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Après J. C.
L'an 316,
Licou-
trung.

L'an 317.

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Voici une de ces grandes catastrophes qui nous font con noître jufqu'à quel point les Officiers Chinois portent l'amour de la Patrie, & en même-tems la grandeur d'ame de l'Empereur & la générofité de fon ennemi. Le Général Solin voyant que l'Empereur fe difpofoit à fe rendre, crut devoir fonger à fes propres intérêts en facilitant aux ennemis la prife de la Ville. Il envoya pour cet effet fon fils vers Lieou-yao & offrit de lui ouvrir les portes de Si-gan - fou. Mais quel fut fon étonnement lorfque Lieou- yao après avoir fait trancher la tête à son fils, lui fit cette réponse: Un Général ne doit mettre fa confiance que dans la juftice & dans fon courage; 3 depuis le tems que je fuis à la tête des armées je » n'ai point employé la rufe ni l'artifice pour détrui» re mes ennemis «. Telle fut la récompenfe qu'il rede fa trahison : les Han prefferent tellement la place que l'Empereur, refolu de fe rendre, monta dans un chariot, tous fes Officiers l'accompagnoient & fe tenoient ferrés aux rênes des chevaux, en jettant de grands cris. L'Empereur lui-même, en les voyant ainfi, ne pouvoit cacher fa douleur. Un de fes Officiers, qui ne voulut point être témoin du malheur de ce Prince, & de la ruine de l'Empire fe tua. So-lin, qui avoit voulu le trahir, fut mis à mort par l'ordre de Lieou-yao. L'Empereur fut conduit à Pim-yam où Lieou-tçung le plaça dans un Palais. Yun, un des Généraux des Tcin ne put voir fon Prince profterné aux pieds du Roi des Han fans témoigner fa douleur. Lieou-tçung en fut irrité & le fit mettre aux fers; mais Yun fe donna lui-même la mort. L'Empereur dépofé reçut de Lieou-tçung le titre de Heou: (a), Lieou-yao fut recompenfé & fait Roi de Tcin.

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Lorfqu'on eut appris dans les Etats de Tcham - tche Roi de Leam (6), le malheur qui venoit d'arriver à l'Empereur, So, oncle de ce Roi qui étoit attaché aux Tein, quoique dans une extrême vieilleffe, voulut venir à leur

(a) Comme qui diroit Marquis.
(b) Ce pays étoit fitué à l'extrémité du

Chanfi du côté de la Tartarie.

Après J. C.

tạung.

fecours. Le Roi de Leam qui ne crut pas devoir expofer un vieillard incapable de fupporter long-tems les L'an 317fatigues de la guerre, chargea un autre Officier de la con- Licouduite de fes troupes qui montoient à dix mille hommes. Le vieillard en mourut de chagrin, & l'armée trop foible fut obligée de revenir fans avoir ofé former aucune entreprife contre les Han. Cette expédition ne fervit qu'à faire connoître le zèle & l'attachement que le Roi de Leam avoit pour les Tcin.

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Leur Parti se foutenoit encore dans plufieurs Provinces, le Roi de Han envoya un de fes Généraux à la tête de trente mille hommes pour affiéger la ville de Yumyam (a). Li-kiu qui en étoit le Gouverneur, n'ayant pas eu le tems de fe préparer à une défense, amufa l'ennemi par des propofitions que le Général des Han écouta trop facilement. Ce Général fe regardant déja comme maître de la Place, ne fe tint plus fur fes gardes. Li-kiu for¬ moit pendant ce tems - là le deffein de venir l'attaquer pendant la nuit. Pour encourager fes foldats qui ne paroiffoient point difpofés à combattre, il ordonna à un de fes Officiers d'aller faire des prieres dans la Chapelle d'un homme illuftre qui avoit vêcu fous les Tcheou, & fit en même-tems confulter les Devins qui répondirent que Tfu-tçan (c'eft ainfi qu'on appelloit cette efpéce de Saint) envoyeroit des foldats céleftes pour combattre en fa faveur. Il fit inftruire les foldats de cette prétendue réponse de l'Oracle; ils attaquerent auffi - tôt le camp du Général des Han avec tant de courage, que ce Général eut beaucoup de peine à fe fauver.

