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fufpect d'hérefie. Les païs d'Inquifition font les plus fertiles en cafuistes relâchés.

La lecture eft un des meilleurs moïens de s'inftruire; mais elle est difficile en ces païs-là. On n'y trouve l'écriture fainte qu'en Latin, non en langue vulgaire, & c'eft fe rendre fufpect de Judaïfme, que de l'avoir en Hebreu. Plufieurs bones éditions des peres & des autres auteurs ecclefiaftiques y font défenduës, parce qu'elles font faites par des héretiques ou des auteurs fufpects. Du moins il eft ordoné d'en retrancher une préface, un avertiffement, un commentaire, une note: d'effacer à telle & telle page une ligne, ou un mot, comme il eft fpecifié fort au long dans l'index de l'inquifition d'Ef- Ind. lib.prohib. pagne. Sans ces corrections il eft défendu fous de ri- Madr. 1667. goureufes peines de lire le livre ou de l'exposer en vente. Les libraires aiment mieux ne s'en point charger: ainfi quantité de bons livres n'entrent point dans les païs d'inquifition.

que

fol.

Hift. liv. xxx.

35. to. 4.

Conc. P.1260.

J'admire fur ce point, comme fur tout le refte la fageffe des anciens. Nous avons un decret du pape Gelafe publié dans un concile de Rome l'an 494. où font n. fpecifiés les livres que l'églife Romaine reçoit & ceux qu'elle rejette: mais je n'y voi point de cenfures ou d'autres peines prononcées contre ceux qui liront les livres apocryphes ou condamnés: ce qui me fait croire que l'églife fe contentoit de les indiquer, fachant c'étoit affés pour les confciences timorées ; & qu'une défense rigoureufe ne feroit qu'exciter la curiofité des libertins & des indociles. S. Paul exhortant les fidéles à tout éprouver & retenir ce qui eft bon, femble leur accorder une fainte liberté d'en faire le difcernement. En géneral les pafteurs dans les premiers temps, avoient 1. Thess. v. 21. foin de bien inftruire les Chrétiens, chacun felon fa portée: fans prétendre les gouverner par la foumiffion aveugle qui eft l'effet & la caufe de l'ignorance.

XIV. Plaintes de Pierre de Cug

Les plaintes réciproques des ecclefiaftiques & des laïques furent le fujet de la fameufe difpute entre Pierre de Cugnieres & Pierre Bertrandi, devant le roi Philipe nieres.

1

n. 3. 4.

Hift. liv. XCIV. de Valois. Mais on peut dire que la caufe de l'églife y fut mal attaquée & mal défenduë: parce que de part & d'autre on n'en favoit pas affés & on raifonoit fur de faux principes, faute de conoître les veritables. Pour traiter folidement ces questions, il eût falu remonter plus haut que le decret de Gratien; & revenir à la pureté des anciens canons, & à la difcipline des cinq ou fix premiers fiécles. Mais elle étoit tellement inconuë alors, qu'on ne s'avifoit pas même de la cherche ; & ceux qui vouloient reftraindre l'autorité du pape Le jettoient dans le raifonement, comme Marfile de Padoüe: qui par les principes de la politique d'Ariftote, préten doit montrer que l'empereur avoit droit de borner la jurifdiction des évêques & du pape même. Vous avés vû en queles erreurs ces raifonemens le conduisirent.

Hift liv.xc.

n.

Gold. Mon. to.

2. p. 155.

p. 216.

Il faut toutefois obferver qu'entre les erreurs de MarDuboulai. to.4 file, on comptoit une propofition tres- veritable, & la faculté de théologie de Paris dona dans cette méprife: la propofition qu'elle condamna eft que le pape ou toute l'église ensemble ne peut punir de peine coactive aucun homme, quelque méchant qu'il foit, fi l'empereur ne lui en donne le pouvoir. Toutefois la puiffance que l'églife a reçuë de J.C. eft purement fpirituelle & toûjours la même, je pense l'avoir montré : le refte vient de la conceffion des princes, & fe trouve different felon les temps & les lieux.

Deux prélats répondirent à Pierre de Cugnieres, favoir Pierre Roger élu archevêque de Sens, & Pierre Bertrandi évêque d'Autun. Ils s'arrêterent long-temps à prouver que la jurifdiction temporele n'eft pas incompatible avec la fpirituele, & que les ecclefiaftiques font capables de l'une & de l'autre : mais ce n'étoit pas la queftion:il s'agiffoit de favoir s'ils l'avoient effectivement, & à quel titre. Si c'étoit par l'inftitution de J.C. ou par la conceffion des princes; & fi les princes ne pouvoient pas révoquer ces conceffions, quand le clergé en abufoit manifeftement.

