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de ne favoir rien; la Mémoire fe furcharge, l'Efprit demeure accablé & confond les idées ou les faits. On reffemble alors à un homme qui d'une fenêtre élevée regarde dans une place publique à force de voir beaucoup de monde, il ne voitperfonne.

Puifque l'on ne peut afpirer à favoir tout; il faut fe réfoudre de bonne grace à ne favoir que ce qu'il eft poffible de bien apprendre, & faire en forte que ce foient les fciences qui nous font les plus utiles, & les plus propres à nôtre état. Un homme eft ridicule quand il est dans le cas de cette Epigramme.

Ce qu'apprend, ou lit, Theodore,
N'a nul rapport à son devoir;
Mais en récompenfe il n'ignore
Rien, que ce qu'il devroit favoir.

Que de gens ont cette manie! On a blame à jufte tître Folengo Prê

Prêtre & Religieux Benedictin,qui, au lieu d'étudier l'Ecriture fainte & les Peres, s'amufoit à compofer des livres entiers de vers burlesques qu'il nommoit Macaroniques; & à former en latin un nouveau jargon rempli de plates boufonneries. On vû au contraire Arnauld de Villeneuve,Medecin de profeffion,fe méler de dogmatifer & d'écrire de la Theologie. D'un autre côté un Jurifconfulte a compofé des Traitez de Mutique. Ces forties font pitié.

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§. II.

Tristes fuites de l'Ignorance.

Q

UELQUES Efprits déraisonnables perfuadez qu'il eft trèsdifficile de favoir une science à fonds, n'en étudient aucune. Ils fe livrent à leur pareffe & fe figurent que leur naiffance & leurs biens font

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des titres qui les difpenfent de s'inftruire. Mais il payent enfuite bien cher cette erreur, lors que leur ambition, ou leurs befoins, où mille autres occurrences, les jettent dans les Emplois. S'il fe réglent fur leurs propres lumieres, ils vont de faute en faute, & font une infinité de bévuës; où li, reconnoiffant leur infufifance, ils appellent quelqu'un à leur fecours; ils deviennent les efclaves de ce fubalterne qui par fon habileté leur eft devenu neceffaire, & à qui ils fe livrent en dépit qu'ils en ayent: Heureux s'ils en trouvent un qui mérite la confiance qu'ils ne peuvent lui refufer!

S. III.

S. III.

Que nos Connoiffances ne s'acquiérent que par le Travail.

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Ous naiffons dans une ignorance totale. Il faut qu'à mefure que nôtre Ame fe développe, avec les organes defquels elle dépend pour fes fonctions, nous recevions des perfonnes qui nous environnent, les connoiffances que nous acquerons peu-à-peu par leur moyen. Nous commençons toujours par ce qui nous touche de plus près; nous ne penfons aux matieres de fpéculation qu'avec le tems:Du refte nous n'avons de nousmêmes aucune idée de ce qui n'est pas corporel. Il eft vrai que nôtre ame a une certaine difpolition à adherer aux véritez qu'on lui préfente; mais ces premieres véritez

ne font

pas plus en elle, avant qu'on les lui enfeigne, que la reflemblance d'un vifage eft dans le miroir, avant qu'il foit-vis-àvis & à portée de s'y regarder. Mais lorsque ces idées font préfentées à notre efprit, il eft capable de les recevoir, & même de les comparer, de les combiner ensemble, & d'en tirer de nouvelles lumieres, par les différens rapports qu'il trouve entre ces idées. Et voilà ce que c'eft que l'Etude dépouillée de fon application particuliere, qui change felon la nature des fciences qu'elle a pour objet,

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§. I V.

De nos Devoirs.

Ous naiffons Hommes & en cette qualité nous appartenons à une Famille, à une Patrie,

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