L'an 335: . teur de ma Loy doit être comme un homme environné Après J.C. de plantes déséchées auxquelles le feu prend. Il est perdu s'il ne se retire promptement : tels sont nos desirs qui Che-hou. nous entraînent vers notre perte , si nous les écoutons ; c'est envain que l'on coupe ses membres si le cæur est corrompu. Les passions produisent le chagrin , du chagrin naît la crainte ; que deviennent les chagrins & la crainte si l'on étouffe ses passions? Celui , dit Fo, qui observe ma Loi ressemble à un homme armé de sa cuirasse qui va se battre contre dix mille autres : où il est timide & revient sur ses pas. S'il s'avance, ou il est tué, ou il est victorieux. Le Samanéen doit s'avancer avec courage dans la perfection de soi-même & dans l'observation de ma Loy, tous les démons ne pourront l'arrêter. Fo demanda ce que faisoit un Samanéen qui avoit lû pendant la nuit le livre de Kia-ki (a), & qui , en examinant ses fautes, se proposoit de n'y plus retomber. Je me divertissois à toucher d'un instrument., répondit le Samanéen. Les cordes qui étoient trop laches ne raisonnoient pas , celles qui étoient trop tendues avoient un son entre-coupé , & celles qui étoient dans une juste proportion produisoient une grande & belle harmonie. Tel est, dit Fo, le Samanéen qui étudie ma Loi. Il doit toujours tenir un juste milieu. Š’il presse trop , le corps l'intérieur est dans le trouble, alors les bonnes æuvres s'évanouissent. Celui qui n'embrasse pas ma Loi & qui meurt en cet état, est obligé de revenir parmi les hommes après sa mort, jusqu'à ce qu'il la connoisse , qu'il l'observe & qu'il soit enfin devenu un parfait Samanéen. Ceux de mes disciples qui sont très - éloignés de moi, s'ils méditent sur mes préceptes , & s'ils les observent ; ils parviendront à la Loi. Ceux au-contraire qui sont avec moi , & qui ne l'observent point, ne sont point mes disciples. Fo (a) C'est un ancien Philosophe qui a fait un ouvrage appellé Goci-kiao-king. se fatigue, Fo demanda à un Samanéen en quoi consistoit la vie ? Dans le boire & le manger, répondit le Samanéen; Fo Après I. C. lui dit, vous n'avez pas encore pénétré la Loi. Ensuite Che-hou. se tournant vers un autre auquel il fit la même demande, & qui lui répondit que la vie étoit dans la respiration ; vous connoissez ma Loi, dit Fo. Celui qui étudie les préceptes de Fo& qui les observe , ressemble à un homme qui mange du miel. Il ne respire que la douceur. Si le Samanéen qui observe ma Loi ne tourmente pas son corps comme celui d'un bæuf, il ne parvient jamais à former son cœur. Si la Loi le formoit d'elle-même, il ne seroit pas nécessaire de l'observer. Le Samanéen est comme un bouf qui marche au milieu des boues, accablé sous le poids d'un pesant fardeau. Il ne doit s'arrêter pour porter sa vûe à droite ou à gauche, qu'après avoir franchi ce passage dangereux. Les passions sont un étang de boue , & il ne faut chercher le repos qu'après en être sorti. Les Rois & les Princes ne sont à mes yeux qu'une vile poussiere qui s'échape à travers la plus petite ouverture l'or & les perles que des morceaux de vases de terres brisés ; l'univers entier qu’un atôme; la création de l'uvers qui a été tiré du néant, que le simple changement d'une chose en une autre. Je compare les extases d'un Samanéen à l'immobilité du mont Siu-mi (a), & la Loi de Fo à la prunelle de l'oeil. J'ai crû devoir rapporter ici la plus grande partie de cet ouvrage qui est la base de toute la religion des Samanéens. Ceux qui jetteront les yeux dessus, n'y trouveront qu'un Christianisme tel que les Hérésiarques chrétiens du premier siécle l'enseignoient , après y avoir mêlé les idées de Pythagore sur la métempsycose , & quelques autres principes puisés dans l'Inde. Ce livre même pourroit être du nombre de ces faux évangiles qui couroient alors ; tous les préceptes que Fo donne , à l'exception de quel (a) C'est la montagne que les Indiens appellent Smerou. Tome I, Gg L'ao 335. Après J.c. ques idées particulieres, semblent tirés de l'Evangile ; je suis d'autant plus porté à soutenir ce sentiment que dans Che hou. l'Histoire Chinoise Jesus-Christ est appellé Fo (a), ou plû tôt que Fo est le nom que les anciens Chinois (donnoient Quoiqu'il en soit, on trouve aujourd'hui peu de ces que des for- Cette religion Indienne est encore célébre parmi les (a) Je l'ai prouvé dans une disserta- reurs de ces peuples alloient