HISTOIRE GÉNÉRALE DES HUNS LIVRE QUATRIÉME. I. LES HUNS OCCIDENTAUX. Na vû dans le premier livre de cette Hif- Jesus - Chrift & qu'il ne fubfiftoit plus dans la Tartarie que celui qui avoit été fondé par les Huns Méridionaux. La plus grande partie des Huns du Nord, après avoir été chassés de ces vastes pays qui sont situés direc tement au nord de la Chine, avoient été obligés de s'éloigner d'avantage du côté de l'occident, où ils forme Après J. C. rent un nouvel Empire qui fut gouverné par des Tanjou; mais nous ignorons leurs noms & la durée de leurs regnes. Les Hiftoriens Chinois, moins à portée de les connoître alors, ne nous ont confervé que quelques événemens détachés dont on ne peut former une chaîne suivie, mais fuffifans pour ne nous point faire perdre de vûe cette nation; & nous faire appercevoir combien elle étoit devenue puifsante dans les contrées voisines de l'Europe, c'est-à-dire dans les pays qui font arrofés par le Volga, auxquels on a donné le nom de grande Hongrie. De - là les Huns s'étendoient vers les pays plus Méridionaux, dans les plaines du Kaptchaq, & jusqu'à la ville de Kaschgar. Les monumens ne nous apprennent point s'ils ont pénétré dans le Nord, c'est-à-dire dans la Russie & les autres contrées voisines. On auroit lieu de le soupçonner, si l'on fait reflexion qu'un peuple aussi remuant & aussi naturellement porté au brigandage que l'étoient les Huns, laisse rarement ses voisins dans le repos. Mais reprenons la fuite de l'Histoire. L'an 91. Ven-hientum-kao. Après que le Tanjou des Huns du Nord eut été vaincu par le Général Chinois Teou - hien , ce Prince passa la montagne Kin-vi qui est proche la riviere d'Irtifch, traversa tout le pays de Kam-kiu ou de Kang-li, & fe retira avec un grand nombre de ses sujets dans une contrée nommée Yue-pan, que l'on appella dans la fuite & en conséquence de cet établissement des Huns, le Royaume du Tanjou. Suivant les Géographes Chinois, le pays de Kam-kiu étoit situé au Nord du Jaxartes & comprenoit une grande partie du Kaptchaq. Le Yue-pan qu'ils placent Rubinquis. au Nord est situé vers le pays d'Oufa & des Baschkirs, auquel les Historiens d'Occident ont donné le nom de Grande Hongrie, parce qu'ils prétendent que les Huns en font fortis. Ici le récit des Ecrivains Chinois confirme cette tradition & fournit un témoignage authentique de l'établissement des Huns dans le voisinage de l'Europe. Ces Huns cantonnés alors vers les sources de la riviere de Jaïck firent des conquêtes du côté de l'Occident, se rendirent maîtres d'un pays appellé Yen-tçai qui est situé sur les frontieres du Ta-tsin, c'est ainsi que les Chinois nomment l'Empire Romain, & tuerent le Roi de ce pays qui appartenoit aux Alanna, les mêmes que les Alains. Ces derniers peuples n'avoient pas toujours demeuré dans l'endroit où nous les voyons alors. Ils venoient de plus loin, & je crois devoir rapporter la cause de leur irruption du côté du midi à l'établissement que les Huns avoient fait autrefois pendant les troubles occasionnés par le Tanjou Tchi-tchi dans les pays situés aux environs & à l'Est de Tobolsk. Après J. C. Lie tai-ki Les Alains (a) demeuroient anciennement bien plus Ptolémées avant dans le Nord, au-dessus des sources du Jaïck, & à peu près vers le pays d'Oufa & de Solamskoi; tous ces pays & même celui de Tobolsk capitale de la Siberie, se trouvoient alors sous la domination du Tanjou Tchi- Kam-mo. tchi. Les Alains ainsi nommés du mot Alin qui signifie the montagne, parce qu'ils demeuroient dans des montagnes, passerent alors plus au midi, dans les plaines qui font situées au nord de la Circaffie & de Derbend. Vers l'an Joseph de foixante treize de Jesus - Christ, on les voit faire allian- Bel jud. ce avec le Roi d'Hircanie, & se proposer d'entrer par le détroit de Derbend dans la Medie, ce qu'ils exécuterent, Pacor Roi des Parthes, n'ayant ofé les arrêter à leur pafsage. Vers l'an cent trente-quatre, sous le regne d'Adrien, ils y entrerent de nouveau & en furent chaffés par Arrien. Dans la suite ils oferent tenter des courses du côté de l'occident. Gordien les rencontra dans les campagnes de Philippes en Macédoine, & fut défait par ces Barbares. La puissance des Alains devint si formidable , qu'un grand nombre de peuples voisins qu'ils avoient foumis, prirent leur nom & furent confondus avec eux. Tels font ses Neuri, les Vidini, les Gelons, les Agathyrses & plu- Ammiem fieurs autres. Ils s'étendoient depuis les plaines de la Sar- Marcel. 