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AN. 1324. Pape Jean XXII. publia le dixiéme de Novembre cette année 1324. Il y répond aux objections des Fraticelles tirées de la décrétale Exiit qui feminat de NicoLXXXVII. 2. las III. & des autres donées par plufieurs papes en faveur des freres Mineurs. Ils difoient: Ce que les

Sup. liv.

33.

papes
ont une fois défini touchant la foi & les mœurs, eft
tellement immuable, qu'un fucceffeur ne peut le ré-
voquer en doute, loin d'affirmer le contraire. Or les
papes Honorius III. Gregoire IX. Innocent IV. Ale-
xandre IV. Nicolas IV. difent que la régle des freres
Mineurs eft l'imitation de J. C. & des apôtres, qui
confifte à n'avoir rien en propre ni en comun, mais
le fimple ufage de fait dans les chofes dont on use; &
ces papes ont décidé que la pauvreté parfaite de J. C.
& des apôtres a confifté en cette renonciation à tout
domaine temporel. Par conféquent il n'a pas été per-
mis au pape Jean XXII. de décider le contraire, &
de déclarer hérétiques ceux qui foutiennent que J. C
& fes apôtres n'ont eu aucun droit en ce qu'ils avoient.
Il n'a pas dû non plus prononcer que les freres Mi-
neurs ne peuvent avoir en rien le fimple usage de
fait.

Le pape Jean répond qu'Honorius III.& les quatre
autres papes n'ont pas
dit ce que les Fraticelles leur
font dire. Honorius n'a fait que confirmer la régle
fans aucune déclaration. Il n'eft point fait mention
non plus de ce qu'ils avancent dans les déclarations
de Gregoire IX.d'Innocent, d'Alexandre & de Nico-
las IV. au contraire Gregoire attribuë manifestement
aux freres l'ufage de droit en difant, qu'ils uferont des
livres & des autres meubles qu'il leur eft permis d'a-
voir, Il eft vrai que Nicolas IV. a dit que cette régle

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eft fondée fur l'évangile & fur l'exemple de J.C. mais AN. 1324. il eft certain qu'elle contient plufieurs précéptes que J. C. n'a point donés, comme de ne pouvoir recevoir d'argent par foi ni par une perfone interpofée. De plus Alexandre IV. a dit expreffément que les freres Prêcheurs imitent la pauvreté de J.C. & font dans un état de perfection felon l'évangile ; & toutefois fuivant leur régle, ils peuvent avoir quelque chofe en commun, même quant à la proprieté.

A l'égard de ce que porte la déclaration de Nicolas HII. que les freres Mineurs n'ont que le fimple ufage de fait : nous difons que s'il a entendu un usage dépoüillé de tout droit, il a contredit les déclarations de Gregoire, d'Innocent & d'Alexandre. De plus, il eft impoffible d'avoir l'ufage de fait fans aucun droit dans les chofes qui fe confument par l'ufage, comme il eft prouvé dans la décretale Ad conditorem, & d'ailleurs un tel ufage feroit injufte & par conféquent oppofé à la perfection loin de l'augmenter. Or il ne papas probable que Nicolas III. ait voulu réserver aux freres Mineurs un ufage injufte: puifqu'il ajoûte dans la même constitution que l'églife Romaine ne recevoit la proprieté que des chofes dont l'usage leur étoit permis.

roît

Au refte, s'il ne nous a pas été permis d'ordoner quelque chofe contre la constitution de Nicolas IV. il n'a pas eu droit non plus de rien statuer ou déclarer contre celles de Grégoire, d'Innocent & d'Alexan-. dre; ce que toutefois il a fait, & par conséquent révo qué leurs conftitutions. De plus Innocent III. avoit défendu dans le concile de Latran d'inftituer de nouvelles religions; & toutefois fes fucceffeurs ont con

Decr. Exiit,

AN. 1324,
firmé plufieurs nouveaux Ordres, qui depuis ont été
Sup. Liv. fuprimés par Gregoire X. au concile de Lion. Si donc
LXXXVI.2.48. aprés la defense d'un concile général les papes ont pû

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LXXXVII. n.

33.

confirmer & fuprimer des Ordres religieux: il n'eft pas étrange que ce que le pape feul ordone ou déclare touchant les régles de ces Ordres, puiffe être déclaré ou changé par fes fucceffeurs. Enfin le pape conclut cette décretale en condamnant comme hérétiques ceux qui parleront ou écriront contre les deux précé

dentes.

