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de ce que l'Empereur & fes fujets abandonnoient la vertu dont leurs ancêtres leur avoient laiffé de fi beaux models. Ces anciens Chinois étoient perfuadés que la conduite de leur Monarque contribuoit beaucoup au bonheur ou au malheur de l'Empire, & les Princes qui avoient adopté ces maximes ne trouvoient leur bonheur & celui de leurs fujets que dans la pratique de la vertu. Depuis le regne de Y- vam les Huns ne cefferent de faire des courses. Un autre Empereur auffi nommé Y-vam (a) les chaffa des environs de Ta-yuen - fou où ils s'étoient établis, & leur enleva un grand nombre de chevaux; mais un fi foible fuccès n'étoit pas capable de dédommager les Chinois 'des pertes que ces barbares leur faifoient souffrir depuis long-tems.

Prefque tous les Empereurs de la Chine, depuis les regne de Tchim-vam (b) & de Kam-vam (c) s'étoient livrés à la débauche. Ils étoient devenus cruels; les peuples les avoient imités, & la vertu bannie de l'Empire, le laissoit exposé aux incurfions des Huns. Ces Barbares n'y entrerent que pour y exercer toutes fortes de brigandages, défoler fes Provinces & s'en retourner chargés de butin dans la Tartarie. Lorfque Siuen-vam fut monté fur Thrône., il rétablit le bon ordre, & arrêta cette Nation qui avoit pénétré fort avant dans l'Empire. Le Général chargé de cette expédition remporta de grands avantages fur les Barbares, & les Poëtes du tems fe font empreffés de mettre en vers le récit de fes belles actions. Mais nous paffons légerement fur tous ces événemens qui ne font qu'indiqués dans les Annales.

La Chine étoit alors dans ces tems malheureux où l'autorité du Souverain, méprifée & prefque annéantie, ne pouvoit reprimer les Auteurs d'une guerre civile qui défoloit l'Empire & les peuples. Les Provinces étoient devenues la proye de plufieurs petits Tyrans qui s'y étoient établis. L'origine de tous ces défordres venoit de plus

(a) Mort l'an 879 avant J. C.. (b) Mort l'an 1079. avant J. C.

(c) Mort l'an 1053. avant J. C.

C

loin, & il la faut rechercher dans le tems même de l'établif fement de la Dynaftie qui regnoit alors, c'est-à-dire celle de Tcheou. Ven-vam & fon fils Vou-vam, (a) qui en font les Fondateurs, confulterent moins leur propre intérêt & celui de leurs Succeffeurs qu'une reconnoiffance indiscrette & fans borne. Pour monter fur le Thrône & chaffer la Dynastie de Cham, ils avoient eu befoin du fecours de plufieurs braves Officiers dont il falloit récompenfer les fervices. Ils leur diftribuerent les Provinces de l'Empire à titre d'Appanages & de Fiefs. Sous les regnes fuivans,les Defcendans de ces petits Princes tributaires ne voulurent plus reconnoître l'autorité Impériale, & de vaffaux qu'ils étoient ils entreprirent de fe rendre abfolus dans leurs Provinces: l'Empereur ne fut plus qu'un phantôme fans pouvoir, & fouvent obligé de fuivre les caprices de ces Tyrans. Telle fut la premiere cause des malheurs de la Chine. Mais il en exiftoit encore une autre, & celle-ci eft la principale ; c'est la mauvaise conduite des Empereurs eux-mêmes. Les vices & la débauche avoient fuccédé à la pratique de la vertu, difent les Chinois; ces Monarques ne connoiffoient plus les fages maximes de leurs ancêtres; les Grands, auxquels une pareille conduite eft prefque toujours avantageufe, en profiterent; mais une fois affermis, ils oublierent qu'ils ne devoient leur puissance qu'à la foibleffe de l'Empereur. Ils devinrent ambitieux, fe firent la guerre les uns aux autres; alors les Etrangers & principalement les Huns, qui ne pouvoient trouver un tems plus favorable pour s'enrichir aux dépens de la Chine, recommencerent leurs incurfions. Sous le regne d'Ouon-vam (b) Empereur des Tcheou, ils pénétrerent tum-kao jufques dans le Royaume de Tey qui eft fitué dans la Lie-tai-ki- Province de Chantong. Le Roi de Tçy, aidé des troupes d'un autre petit Royaume voifin, deffit les Huns, & fit prifonniers deux de leurs Chefs. Sous Hoei-vam (c) ils entrerent dans le Royaume de Yen, aujourd'hui la (c) Mort l'an 652. avant J. C.

