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SEPTIE'ME DISCOURS

SUR

L'HISTOIRE ECCLESIASTIQUE.

JURISDICTION.

ES differends entre les eccléfiaftiques &

I.

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Jurifdiction

les laïques touchante douziéme fiècle, glife.

la à l'é

été fi depuis

que j'ai cru les devoir examiner dans un
difcours particulier. Pour en juger faine-

ment,

ment, il faut commencer par bien conottre la jurifdiction propre & effentiele à l'églife, & la diftinguer foigneufement des acceffoires qu'elle a reçus de temps en temps, foit par les conceffions des princes, foit par des coutumes introduites infenfiblement. If faut auffi convenir de bonne foi, que dans les derniers fiécles la puiffance eccléfiaftique & la féculiere, ont fouvent entrepris l'une fur l'autres on libid

18.

La jurisdiction essentielle à l'églife eft celle que J. C. a donée à fes apôtres, en leur difant aprés fa refurrection: Matth. xxvIIL Toute puiffance m'a été donée au ciel & en la terre. Allés donc, inftruifés toutes les nations & les baptifes: leur enfeignant d'obferver tout ce que je vous ai ordoné. Vous voies à quoi il réduit l'exercice de cette toutepuiffance qu'il a reçue de fon pere, à l'inftruction & l'adminiftration des facremens: la doctrine comprend les myfteres & les regles des mœurs, les facremens font tous defignés par le baptême. Dans ce même intervale entre

Jo xx. 21.

Matth. XVIII. 18.

Luc. XII. 14.

Jo. XVIII. 36.

la réfurrection & l'afcenfion, il dit à fes apôtres: Comme mon pere m'a envoïé, je vous envoie auffi: puis il foufla fur eux & leur dit : Recevés le S. Efprit: ceux dont vous remettrés les pechés ils leur font remis & ceux dont vous les retiendrés ils leur font retenus: leur donant ainsi le pouvoir de lier & de délier, qu'il leur avoit déja promis pendant fa vie mortelle. Je ne parle ici que des pouvoirs ordinaires & perpetuels neceffaires pour conferver l'églife jufqu'à la fin des fiécles : c'eft pourquoi je ne dis rien des dons furnaturels, langues, propheties, guerifons & autres miracles, fi frequens pendant les trois premiers fiécles.

Or ces pouvoirs que J. C. a conferés à son églife, ne regardent que les biens fpirituels, la grace, la fanctification des âmes, la vie éternelle. Lui-même étant fur la terre n'en a pas exercé d'autres. Il n'a voulu prendre aucune part au gouvernement des chofes temporeles: juf ques à refufer d'être arbitre entre deux freres pour le partage d'une fucceffion : difant: Qui m'a établi pour vous juger? Il eft vrai qu'il eft roi mais fon roïaume, comme il a dit lui-même, n'eft pas de ce monde, il eft d'un ordre plus élevé. Il ne veut regner que fur les cœurs, par la crainte filiale de fes fujets, le refpect & l'amour qu'ils lui portent: Il ne veut que les rendre meilleurs; il n'exige d'eux autre tribut que des louanges, des actions de graces, l'adoration en efprit & en verité. Tel eft le roïaume de J. C.

Pour l'établir il n'a emploïé que des moïens convenables à la nobleffe de fa fin. Il n'a rien fait par force, De vera relig dit S. Auguftin, mais tout par perfuafion; & pour perfuader il n'a pas emploïé comme les philofophes de longs raifonnemens, dont peu d'hommes font fufceptibles; mais des miracles, qui font à la portée de tout le monde, propres à attirer l'attention & à fonder l'autorité. Il a communiqué à fes difciples ce pouvoir de faire des miracles & d'en communiquer le pouvoir à d'autres autant de temps qu'il a jugé convenable pour établir fufffament l'autorité de fon églife.

Cette autorité eft le fondement de la jurifdiction eccléfiaftique, qui confiste à conferver la faine doctrine & les bonnes mœurs. La doctrine fe conferve en établiffant des docteurs pour la perpetuer dans tous les fiécles, & en réprimant ceux qui la voudroient alterer. Or l'églife a toûjours exercé ce droit, enseignant la doctrine qu'elle a reçuë de J.C. & ordonant des évêques qui en font les principaux docteurs, & qui pour leur aider ont ordoné, outre les prêtres, des diacres & d'autres miniftres inferieurs. Tout cela malgré l'oppofition des infidéles & pendant les plus cruelles perfécutions. S. Paul dans fes chaînes ne laiffoit pas d'enfeigner, & la parole de Dieu, comme il dit lui-même n'étoit pas enchaînée. 1. Tim. 1. 20. Il favoit auffi réprimer & châtier les faux docteurs, comme Hymenée & Alexandre, qu'il livra à fatan à cause de leurs blasfêmes; & l'apôtre S. Jean dépofa le prêtre

qui avoit fabriqué l'hiftoire des voïages de S. Paul & de Hier. fcript. in fainte Thecle.

Luca.

