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plus ancien qui fe foit confervé parmi les Chinois & même parmi les hommes. L'Empereur Fo-hi, fuivant tous les Hiftoriens, en eft l'Auteur. Il confifte en lignes droites, entieres ou coupées en deux parties, toujours placées horisontalement, réunies les unes avec les autres en différentes manieres, dont la combinaison monte à foixante-quatre, que l'on appelle les foixante quatre Koua. C'eft véritablement un livre inintelligible que la feule antiquité a rendu refpectable, & qui l'eft devenu d'avantage par les Commentaires que Ven-vam, & enfuite Confucius, les Fondateurs de l'Ecole Philofophique des Chinois y ont ajoutés, tirant des principes de morale, tant pour la Société que pour le Gouvernement, de l'accord & de la réunion de toutes ces lignes. Mais le plus grand ufage que l'on fait de ce livre eft la divination. Plus il eft enveloppé de ténébres, & plus les Chinois y découvrent de connoiffances. L'Y-king fert à tout, il est la fource de toutes les Sciences, & on l'employe à prédire aux hommes ce qui doit leur arriver.

Le Chi-king beaucoup moins ancien, eft un recueil de piéces de Poëfies faites à la louange des grands hommes fous les trois premieres Dynafties Chinoifes. Selon Confucius rien n'étoit plus propre que ce livre pour porter les hommes à la vertu & les inftruire de leurs devoirs. On chantoit ces Odes dans toutes les Cérémonies publiques, dans les Sacrifices, dans les Affemblées ; car la Mufique faifoit alors une partie confidérable du Gouvernement & de la Religion. L'accord & l'harmonie des fons qui fervoient à exprimer ces chanfons, portoient dans le cœur des peuples le même accord, & leur infpiroient la douceur les uns pour les autres, & le refpect pour les Dieux. Un des principaux Officiers de l'Empire préfidoit à la Mufique; il étoit chargé de l'enseigner aux Princes & aux Grands de la Nation. Il mettoit en vers & en chant les préceptes qu'il leur donnoit & les fentimens qu'il vouloit leur infpirer.

le

Le Chou-king encore plus inftructif & plus utile par détail des vertus & des vices des Empereurs de la Chine

Après J. C.

Après J. C.

Tein-chou
Kam-mo.

& de leurs Miniftres, offre aux hommes, & furtout aux
Princes, des reflexions fur la conduite qu'ils doivent te-
nir avec leurs Sujets. On y voit des Monarques que la
feule pratique de la vertu a portés jufques fur le Thrône,
toujours prêts à le céder à un Sujet encore plus vertueux;
d'autres en exclure leurs propres enfans,
, pour le donner
à un homme qui n'avoit été occupé jufqu'alors qu'à ma-
nier la charue. Partout dans cet Ouvrage on trouve les
maximes d'un fage Gouvernement. » Si. je fais des fautes,
» dit un de ces Princes à fes Miniftres, vous devez m'en
» avertir. Quels reproches ne mériteriez-vous pas, fi vous
blâmiez ailleurs une conduite à laquelle vous applaudi-
»riez en ma présence? Celui qui fe croit plus habile &
plus judicieux que le refte des hommes ne peut réussir,
» & celui-là eft digne de regner, qui a fçu trouver un maître
pour s'inftruire.

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D

Le Tchun-tcieou, compofé par Confucius lui-même, n'eft qu'une chronique très-féche de l'Hiftoire de fon pays & des Etats voifins; mais un Chinois, accoutumé à refléchir, trouve dans ce détail rapide des évenemens, une fource inépuisable de reflexions. D'un coup d'œil il voit paffer devant lui les fiécles qui entraînent avec eux les Rois, les Conquérans, les Miniftres & tous les Grands hommes dont il ne refte que le fouvenir des bonnes ou des mauvaises actions.

