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cun quatre fils légitimes & quatre fils naturels : l'aîné appellé Kiun - khan (a) lui fuccéda, & regna foixante & dix ans. Il eut pour successeur son frere Ay-kan; après lui regna avec beaucoup de conduite & de prudence Iouldouzkhan (b) qui laissa le Thrône à son fils Mengli ou Mengheli-khan: de celui-ci il passa à son fils Tingis-khan (c) qui abdiqua l'Empire en faveur de fon fils Ill-khan (d) contemporain de Siuntz-khan Empereur des Tartares dont j'ai déja parlé. Ces deux Princes se firent continuellement la guerre, & Siuntz - khan toujours vaincu, fut obligé d'implorer le secours du Khan des Kergis; avec ce renfort l'armée d'Ill-khan fut battue, & l'Empire des Mogols détruit; la postérité d'Ill-Khan se retira dans des montagnes escarpées, d'où elle ne fortit que long-temps après, comme on le verra dans la suite.

Telles font en peu de mots les Traditions (e) qu'un Hiftorien Tartare nous a conservées touchant l'origine (f) de sa Nation. Tout incertaines ou fabuleuses qu'elles puifsent paroître, elles doivent être nécessairement placées à La tête de cette Histoire. Les Grecs, les Romains, les Chinois & quantité d'autres Peuples ont leurs tems fabuleux, qui ont été suivis d'un second tems, où l'Histoire, quoi que vraie, est encore obfcure & pleine de difficultés. Ce n'est que dans une troisiéme époque que la vérité historique commence à se manifester ; je m'y arrête, & je n'ai plus d'autre garant, pour tout ce qui va suivre, que des monumens sûrs & de la derniere authenticité.

terme de horde ou tribu. Les fléches désignoient aussi la servitude, & l'arc la supériorité.

(a) D'Herbelot le nomme Ghunkhan.

(b) D'Herbelot le nomme Ilduz khan. Jlduz ou Jouldouz fignifie encore dans la langue des Turcs de Conftantinople une étoile.

(c) D'Herbelot l'appelle Tonghourkhan; mais la plupart de ces differences ne viennent que de la position des points. (d) D'Herbelot le fait, fils & fuccefseur immédiat de Mengli-khan au titre d'Illkhan, mais ailleurs il est conforme à Aboulghazi & il le fait successeur de Tonghour le même que Tingis.

(e) Beidawi autre Historien Persan rapporte d'une maniere plus abrégée & peut-être en même temps plus véritable l'origine des Turcs. Il dit que Noë envoya fon fils Japhet dans l'Orient, où il engendra Dibbacaoui qui fut pere de Gour-khan. Celui-ci abandonna la Religion de ses Ancêtres ; mais fon fils

Ogouz-khan le tua, s'empara du Royaume & rétablit l'ancienne Religion. Il divisales Turcs en différentes hordes, & après un intervalle de quatre mille ans, ou selon un autre manufcrit de quatre cens ans seulement, ces Peuples furent défaits par un Roi du Khatay qui avoit pouflé ses conquêtes jusques au Gihon. Ce recit de Bedawi paroît avoir beau. coup de rapport avec ce que nous lisons dans l'histoire Chinoise, comme nous essayerons de le faire voir dans la suite; ainsi il est nécessaire de ne pas perdre de vue cette note.

(f) Plusieurs Ecrivains tels que Pof. tel & furtout Menaffé Docteur célébre parmi les Juifs rapporte l'origine des Turcs & Tartares aux dix Tribus des Juifs emmenées en captivité par Salmanasar. Menaflé prétendoit même qu'elles avoient paflé la grande muraille & s'étoient établies à la Chine. Le nom de Tatars suivant les Auteurs de cette opinion venoit du mot Hébreux Totar, qui figni fiereste.