dans des La premiere dignité après celle de grand - Lama est celle des Houtouctous que les Chinois nomment Ho-fo, Après J.C. c'est-à-dire Fo-vivant. Ils sont dispersés en plusieurs en- Che-hou. droits de la Tartarie , où ils exercent presque le même pouvoir que leur chef. Ces titres sont fort recherchés parce qu'ils donnent de grands priviléges , & qu'ils infpirent aux peuples une grande vénération pour ceux qui en sont revêtus. Après eux vient la foule de Lamas , ou des prêtres ordinaires qui sont tous fort ignorans ; mais le peuple encore plus ignorant qu'eux, les revere comme des hommes qui peuvent faire tomber à leur gré la grêle & la pluye. Ils recitent quelques prieres, donnent une espéce d'absolution des fautes ; quelques-uns s'appliquent à la médecine, mais tous font fort débauchés. Ils prient en commun , & possédent des terres qui dépendent de leurs temples. Ils ne pensent pas à l'égard de la métempsychose que les ames des hommes passent dans les corps des animaux, mais toujours dans ceux des hommes , & cela afin d'avoir la liberté de manger de la chair. On voit par-là que, plus les Samanéens se sont éloignés du lieu de leur origine , plus ils se font écartés des principes de leur fondateur. Les mæurs des peuples auxquels ils ont enseigné leur religion y ont apporté de grands changemens , & ces Samanéens se font attachés plus particulierement à certains dogmes & à certaines pratiques religieuses qu'ils ont jugé convenir davantage au caractere des peuples chez lesquels ils vivoient. Cette religion paroît n'avoir été introduite dans la Chine que sous le regne de Mim-ti Empereur des Han l'an chou. soixante-cinq de Jesus-Christ . Ce Prince informé que les Kam-mo, peuples d'Occident adoroient une divinité appellée Fo , envoya dans l'Inde qui étoit alors fréquentée par les peuples d'Occident & par conséquent par les Chrétiens, des personnes chargés d'apporter les livres de cette religion. Ils amenerent avec eux quelques Bonzes , entr’autres Mo-tem & Tço-fa-lan, qui traduisirent en Chinois l'ouvrage de leur fo. Cette nouvelle religion fut reçue avec quelque empressement , & elle trouya dans les Chinois plusieurs Heou-hari Icin chou, zelés défenseurs. Mais après ce premier mouvement, elle Après J. C. L'an 335. y languit jusqu'au tems que Che-le, dont je vient de décrire Che-hou. l'Histoire, se déclara en sa faveur. Vers l'an 310 il étcit arrivé de l'Inde à Lo-yam un Bonze nommé Fo-tou-tching, qui doit être regardé comme un des plus grands fourbes de son tems , & que l'on pourroit comparer à Apollonius de Thyanes. Imbus l'un & l'autre de la même do&trine qu'ils avoient puisée en partie dans l'Inde, ils publierent chacun de leur côté les mêmes extravagances , & trouverent des hommes assez crédules pour y ajouter foi. Le Bonze ou le Samanéen Fo-tou-tching s'annonça à Lo-yam comme un homme singulier qui avoit déja vécu plusieurs centaines d'années, qui avoit un commerce avec les esprits & qui pouvoit faire des miracles. Il fit plusieurs de ses preftiges devant Che-le & mérita par-là sa confiance, ou plûtôt il lui inspira de la crainte. Les Bonzes Tao-fu s'opposerent inutilement aux progrès qu'il faisoit dans l'esprit du Prince & des peuples. Les vents , les pluyes, les orages , la grêle obéissoient à ses ordres ; mais ce qu'on attribue de plus merveilleux à ce fourbe, c'est la résurrection d'un mort. Che-le venoit de perdre un fils qu'il aimait beaucoup, & on alloit mettre ce jeune Prince dans le cercueil, lorfque le Samanéen répendit de l'eau sur lui, prononça quelques paroles , & le prenant ensuite par la main , lui dit: levez-vous : aussi-tôt le mort ressuscita. Lorsque Che-hou fut parvenu au thrône, il n'eut pas moins de respect & d'attachement que Che-le pour la religion de Fo & pour ceux qui l'enseignoient. Tous les peuples se rendoient en foule dans les temples, se rasoient & quittoient leurs familles pour se faire Sámanéens. Ces hommes , détachés de tout ce qu'ils devoient à leurs parens & à l'Etat même, s'éloignoient du monde ,'ne vivoient que des aumônes qu'on leur faisoit , & sous prétexte de parvenir à un haut degré de perfection , passoient leur vie dans une oisiveté que gouvernement Chinois ne veut point tolerer , parce qu'ils la regardent comme à charge aux autres sujets. » Oublier fon Prince & fes parents, aban» donner sa femme & ses enfans, disoient les Ministres Chi le |