1.38 matie, & les Palus Méotides jusqu'aux montagnes voisi (a) Il y a dans le Turkestan une ville nommé Alan dont quelques Auteurs prétendent que les Alains font fortis. Mais le sentiment de Ptolémée que j'adopte ici me paroît préférable. : tum-kao. Ammien Marcel. Après J. C. nes de l'Inde & des sources du Ganges, c'est-à-dire que l'on donnoit à ces différens peuples le nom d'Alains. C'est probablement pour la même raison, & parce qu'ils haVen-hien- bitoient les uns & les autres dans le même pays, & qu'ils avoient entr'eux beaucoup de ressemblance, que les Chinois ont regardé les Alains comme des Huns. Ces peuples vivoient en effet sous des tentes qu'ils transportoient, comme les Huns, dans les endroits qu'ils jugeoient les plus propres à la nourriture de leurs troupeaux. C'étoit en quoi consistoient toutes leurs richesses, ils en mangeoient. la chair, & en bûvoient le lait. Sous ces tentes demeuroient les femmes, les enfans & les vieillards, pendant que ceux qui étoient en état de porter les armes alloient faire des courses chez les peuples voisins. Ils faifoient de la guerre leur plus grande occupation, ils y mettoient toute leur gloire, & pour cela ils s'accoutumoient dès l'enfance à monter à cheval. Il étoit honteux de vieillir & de mourir paisiblement dans sa famille. Heureux celui qui expiroit dans les combats, après avoir tué de fa main plusieurs ennemis, leur avoir coupé la tête & arraché la chevelure pour en faire des ornemens aux chevaux. Tout cruels que ces peuples nous paroissent, Ammien les trouve plus doux, mieux faits, plus grands & plus légers que les Huns. Un fabre nud planté en terre, & auquel ils rendoient quelques respects faisoit toute leur religion. Avec des baguettes ils prétendoient annoncer l'avenir & juger des événemens. Les Alains étoient donc des peuples Nomades comme les autres Tartares, & à la figure près ils ressembloient parfaitement aux Huns, dont peut-être ils étoient en partie descendus, puisqu'il devoit y avoir parmi eux un grand nombre de Hordes de cette nation, telles que celles qui avoient suivi le parti de Tchi-tchi, ou d'autres qui en différens tems ont abandonné le gros de la nation. Mais A l'on étend, comme Ammien, le pays des Alains jusqu'au nord de l'Inde, les Huns devoient en former la plus grande partie & être confondus avec eux, & c'est au commerce que ces Alains avoient avec les nations occidentales qu'il faut attribuer attribuer la différence que l'Historien Romain remarque entre ces deux peuples. Quoiqu'il en soit, les Huns éta- Après J. C. blis dans le pays des Basckhirs descendirent eux-mêmes dans les contrées plus Méridionales, & pafferent dans le Yen-tçai autrement la Sarmatie Asiatique, où ils trouverent les Alains qu'ils défirent. Le Nain de Cette nouvelle irruption fut cause que les Alains entreprirent de chercher d'autres habitations. Les uns s'enfoncerent dans les montagnes de la Circassie où ils se font maintenus jusqu'à présent, les autres passerent du côté de l'occident, & errerent pendant long-tems avant que d'avoir pû se fixer. Ils s'établirent aux environs du Zof. 1. 6. Danube, d'où vers l'an quatre cens fix de Jesus-Chrift, Profp.Chr. avec les Sueves & les Vandales, ils vinrent ravager la Tillem. Germanie, traverserent la Belgique & fe rendirent au pied des Monts Pyrenées. N'ayant pû franchir cette chaîne de montagnes, ils se répandirent dans toute la Gaule, où profitant de la foiblesse des Empereurs Romains, ils pillerent plusieurs villes. L'an 409, la révolte de ceux à qui l'on avoit confié la garde des passages qui sont dans les Pyrenées donna aux Alains une entrée libre en Espagne, & ils y firent beaucoup de ravages. Ils s'y fixerent l'an 411, & partagerent entr'eux ces riches Provinces. Les Vandales & les Sueves occuperent la Galice & la Bétique; les Alains la Lufitanie & la province de Carthagene; mais il en étoit reîté un grand nombre dans les Gaules, & particulierement dans la Normandie & dans la Bretagne. C'est ainsi que du fond du nord & des environs de Tobolsk on voit arriver un peuple qui traverse en plusieurs fiécles, & d'une maniere presque insensible , une vaste étendue de pays, & s'arrête fur les bords de la mer Méditerranée & de l'Océan, dans des climats contraires à ceux qu'il habitoit anciennement. Les Huns firent encore un plus grand trajet. Du nord de la Chine, ils s'avancerent jusques dans la Germanie, les Gaules & l'Italie. Mais comme cette nation étoit très - nombreuse , toutes les Hordes ou Tribus dont elle étoit composée ne formerent pas de si grandes ni de si pénibles entreprises; plusieurs Tome I. Nn |