ceux dont la reputation est bornée au pays qui les a à produits. Par cette raifon j'aimerois mieux qu'un jeune Peintre etudiat les ouvrages de Raphaël, ou de Rubens, que ceux de Trevifani ou de le Sueur.

L'Etude affidue des meilleurs modeles fert à fixer le goût & en voici la raifon. Nous ne concevons pas les chofes nuement & fimplement nous y attachous une certaine maniere qui accompagne ces idées & qui fe lie aifément avec elles. En exprimant nos pensées nous leur donnons un certain tour, un certain air vif ou languiffant, agréable ou defagréable. Or notre memoire conferve non feulement les idées des chofes que nous avons conçues, mais encore l'idée du tour, de l'air & de la maniere avec

la

laquelle elles nous ont été prefen

tées.

Ces idées de manieres & de tours font comme des moules & des cachets que l'efprit imprime fur les nouvelles pensées qu'il produit enfuite. Souvent ce qui fait que les uns parlent mieux & plus agréablement que d'autres, c'est que leur efprit eft rempli d'idées de tours & de manieres plus agréables. Les critiques qu'effuyent les fameux ouvrages, fervent beaucoup à épurer le goût; mais il faut les li re fans prévention. On en perd le fruit, lors qu'ayant déjà décidé legerement pour ou contre l'ouvrage qu'il eft queftion de juger, on eft refolu d'avance de s'en tenir au prejugé du parti auquel on s'eft devoué. C'eft imiter la partialité d'un Juge qui en montant au tribunal, auroit dejà dans fa tête la fentence toute dreffée independamment du plaidoyé qu'il doit

en

entendre. L'injustice eft la même au fonds, quoi-que les fuites ne foient pas également funeftes. Pour bien juger d'une critique, il faut l'examiner fans paffion, fans prejugé, & fans interêt. Il faut examiner fi celui qui l'a écrite, eft dans le même état de liberté; & pefer les raifons qu'il allegue.

Lorfqu'un homme fe porte de fon propre mouvement à publier fes remarques fur un ouvrage, s'il eft dans l'équilibre que demande la qualité de Juge, on peut prefumer que rienne l'engage à trouver des défauts dans ce qu'il critique, finon l'evidence de ces défauts, & qu'il laifferoit l'Auteur jouir paifiblement de l'erreur d'un petit nombre de partifans, s'il n'avoit pas en vûe de prevenir une imitation dangereufe & d'arrêter une admiration injufte qui peut infecter le goût. Mais si là paffion s'en mêle,

le

[ocr errors]

le critique fe decredite autant luineme, que l'ouvrage qu'il veut couler à fonds. Nous en avons un trifte exemple dans Mad. Dacier. La paffion qui regne dans fa maniere de combatre Mr. de la Motte, nuit extrémement à la caufe qu'elle plaide; on peut dire que fa critique ne vaut pas mieux à cet égard que le livre qu'elle attaque, & que c'est une très-mauvaife critique d'un mauvais ouvrage.

On voit au contraire des Critiques qui ont été approuvées, fans pourtant détruire le livre que l'on y palle par l'étamine. La raifon en eft fenfible. On convient des défauts qu'elles denoncent; mais en même temps on les trouve rachetez par des charmes fuffifans pour entrer en compenfation. C'est ainfi que le Cid a confervé longtemps un rang honorable entre les piéces de Théatre, malgré la ju

« AnteriorContinuar »