Comme dans le gouvernement temporel le premier acte de jurifdiction eft l'inftitution des magiftrats, des juges & des miniftres de juftice: ainfi l'ordination des évêques & des clercs eft le premier acte. & le plus important du gouvernement eccléfiaftique. Auffi avés-vous vû dans toute cette hiftoire avec quelle attention & quelle circonfpection on ordonoit les évêques pendant les neuf ou dix premiers fiécles: j'en ai marqué le détail au second difcours, où j'ai relevé cette parole de S. Cyprien, qu'un évêque ordoné canoniquement eft établi par le jugement de Dieu. L'évêque une fois établi ordonoit les Cypr. epift. 67. prêtres & les autres clercs, mais avec le confentement ad Hifp. de fon clergé & de fon peuple; & toûjours pour un titre certain, c'est-à-dire pour fervir dans une certaine églife. D'où eft venue la collation des benéfices depuis le partage des revenus eccléfiaftiques.

L'autre partie de la jurisdiction qui tend à la confervation des bonnes mœurs, s'exerce principalement par l'administration de la pénitence: où le prêtre prend conoiffance des pechés comme juge, pour favoir s'il les

n.4.to. 8.

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n.8.

n. 16. to. 13.

II.

évêques.

doit remettre ou les retenir, lier ou délier le pecheur. Voïés encore ce que j'en ai dit au fecond difcours, où j'ai montré que l'églife n'impofoit que des peines médécinales, & à ceux qui les acceptoient volontairement: fe contentant de prier pour les indociles & les endurcis, qu'elle fe trouvoit quelquefois obligée à retrancher de fon corps, de peur qu'ils n'infectaffent les autres. J'ai marqué dans le troifiéme difcours deux abus tres-nuifibles à la pénitence, la multiplication exceffive des peines canoniques & les pénitences forcées. Or je vous renvoïe à ces difcours fur l'hiftoire pour éviter les redites.

Une autre partie de la jurisdiction eccléfiaftique qu'il faloit peut-être plaçer la premiere, c'eft le droit de faire des loix & des réglemens, droit effentiel à toute focieté. Ainfi les apôtres en fondant les églises leur donérent des régles de difcipline qui furent long-temps confervées par la fimple tradition, & enfuite écrites fous le nom de canons des apôtres & de conftitutions apoftoliques. Les conciles qui fe tenoient frequemment faifoient auffi de temps en temps quelques réglemens; & c'eft ce que nous apellons les canons, du mot grec qui fignifie régle. Comme un des devoirs des évêques étoit de conferver Arbitrages des l'union & la charité entre les fidéles, ils avoient grand foin d'apaifer les querelles, de terminer ou prévenir les differends: du moins ils exhortoient ceux qui leur étoient foumis à les regler entre eux à l'amiable, fans plaider devant les juges ordinaires, qui étoient païens. S. Paul en fait un grand reproche aux Corinthiens; & dit, que les plus méprifables d'entre eux ne font que trop bons pour juger leurs affaites temporelles, tant ils doivent faire peu de cas de ces fortes d'affaires; & prendre garde de ne pas fcandalifer les païens en plaidant pour de petits interêts comme les autres hommes. Vous avés déja tort, continue l'apôtre d'avoir des procés: que ne foufrés vous plutôt l'injuftice & la fraude? & là-deffus il leur fait une puiffante exhortation touchant le défintéreffement & l'éloignement de l'avarice. Ainfi quand J.C. refusa d'être arbitre entre les deux freres, il en prit occafion d'inf

1.Cor. VI. 4.

. 7.

truire le peuple fur le mépris des biens temporels. Or, quoique felon S. Paul, les moindres des laïques puffent être pris pour arbitres de leurs freres, c'étoit toutefois l'évêque qu'ils choififfoient ordinairement comme leur pere commun;& l'on voit la forme de ces jugemens charitables dans le livre des conftitutions apof- lib. 11. c. 47. toliques, écrit avant la fin des perfécutions. L'évêque étoit affis au milieu des prêtres, comme un magiftrat affifté de fes confeillers : les diacres étoient debout, comme fervant d'appariteurs, ou miniftres de juftice: les parties fe préfentoient en perfone & s'expliquoient par leur bouche. L'affaire étoit examinée fimplement & de bonne foi, fans formalités rigoureufes, & decidée fuivant la loi de Dieu, c'est-à-dire les faintes écritures. Le juge avoit égard à la qualité des parties, principalement à leurs mœurs, pour ne doner lieu ni à la calomnie ni à la chicane ; & non content de juger l'affaire au fonds en déclarant ce qui étoit jufte, il s'efforçoit d'en perfuader les parties, les faire acquiefcer à fon jugement, les réconcilier parfaitement & les guerir de toute aigreur & de toute animofité. C'eft pourquoi l'audiance de l'évêque fe tenoit le lundi, afin que les parties euffent le refte de la femaine pour calmer leurs paffions; & que le 1. Tim. 11. 8. dimanche fuivant ils puffent dans leurs prieres lever à Dieu des mains pures, comme dit l'apôtre.

II I.

Les affaires plus importantes, comme les plaintes contre les évêques mêmes, fe jugeoient dans les conci- Conciles. les provinciaux: qui fe tenoient régulierement deux fois l'an, à moins que la perfécution ouverte ne l'empêchât; & au-deffus de ces conciles il n'y avoit point de tribunal ordinaire. S. Cyprien parlant des Chrétiens qui é- epist. 19. toient tombés dans la perfécution, dit : Qu'ils attendent la paix publique de l'églife, afin que dans une affemblée de plufieurs évêques nous puiflions tout régler d'un commun avis. Le concile de Nicée tenu au commencement de la liberté de l'églife, ordone deux conciles par an: ce qui femble montrer que c'étoit déja la coutume de les tenir frequemment.

can. S.

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