Kam-mo.

Ven-bien

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(a) Mort l'an 1116. avant J. C.
(b) Mort l'an 697. avant J. C.

Province de Petcheli; mais le Roi de cette contrée, qui avoit été fecouru par les troupes de Ouon-kum Roi de Tcy les chaffa & mit fes États à couvert.

Prefque tous les regnes de ces Empereurs font marqués Ven-bienpar les courfes des Huns; mais quelque fréquentes qu'el, tum kao. les ayent été, elles font fi peu détaillées dans le petit nombre de monuments qui nous reftent, & ces évenemens font si peu intéreffants par eux-mêmes, que je crois devoir me transporter tout d'un coup au tems où l'Hiftoire commence à entrer dans de plus grands détails; c'est-à-dire, à ces tems fâcheux où les Chinois,fatigués par les fréquentes incurfions des Huns, prirent la réfolution de conftruire ce fameux boulevart dont on a tant parlé, & l'on que peut regarder comme une des merveilles du monde. C'eft de la grande muraille de la Chine dont il s'agit. On en a fait honneur à Chi-hoam-ti (a) qui réduisit fous fa puiffance ceux de ces petits Royaumes qui s'étoient maintenus jufques à fon tems; mais ce Prince, tout grand qu'il ait été,n'en eft point entiérement l'auteur. Avant lui un Roi de Tchao, après avoir fait une incurfion dans le Nord & repouffé les Huns, Ven-bienavoit fait conftruire une muraille le long des frontiéres tum-kaoSeptentrionales de fes Etats, afin d'empêcher que les Su-ki Barbares y pénétraffent : elle commençoit au Royaume de Tai aujourd'hui Ta-tum-fou dans la Province de Chanfi; elle cotoyoit la montagne In-chan & s'étendoit vers l'Occident jufques à Kao-kouon, éloigné de Ta-tum-fou de quatre cent vingt lis vers le Nord-oueft. Le Roi de Yen, dont le Général avoit furpris & défait les Tartares Orientaux en avoit auffi bâti une semblable depuis Tcao-yam Sfu-ki. dans le pays appellé aujourd'hui Pao-gan-tcheou jusques à Siam-pim dans le Leao-tong,

Kam-mo.

Han-chou.

De tous les Royaumes qui depuis longtems partageoient Suki. la Chine, fept fubfiftoient encore : & de ceux-ci trois confinoient aux frontières des Huns. Ils portoient le nom de Yen, fitué dans la Province de Peking, de Tchao dans la Province de Chanfy & les environs, & enfin de Tfin dans la Province de Chenfy. Ce dernier qui étoit le plus

(a) Mort l'an 110. avant J. C.

Sfu-ki.
Kam-mo.

Sfu-ki.

Kam-mo. Ven-bientum-kao.

L'an 210.
Teou-man

puiffant, fubjugua tous les autres, & la Chine, délivrée de la tyrannie, fous laquelle elle gémiffoit depuis plus de huit cens ans, fut gouvernée par un feul Monarque qui prit le titre de Hoam-ti; c'eft-à-dire, Augufte, Empereur. Jufqu'alors ces Princes s'étoient bornés au fimple titre de Vam ou de Roi.

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Après que Chi-hoam-ti eut pacifié l'Empire, il songea à le garantir des incurfions des Huns. Il envoya contre eux à cet effet un de ses Généraux appellé Mum-tien (a) à la tête de trois cens mille hommes. Les Chinois reprirent dans cette expédition tout le pays d'Ortoús (b), & les Huns furent obligés de se retirer plus au Nord. Mais pour empêcher qu'ils ne rentraffent dans le pays dont on venoit de les chaffer, l'Empereur Chinois fit conftruire fur les bords du fleuve Hoam,quarante-quatre villes fortifiées de bonnes murailles, & de fortes garnifons: il fit garder avec foin tous les défilés & les endroits par lefquels on pouvoit entrer. Enfuite, à l'imitation des Rois de Tchao & de Yen, il fit élever une grande muraille qui commençoit à Min-tcheou, ville du district de Lin-tao-fou dans la Province de Chenfy. Elle couvroit toute cette Province & alloit rejoindre les deux murailles que les Tchao & les Yen avoient fait conftruire, ce qui formoit une vafte muraille qui fe terminoit dans le Leao-tong. En même tems le Général Chinois fe campa dans la Province de Cham, aujourd'hui, Yen-gan-fou dans le Chenfy, pour être plus à portée de repouffer les Huns en cas d'invasion.