Au Nord des frontieres Septentrionales des Provinces de Chensi, de Chansi & de Petcheli, habitoit autrefois une Nation célébre, qui a donné naissance à celles que nous avons connues depuis sous le nom de Huns, de Turcs, de Mogols, de Hongrois & de Tartares: elle paroît commencer avec la Monarchie Chinoise, puisque dès le tems de l'Empereur Yao qui fleurissoit vers l'an deux mille avant Jesus-Christ, les Historiens Chinois nous apprennent qu'elle étoit appellée Chan - yong, c'est-à-dire, Barbares des Monta- Ven-hiengnes. Sous la premiere Dynastie Impériale de la Chine, kao nommée Hia, ces Barbares porterent le nom de Tchong-yo. Les Empereurs de la Dynastie de Cham connoissoient ce pays sous le nom de Kuei-fang ou la Contrée des Esprits: ceux de Tcheou sous le nom de Hien-yun, & enfin ceux de Han sous le nom de Hiong-nou, (a) mot corrompu par les Chinois, & dont la vraie prononciation, qui nous est également inconnue, a formé le nom de Huns, Hunni, devenu célébre en Europe, par les incursions que ces Peuples y

ont faites.

Anciennement tous les habitans de la Tartarie étoient divisés en Barbares d'Orient & en Barbares d'Occident. Les premiers, qui font les Ancêtres des Tartares Orientaux, habitoient au Nord de la Province de Petcheli, &

(a) Hiong-nou, ce mot en Chinois peut être traduit par malheureux Esclaves; mais je le crois un mot Tartare que les Chinois auront exprimé par deux caractères qui formoient le même fon.Il est altéré, comme le sont tous les mots étrangers qu'ils veulent exprimer dans leur langue. Cependant il pour

roit être Chinois d'origine;il n'est pas rare de voir dans la langue Tartare de ces fortes de noms. On peut citer pour exemple celui de Mogol pour Mung'l, venu de Mùng qui en Chinois fignifie trifte & celui de Ung-khan pour Ouang-khan; c'est-à dire, le Roi que les Chinois expriment par Ouang.

tum

s'étendoient vers l'Est jusqu'à la mer Orientale. Les seconds étoient campés dans les plaines & les vallées qui sont au Nord du Chenfy, du Chansy, & même du Pétchéli, sous la conduite de différens Chefs, où ils étoient uniquement occupés du soin de faire paître des troupeaux nombreux. Ils vivoient sous des tentes qui étoient posées sur des chariots. Avec ces maisons ambulantes, ils se transportoient facilement aux bords des rivieres & dans les plaines qui leur paroissoient les plus propres à la nourriture de

leurs beftiaux. Les Tartares modernes confervent encore

Voyage de ces anciens usages. Ils font errans: pendant l'hiver ils haRubruquis. hitent dans les plaines qui sont au Midi, & pendant l'été Hift généal. ils remontent vers le Nord. Leurs tentes, dont quelquesdes Tatars. unes ont vingt ou trente pieds de long, font faites de

feutre blanc, enduites de chaux ou de terre, & terminées en une pointe qui est ouverte. Elles sont posées sur des roues & traînées par un grand nombre de bœufs. C'est de l'assemblage de ces tentes, rangées par ordre, que sont formées les villes de la Tartarie. Les chevaux & les troupeaux fournissent à ces peuples la nourriture & le vêtement. La principale de leurs boissons est faite de lait de jument qu'ils préparent de différentes façons, pour en faire plusieurs fortes de liqueurs qui enyvrent.

Les Anciens Huns vivoient de la chair de leurs bestiaux;ils tum-kao. prenoient les peaux pour en faire des habits & des étendars; ils cultivoient les terres qui leur étoient échues en partage. Ils n'avoient aucune connoissance de l'art d'écrire, mais leur bonne foi étoit si connue que dans leurs traités, tout barbares que ces peuples nous paroissent, leur parole suffisoit. La mort étoit le supplice de celui qui avoit fait un meurtre ou un vol considérable. Ils apportoient quelques soins à l'éducation de leurs enfans, & les élevoient d'une maniere relative à l'intérêt général de la Nation, c'est-àdire, qu'ils les exerçoient à chasser & à faire la guerre : ces enfans assis sur des moutons, qu'ils regardoient alors comme des chevaux, tiroient sur les oiseaux & fur les souris avec de petits arcs. Devenus plus grands ils alloient à la chasse des liéyres & des renards, qui leur fer,

Ven-hien

Sfu-ki.

Ven-hien

tum-kao.

voient de nourriture, & lors qu'ils étoient en état de maniere des armes plus fortes & plus pésantes, ils prenoient le parti de la guerre. Ainsi ils n'étoient cenfés hommes que quand ils en avoient tué, ou qu'ils étoient devenus affez forts & affez habiles pour le faire. La guerre étoit alors leur unique occupation, & le seul moyen d'acquérir l'estime de toute la Nation. Les jeunes gens jouiffoient de tous les avantages. Les vieillards, dont on oublioit les services passés, étoient exposés au mépris de cette jeunesse guerriere, qui ne prévoyoit point que le même sort l'attendoit.