Pour établir le pouvoir des prêtres fur les chofes tem

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porelés, Barchevêque emploie les exemples de l'ancien teftament. Melchifedec prêtre & roi, Moïfe & Aaron Samuël, Efdras, les rois de la famille des Maccabées. Mais ces exemples prouvent tout au plus que les deux puiffances peuvent être unies par accident en une même perfone, ce qui n'étoit pas contefté pour aller plus loin, il auroit falu prouver deux propofitions, l'une que les prêtres de l'anciene loi euffent eu pouvoir fur le temporel comme prêtres, l'autre que J. C eut établi fon églife fur le même plan que le gouvernement temporel des Ifraëlites. Or on ne prouvera jamais ni l'un ni l'autre; & il est évident par toutes les écritures du nouveau testament, & par toute la tradition des dix premiers fiécles, que le roïaume de J.C. eft purement fpirituel & qu'il n'eft venu établir fur la terre que le culte du vrai Dieu & les bonnes mœurs fans rien changer au gouvernement politique des différens peuples, ni aux loix & aux coutumes qui ne regardent que les interêts de la vie prefente.

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L'archevêque prétend enfuite montrer que S. Pierre, p. 1068. comme vicaire de J. C. a exercé la puiffance de vie & de mort, en puniffant Ananias & Saphira. La réponse 48, v. s eft facile. Qu'un évêque par sa seule parole faffe tomber mort un coupable, nous conviendrons qu'il tient de Dieu ce pouvoir: mais de tirer à conféquence ces miracles pour établir une jurifdiction ordinaire, c'est se moquer vifiblement des auditeurs.

L'archevêque emploie ce paffage de S. Paul: Ne 1. Cor. vi. 23 favés-vous pas que les faints jugeront de ce monde ? comme fi par les faints l'apôtre n'entendoit que le clergé: au lieu qu'il entend tous les fidéles, & n'exclud que les païens, comme il eft clair par la fuite du discours. C'elt par la même erreur que le prélat reftraint au clergé ces paroles de S. Pierre: Vous êtes la race choisie le facerdoce roial, la nation fainte, qui s'adreffent manifeftement à tous les fidéles. Il ne diffimule pas le motif 1. Pet. 11. 9. d'intereft qui engageoit les prélats à foutenir cette caufe, p. 1072. C. en difant: Si les prélats perdoient ce droit, le roi & le

Tome XIX,

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XV,

4. difc. n. 8.

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roiaume perdroient un de leurs plus grands avantages, qui eft la fplendeur des prélats: ils deviendroient plus pauvres & plus miferables que tous les autres, puifque une grande partie de leurs revenus confifte dans les émolumens de la juftice. Ce n'étoit pas par ce motif que S. Auguftin & les autres évêques des premiers, fiécles fe donnoient tant de peine pour terminer les dif férends des fidéles: auffi ne mettoient-ils pas la gloire de l'épifcopat dans les richeffes & la pompe exterieure. L'archevêque conclut que les droits une fois acquis રે l'église apartienent à Dieu, comme les autres biens qu'elle poffede, & ne peuvent plus lui être ôtés fans facrilége.

La difpute de Pierre de Cugnieres contre les prélats ne produifit rien, & augmenta plutôt l'animofité des deux parties, qu'elle ne la diminua: en forte que les entreprises continuerent de part & d'autre. Or je borne ici mes réflexions fur cette matiere, jufqu'à ce que la fuite de l'hiftoire m'en fournifle de nouvelles fur les moiens que les laïques ont emploïés, particulierement en France ,pour reftraindre la jurifdiction ecclefiaftique, & la refferrer dans les bornes étroites où nous la voïons aujourd'hui.

Je ne voi point de pareilles conteftations dans de l'églife Jurifdiction l'églife Greque, & j'en trouve deux raifons: l'une que Greque, les évêques n'y ont jamais eu ni feigneuries ni offices, qui leur donaffent part à la puiflance publique & au gouvernement temporel; l'autre que l'églife Greque ne conoiffait point le droit nouveau qu'avoit reçu l'églife Latine c'eft-à-dire les fauffes décretales & les maximes établies en conféquence, comme j'ai marqué dans un autre difcours. Les Grecs conoiffoient encore moins le decret de Gratien, les décretales de Gregoire IX. & les autres compilations plus nouvelles que leur fchifme: tout leur droit ecclefiaftique confiftoit au code des canons de l'églife univerfelle & autres pieces comprises dans le recueil publié à Paris en 1661. fous le titre de Bibliotheque de l'ancien droit canonique. Leurs évê

ques ne jugeoient que des matieres fpiritueles, & n'impofoient que des peines de même nature, c'est-à-dire des pénitences ou des cenfures ecclefiaftiques.

Il n'en étoit pas de même en Syrie, en Egypte & aux autres païs de la domination des Mufulmans. Les Chrétiens leurs fujets avoient confervé, non-feulement l'exercice de leur religion, mais encore l'obfervation des loix Romaines aufquelles ils étoient accoutumés depuis plufieurs fiecles; & leurs évêques, comme en étant mieux inftruits que les autres, terminoient fuivant ces loix les differends des particuliers, non-feulement en matiere fpirituele, mais en matiere profane: du moins au tant que le permettoient les infidéles leurs maîtres.

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