Ces Peuples avoient alors pour Empereur un Prince Avant J.C. nommé Teou-man, qui, contraint de céder aux grandes armées des Chinois, s'étoit retiré plus au Nord où il étoit refté pendant environ dix ans. Après la mort de l'Empereur Chi-hoam-ti & celle du Général Mum-tien arrivée dans le même tems, la Chine fut expofée à de nouveaux troubles. Les Grands de l'Empire fe revolterent contre le nou

Sfu-ki.
Kam-mo.
Ven-bien-

tum-kao.
Lic-tai-ki-

Su.

(a) Le Sfu ki ne met que cent mille hommes.

(b) Il portoit alors le nom de Ho nan c'eft-à-dire, qui eft au midi du ficuve

Hoam-ho.Il ne faut pas le confondre avec la Province de Honan fituée au midi du Petcheli, quoi que ces noms foient écrits de la même façon.

l'an 210. Tcou-man

vel Empereur; toutes les garnifons, qui avoient été mifes fur les frontiéres abandonnerent leurs poftes : les Huns Avant J. C. repasserent le Hoam (a), rentrerent dans le pays d'Ortous & reprirent tout ce qu'ils poffedoient avant qu'ils euffent été chaffés par les Tsin.

Su-ki

C'est à cette époque que les Chinois commencent à nous donner des détails plus exacts & plus circonftanciés fur l'hiftoire des Huns, & Teou-man eft le premier Empereur de cette Nation dont le nom foit parvenu jufques à nous. On prétend qu'il tiroit fon origine d'un Prince Chinois, Ven-biennommé Chun-goei (b) de la famille Imperiale de Hia, qui tum-kao. s'étoit retiré dans la Tartarie (c). On n'a aucune connoif- Han-choui fance de ses fucceffeurs jufqu'à Teou-man, qui, felon le rapport des Historiens, regnoit mille ans après. Ainfi l'époque de l'établissement de l'Empire des Huns doit être remonté jufques vers l'an douze cens trente avant J. C. Je dis environ, parce qu'on ignore combien Teou-man a regné, & que les Chinois femblent n'indiquer que d'une maniere trop générale le nombre des années qui se sont écoulées entre ces deux Princes.

Quoi qu'il en foit, Teou-man avoit un fils aîné auquel

(4) Hoam grand fleuve de la Chine qui prend fa fource à l'Occident de la Province de Chanfy remonte vers le Nord, entre dans la Tartarie, puis defcendant au midi, traverse enfuite la Chine & va fe jetter dans la mer Orientale. Les anciens Chinois croyoient qu'il tiroit fon origine des montagnes qui font à l'Ouest de Khoten dans la petite Bukharie, qu'il traverfoit le lac de Lop où il fe perdoit fous terre, & qu'enfuite il reparoiffoit à quelque diftance de-là, formoit le Hoamho; c'est-à-dire, le Fleuve Jaune ou bourbeux. Les Tartares le nomment Caramouran ou le Fleuve noir, & Marc-Paul, Cara-moran.

(b) Parmi les Fondateurs de l'Empire Turc l'Hiftorien Beidawi nomme Dibbacaoui defcendu de Turk, fils de Japhet; d'un autre côté les Chinois font remonter l'origine des Huns jufques à la Dymaftic de H.a par Chun-goci qui defcen

doit de l'Empereur Yu, Fondateur de
cette Dynaftic. Yu étoit encore appellé
Ta-yu ou Ta-yu-heou. Je ferois fort
porté à croire que Dibba - caoui n'est
qu'une altération de ce dernier. Au lieu
du D les Chinois fe fervent du T, L'Y &
le B chez les Tartares font fouvent em-
ployés l'un pour l'autre, comme dans
Yefou - kai ou Bifou-kai & l'H afpiré
fortement devient un K. Ainfi Ta-yu-
heou fait Da-bou - keou. Peu différent
dans le fond de Debbacaoui ou Dibba-
coui. Dans les manufcrits Perfans ce mot
étoit écrit fans les points voyelles, &
par conféquent le véritable fon a dû être
ignoré. Dabbou kou ou Dibba-cou étant
écrits avec les mêmes confonnes font le
même mot. Ainfi l'Hiftorien Perfan fe
trouveroit conforme aux annales Chi-
noises.

(c) Aprèsla deftruction de la Dynastic
de Hia arrivée l'an 1122 avant J. C.

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