On fe difpofoit pendant ce tems-là dans Nan-kim à proclamer Joui Empereur des Tcin; mais ce Prince effrayé par tous les malheurs qui accabloient fa famille, & qui ne croyoit point avoir les talens néceffaires pour foutenir le poids d'une Couronne, furtout dans des tems auffi orageux, refufa conftamment ce titre, & ce ne fut qu'après de grandes inftances de la part de fes Miniftres qu'il

(4) Ancienne ville dépendante de Kai-fong-fou dans le Honan

Kam-mo.

Après J. C. accepta celui de Roi des Tcin. Il créa des Officiers & rétablit la Dynaftie des Tcin, qui fut connu alors fous le nom de Tcin Orientaux.

L'an 317. Lieou

tạung. Kam-mo. Tein-chou.

Ce Prince fçut tirer parti de la mefintelligence qui regnoit dans la famille des Han & des troubles dont cette Cour étoit remplie. Lieou-tçan, fils & premier Miniftre de Lieou-tçung avoit formé un Parti considérable contre Lieou-y frere du Roi & héritier de l'Empire. Il avoit toujours cherché à fe défaire de ce Prince; mais aucun de fes projets n'avoit réuffi jufqu'alors. Il fut plus heureux dans cette nouvelle tentative. Il perfuada à Lieou - y qu'il y avoit lieu de craindre quelque fédition dans la Capitale, & que pour la prévenir il falloit armer les troupes qu'il commandoit. Ce Prince ajouta foi à ce discours, & fit toutes les difpofitions qui lui parurent néceffaires. Ses ennemis allerent auffi- tôt trouver le Roi, à qui ils firent entendre que Lieou-y armoit déja & qu'il fe préparoit à fe revolter contre lui. Toutes les apparences étoient contre Lieou-y & il fut jugé coupable. Licou-tçung le dépofa, & Lieou-tçan qui appréhendoit que l'impofture ne fût découverte le fit affaffiner. Le caractere doux de ce Prince l'avoit fait aimer de tous les peuples, c'étoit fon crime auprès de Lieou-tçan. Sa mort affligea beaucoup le Roi qui ne l'ayoit point ordonnée, & qui la défaprouva. Cet évenement fut fuivi de grands malheurs, & le peuple eut à fupporter prefque tout à la fois, la féchereffe, une. quantité d'infectes, & le débordement des fleuves Hoam, Ho & Fuen.

Lieou-tçan, qui venoit d'être déclaré Prince héritier après l'affaffinat de Lieou-y, alla faire une partie de chaffe accompagné de l'Empereur Min-ti cet amusement devint funefte au Monarque des Tcin. Tous les Peuples encore pleins de vénération pour leur ancien Souverain le montroient, en difant: Voilà l'ancien Empereur de Si - gan-fou, & plufieurs en le voyant ne pouvoient s'empêcher de verfer des larmes fur fa difgrace. Lieoutçan que ces égards & ces refpects allarmoient, représenta auffi-tôt à Lieou -tçung que l'ancien Empereur Vou