Tels font les Ouvrages dans lefquels Lieou - yuen (a) chercha à fe former le cœur ; il y joignit ceux qui traitoient de l'Art-Militaire comme néceffaires à fon Etat & une infinité d'écrits compofés par les Sçavans qui avoient fleuri fous la Dynaftie des Han. Auffi, difoit - il fans ceffe qu'il ne pouvoit fouffrir ceux qui étoient peu inftruits. Il s'appliqua encore à tirer de l'arc, & à tous les exercices de la guerre. Il n'avoit point une figure ordinaire, & tous ceux qui le voyoient en étoient frappés ; il gagna l'amitié des principaux Officiers Chinois qui de

(a) Les Hiftoriens l'appellent indifféremment Licou-yuen-hai ou Licou-yuen. Je me fers plus volontiers de ce dernier,

parce qu'il eft plus court, & par conféquent plus facile à retenir.

Après J. C.

meuroient dans les environs. Le bruit de fes grandes qualités fut porté jufqu'à la Cour : l'Empereur Vou-ti voulut le voir & s'entretenir avec lui. Plufieurs Officiers s'emprefferent de faire valoir auprès de ce Prince les talens fupérieurs de Lyeou-yuen, tant dans les Lettres, que dans la Guerre, & repréfenterent la néceffité de les employer. D'autres, que la jalousie inspiroit, parlerent différemment, & firent envisager à l'Empereur que les talens de Lyeouyuen étoient à appréhender, mais qu'il ne falloit pas paroître ni les méprifer, ni les oublier. Ils ajoutoient encore que fi on lui confioit quelque autorité, il pourroit entreprendre de repaffer dans le Nord à la tête de ses Sujets, & rétablir l'ancien Empire des Huns. Tous ces difcours n'empêcherent pas que l'Empereur, lorfque Pao qui étoit Général des Hordes d'Orient vint à mourir, ne lui don- L'an 279. nât cette dignité & ne le comblât dans la fuite de nou- L'an 280. veaux titres qui le rendirent plus puissant encore parmi les Hordes du Nord.

Lieou-yuen s'appliqua à policer fes Sujets, leur donna des Loix, établit des peines pour les criminels, & mit

un frein au vice. Il fçût gagner le cœur des Peuples par Tein chon. le mépris qu'il faifoit des richesses, & le plaifir qu'il avoit Kam-mo. de les diftribuer. Tous les principaux & les plus braves de la Nation vinrent se ranger auprès de lui. Il obtint L'an 290. enfuite la charge de Général d'Armée & le Commandement fur cinq Hordes des Huns avec le titre de Heou (a).

C'eft vers le même-tems que les Tartares So-teou, autrement Topa, s'approcherent d'avantage de la Chine, & fe partagerent en trois bandes, qui fe cantonnerent dans plufieurs de fes Provinces Septentrionales. La premiere habita au Nord du territoire de Cham-ko (6), là seconde dans celui de Tay (c) & la troisiéme vers Timfiam (d). Dans la fuite ces Tartares firent des conquêtes

(a) Les Chinois ont trois dignités principales qui font Kum, Pé, Heou, que plufieurs Miffionnaires ont rendu par Ducs, Comtes, & Marquis. C'est de cette derniere dont il s'agit ici.

(b) Dans le Petcheli vers Pao-gantcheou.

(c) Dans le diftrict de Ta-tong-fou dans le Chanfi.

(d) Aufli vers Ta-tum-fou dans le Chanfi,

L'an 295.

Kam-mo.

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L'an 296.
Kam-mo.
Tein-chou.

L'an 304.
Kam-mo.
Tein chu.

au-delà du defert, & foumirent une grande étendue de pays, pendant que quelques troupes de Huns & plufieurs autres Barbares fe révolterent dans le pays de King-yangfou dans le Chenfi. Ils y firent quelques défordres, ce qui fut cause que l'on donna à Lieou-yuen la charge de Général du pays d'Ortous, & qu'on l'envoya faire la visite d'une partie des Hordes.