XV. Il eft évident que par ces trois conftitutions Jean Nicolas III. XXII. réfute & révoque celle de Nicolas III. Exiit qui corrigé par Jean XXII. feminat, quoiqu'il le faffe avec toute la modeftie & le Sup. liv. ménagement poffible. Car il rejette comme injufte le fimple usage de fait que Nicolas admetoit non-feulement comme jufte, mais comme méritoire ; & Jean traite d'héréfie d'attribuer à J. C. cette efpéce d'usage, que Nicolas lui attribuë. Il est donc nécéffaire de reconoître, que l'un de ces deux papes s'eft trompé sur ce point, dans une décifion revêtue de toute la folemnité poffible. Auffi ne nioit on pas alors que le pape se pût tromper. Un auteur du temps qui écrivoit pour la défenfe de la bulle Quorumdam exigit, contre les Fraticelles, foutient quatre propofitions: dont la premiere est 1312. n. 54. que le pape ne peut faire de canons contre ce qui eft déterminé par l'écriture fainte, & le quatrième, qu'il en peut faire contre ce qui a été détérminé par ses prédéceffeurs ou par lui-même. Il prouve la premiere par Sunt quidam. un chapitre de Gratien, qui porte, que file

"Sup.liv.xctt.

n. 33. ap. Rain.

25. 9. I c. 6.

pape, ce qu'à Dieu ne plaife s'efforcoit de détruire ce qu'ont enfeigné les apôtres & les prophétes: il feroit convaincu d'errer plutôt que de faire une décision.

Jaques

Jaques Fournier cardinal du titre de fainte Prifque, AN. 1324. depuis pape fucceffeur immédiat de Jean XXII. fous

ap. Emeric.

le nom de Benoît XII, écrivant contre les Fraticelles, Direct. ing. difoit: Ils prétendent que Nicolas III. a déterminé P. 295. que leur pauvreté étoit celle de J.C. & des apôtres. Je répons, qu'encore que cette propofition foit dans la conftitution Exiit qui feminat, elle n'y eft que raportée, mais il n'y eft pas montré par l'écriture qu'elle foit vraïe. Et toutefois nous avons déja montré qu'on peut prouver le contraire par l'écriture. Et cette autorité de l'écriture a été le motif de notre seigneur le pape Jean, pour déclarer hérétique cette propofition, fi elle étoit foutenue opinatrement. Et quand le pape Nicolas l'auroit dit décifivement, cela n'empêcheroit pas: puifque le contraire fe trouve dans l'écriture, & que maintenant il eft décidé par l'églife. Et enfuite : Ils disent qu'en ce qui regarde la foi & les mœurs, ce qui a été une fois décidé par un pape, ne peut être révoqué par un autre. Je répons, que cela eft faux; & pour preuve il aporte les exemples de S. Pierre repris par S. Paul, & de l'opofition de S. Cyprien à la décifion du pape S. Etiene, avant qu'un concile général eut déterminé la queftion du baptême des hérétiques. Tel étoit le fentiment de ce cardinal élevé depuis fur le S. fiége pour fon mérite; & l'opinion de l'infaillibilité du pape ne s'est introduite dans les écoles que plus de cent ans aprés.

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XVI.

Jean d'Ar

En Efpagne Gutierre Gomès archevêque de Tolede mourut le cinquième Septembre 1319.& en fa pla- ragon archece on élut Dom Juan Infant d'Arragon, troifiéme vêque de Tofils du roi Jaques II. qui fut facré à Lérida l'an 1320. Franc. Pifa. en présence de Chimene de Luna archevêque de Tar- fol. 152. 192. A a a

Tome XIX.

lede.

Mariana.lib.
XV. C. 17.

ragone & de Pedro de Luna archevêque de Saragoce. Le nouvel archevêque de Toléde prétendit avoir droit comme primat d'Espagne de faire porter fa croix devant lui dans les provinces de ces deux prélats : ce qui caufa un grand différend entre lui & eux, car ils foutenoient que cette prétention de l'archevêque de Toléde n'étoit pas décidée, & que le procés étoit pendant en cour de Rome. L'Infant D. Juan ne laiffa pas de faire porter fa croix dans Saragoce où le tenoient les cortés ou états du roïaume: fur quoi l'archevêque de Saragoce l'excomunia, mit la ville en interdit & fit fermer toutes les églifes. Le roi d'Arragon extrémement irrité de voir fon fils ainfi traité devant fes yeux, en porta fes plaintes au pape,qui répondit: On ne doit Indic. Arrag pas préfumer que les deux archevêques aïent eu deffein de faire injure à votre fils: ils ont voulu feulement conferver les droits de leurs églifes, qui eft même l'intérêt de votre roïaume. C'eft pourquoi n'étant pas affés inftruits des droits des parties, nous avons abfous à cautele l'archevêque de Toléde des cenfures portées contre lui; & nous avons évoqué à notre audiance le fonds de la question: défendant cependant à l'archevêque de Toléde de faire porter fa croix dans ces provinces, & aux autres de publier aucune fentence contre lui. La lettre eft du onzième Novembre 1320.

P. 164.

to. xi. conc. P. 1712.

Sup.liv.xc11

n. 64.

L'archevêque Jean étant enfuite allé à Toléde y célébra en concile qui fut terminé le vingt-uniéme Novembre 1324. & on y publia huit canons, dont la préface ordone qu'ils feront obfervés avec ceux que le légat Guillaume de Godin avoit publiés à Valladolid deux ans auparavant.Ce concile défend aux clercs de

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