En tems de paix, les Huns faifoient des courses sur les sa-ki. terres de leurs voisins, & particulierement fur celles des Chinois: la Chine, par sa fertilité & ses richesses, étoit pour eux un trésor inépuisable qu'ils ne cessoient de piller. Tant que la fortune les favorisoit, ils s'avançoient dans les terres: au moindre défavantage, ils ne rougiffoient pas de prendre la fuite, mais ils n'en étoient alors que plus re-. doutables. C'est dans ces déroutes simulées que l'Ennemi devoit employer la prudence. Il étoit ordinaire de voir ces Huns revenir subitement à la charge pour tourner auffi-tôt le dos. L'agilité de leurs chevaux leur étoit d'un grand fecours pour cette maniere de combattre, & les troupes reglées, telles que font celles de la Chine, ne leur résistoient que difficilement. Dans d'autres occafions, ces armées innombrables de Tartares, poursuivies de trop près, fe diffipoient dans les déserts comme la pouffiere, & leurs Ennemis qui étoient entraînés dans ces folitudes affreuses y périssoient de mifere.

Celui qui pouvoit enlever le corps de fon camarade tué ssu-ki. dans un combat, devenoit son héritier & s'emparoit de son bien. Au reste, ces peuples s'attachoient, comme ils le font, encore, à prendre le plus de prifonniers qu'ils pouvoient. Ces captifs, faifoient leurs principales richesses: ils les employoient auprès de leurs troupeaux & de leurs beftiaux. Leurs armes consistoient dans un arc, des fléches & un fabre. Ils étoient tous voleurs & brigands à l'égard de leurs voisins, mais d'une fidélité à toute épreuve entre

sum-kao.

eux. Le nombre de leurs femmes n'étoit point fixe, ils en prenoient autant qu'ils pouvoient en nourrir, sans avoir aucun égard aux degrès d'alliance ni de parenté qui pouvoient se trouver entre eux. Il n'étoit point extraordinaire de voir un fils épouser les femmes de fon pere, & un frere celles de son frere. Telles sont en peu de mots les mœurs de ces anciens Huns,qui s'étoient rendus formidables aux Chinois, & qui par les fréquentes incursions qu'ils faifoient dans les Provinces Septentrionales, c'est-à-dire dans celles de Chensi, de Chansi & de Petcheli, les ont fouvent réduits à l'extrémité.

J'aï déja dit que les Huns n'étoient pas moins anciens que les Chinois, qui les ont connus avant même que la Dynastie de Hia, qui commença à regner vers l'an 2207 avant Jesus-Christ, montat sur le Throne; mais l'Histoire ne nous a conservé que l'époque de quelques invasions de ces peuples, ou plutôt des Tartares en général, & en core n'en est-il rapporté aucunes de celles qu'ils ont faites Ven-hien- fous cette premiere Dynaftie Chinoise. On en cite quelques-unes, mais en petit nombre, pendant le regne de la Dynastie de Cham; elles se faifoient pendant les chaleurs de l'Été, qui étoit le tems le plus propre. L'Empereur Vou-tim (a) fut obligé d'envoyer contre eux ses armées. Sous Vou-ye (b) ils recommencerent leurs courses, & ils furent chassés. Dans la suite, & après que Vou-vam (c) se fut rendu maître du trône Impériale & qu'il eut établi la Dynastie des Tcheou, tous les peuples barbares du Midi & de l'Occident, les Huns & les Tartares de Niu-ché lui envoyerent des tributs & se soumirent. Mais du tems de Y - vam (d) les Huns firent des courses jusqu'à Kim - yam au Nord de la riviere Kim, dans le territoire de Fongtciang - fou une des villes du Chensi. Les Ecrivains Chinois regardent ces incursions comme une punition du ciel de

(a) Ce Prince est mort l'an 1266 avant Jesus-Chrift.

(b) Ce Prince est mort l'an 196 avant Jesus-Chr.ft.

(c) Mort l'an 1116 avant JesusChrift. (d) Mort l'an 910 avant Jesus Chrift.

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