Hoei-ti Empereur de la Chine s'étoit écarté des principes qui conftituent un bon Gouvernement partout on ne voyoit que des brigands qui défoloient l'Empire, des troubles qui qui annonçoient fa ruine, & des rebelles qui s'établiffoient en différentes Provinces. Lieou-yuen Commandant Général des troupes Hunniques demeuroit dans la ville de Po (e) où il étoit foumis à Ing Roi de Tchim-tou dans le Sfe-tchuen, qui avoit pris les armes contre l'Empereur. Lieou - fiuen fon parent, à qui ces divifions infpirerent le deffein de remettre les Huns en liberté & de retablir leur Empire, affembla fecretement les principaux de la Nation & leur fit ce difcours : » Nos Ancêtres » avoient fait des Traités avec les Empereurs des Han: les Huns & les Chinois fe regardoient comme freres. Aujourd'hui les Han font détruits, les Goei & enfuite les Tein leur ont fuccédé. Nos Tanjou n'ont plus qu'un » vain titre & ne poffédent pas un pouce de terre. Tous »nos Chefs ne font plus que les efclaves de la famille re»gnante. Malgré cet état de foibleffe dans lequel nous > nous voyons réduits, nous fommes encore aux environs de vingt mille; pourquoi refter ainfi dans l'indolence & » dans l'efclavage? que ne profitons nous des défordres & » des troubles qui occupent la famille des Tcin? C'eft une » de ces occafions pareille à celle que l'ancien Tanjou Hou-han-fie a eue autrefois, & nous ne devons pas la » laiffer échapper. Lieou-yuen a du courage & toutes les qualités néceffaires pour faire un grand Prince. Le Ciel l'auroit-il fait naître, s'il n'avoit pas deffein de rétablir l'Empire des Huns?» Ce difcours produifit l'effet au(a) Po-hien dans le territoire de Tchang-te-fou ville du premier ordre de la Pro vince de Honan

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quel on s'étoit attendu. Les Chefs des Huns ayant réfolu de mettre à leur tête Lieou - yuen & de le procla- L'an 304mer Tanjou, dépêcherent auffi-tôt un des leurs, nommé Yeou vers la ville de Po, pour lui en donner avis & le faire revenir au milieu de fa Nation. Lieou-yuen demanda au Roi de Tching-tou dont il avoit embraffé le parti, la permiffion de fe retirer vers fes Hordes pour faire une céremonie funéraire. Mais le Roi de Tching-tou, qui peut-être appréhendoit que ce Prince ne fe formât un parti, la lui refusa, de forte que Lieou-yuen, qui n'étoit point encore affez puiffant pour fe déclarer publiquement, fut obligé de diffimuler pour tromper par quelque rufe le Rebelle. Il fit repartir l'Envoyé,qu'il chargea de faire affembler les cinq Hordes & de publier quelles étoient mandées pour venir au fecours du Roi de Tching-tou.

Celui-ci avoit effectivement befoin de troupes pour foutenir fon parti, que l'Empereur Hoei-ti s'efforçoit d'affoiblir. Ce Monarque venoit d'envoyer une armée vers Tcham-te-fou dans le Honan. Le danger augmentoit tous les jours. Les Généraux de l'Empereur qui s'avançoient contre lui avoient réfolu de le reduire dans cette campagne. Ing cherchoit dans cette extrémité à s'attacher Lieou-yuen, en lui conférant de nouvelles dignités, & particulierement le titre de Pé (a). Mais ce chef des Huns n'abandonna pas fon premier deffein, & continua de faire entendre à Ing que pour l'intérêt de fes affaires, il étoit nécessaire qu'il fe rendit vers les Hordes, parce qu'il espéroit en tirer des fecours. Ing qui fe voyoit preffé de tous côtés confentit au départ de Lieou-yuen, & lui donna le titre de Tanjou. Lieou-yuen fe rendit aufsi-tôt à Tço-koue-tching, où, à la tête de cinquante mille hommes il fut proclamé grand Tanjou. Il mit fa Cour à Liche, (b) dans le territoire de Ta-yuen-fou dans le Chanfi. Pendant que ces chofes fe paffoient ainfi dans le Nord, Licou-yuen Ing fut défait & obligé de s'enfuire. Lieou-yuen ne prit d'autre part à fon malheur que celle de blâmer fa conduite: portant fes vûes ailleurs,il voulut envoyer un corps de vingt

(4) De Comte.

(b) Aujourd'hui Che-tcheou.

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