yam

Lieou

vam n'avoit fait périr le dernier Empereur des Cham, que dans la crainte qu'il ne fe joignît à fes ennemis & Après J. C. n'excitât des troubles. Un exemple de cette force, tiré de L'an 317. la conduite d'un Prince qui de tout tems a été l'objet tạung. de la vénération des Chinois & regardé comme le modéle des Rois juftes, fembloit dicter l'arrêt de mort de l'Empereur des Tcin & la justifier. Il paroît qu'elle fut décidée: Lieou-tçong ordonna que ce Prince le vînt fervir dans un festin qu'il donnoit à tous fes Miniftres : les Ste Officiers des Tcin qui l'avoient fuivi, ne purent cacher leur défefpoir en voyant l'Empereur de la Chine devenir le fujet & l'efclave d'un Barbare. Quelques-uns fe jetterent aux pieds de ce malheureux Prince qu'ils tenoient embraffés en foupirant; il furent mis à mort par les ordres de Lieou-tçong. On apprit dans le même-tems deux Généraux des Icin avec quelques troupes éque toient entrés dans le pays de Ho - tum (a), qu'il s'étoit donné quelques combats entre les deux partis, & que les Tein publioient partout qu'ils avoient dessein de se rendre maîtres de la perfonne de Lieou-tçong pour en faire un échange avec l'Empereur. Lieou-tçong fit auffi - tôt mourir Min-ti, & toutes les efpérances des Tcin furent évanouies. Lorfque cette nouvelle eut été portée à Nankim, le Prince qui jufqu'alors n'avoit pris que le titre de Tein-chou. Roi y fut proclamé Empereur.

Dès le commencement de fon regne il remporta quelques avantages fur les Han. L'armée de Lieou-tçan inveftie dans le tems qu'elle s'y attendoit le moins, fut battue, Lieou-tçan n'échappa qu'avec peine, fon camp fut mis au pillage & brûlé, malgré les fecours que Lieoutçong fit partir, & qui n'arriverent pas affez à tems pour empêcher ce défordre. On vit enfuite des phénoménes qui ménaçoient, fuivant les Hiftoriens, Lieou-tcong de la colere du Ciel, à caufe qu'il avoit fait périr deux Empereurs. Un Palais de ce Prince fut réduit en cendre, & vingt-un de fes enfans enfévélis dans les flammes ou écrafés fous

(a) Dans le District de Pim-yam-fou dans le Chanfi. Tome I.

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L'an 318

Kam-mo.

Après J. C.

L'an 318. Licoutrung.

les ruines. Lieou-tçong éprouva de nouvelles difgraces, dont fa mauvaise conduite & fon penchant pour les femmes furent la premiére fource: il prodiguoit à toutes celles qui devenoient l'objet de fa paffion, le titre d'Impératrice: fes Miniftres lui en faifoient continuellement des reproches dont ils étoient toujours la victime. Il y a peu d'hiftoire qui nous fournisse un auffi grand nombre d'exemples de Miniftres qui fe donnent la mort ou qui s'expofent avec tant de courage pour le fervice de leur Prince, que l'Hiftoire de la Chine. Lieou - tçong éléva à la dignité d'Impératrice de la gauche la fille d'un de fes Officiers, qui n'étoit propre qu'à faire les fonctions les plus viles dans fon Palais : ceux de fes Miniftres qui oferent l'en inftruire attirerent fur eux la colere du Prince & furent condamnés à mort. Comme on les conduifoit au fupplice, le pere de la nouvelle Impératrice voulut les infulter: ils fe contenterent de lui répondre qu'il feroit un jour la caufe de la ruine de l'Empire.

En effet la puiffance des Han diminuoit confidérablement. Che-le dont j'ai déja parlé, s'établiffoit en quelque façon fur leur ruine plufieurs Généraux, entr'autres Tçao-y quitterent le fervice de Lieou - tçong pour s'attacher à Che-le. D'un autre côté les Tartares Topa devenoient formidables dans la Tartarie: ils firent la conquête de tous ces vaftes pays, qui font depuis la mer Orientale jufqu'à la riviere d'Ili dans le pays des Ou-siun par-delà l'Irtifch. L'accroiffement de ces deux nouveaux Royaumes annonçoit la ruine prochaine de celui des Han, bien plus que les phénomenes qui arriverent alors, & que les Chinois regarderent comme d'un mauvais augure. Une pluye de fang qui tomba dans les environs de Pim- yam & la mort d'un des fils de Lieou-tçong nommé Yo, dont le Spe&re fembloit fe préfenter continuellement à fes yeux, effrayerent ce Prince. Il tomba dans un abbattement qui lui fit connoître qu'il n'avoit que peu de tems à vivre; il fit venir en fa préfence fon autre fils Lieou-tçan, qui jufques alors avoit été chargé de l'adminiftration des affai

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