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Après J. C.

Jornandes.

Marcel.

chron.

nople:dans toute cette étendue de pays il n'y eut que les deux villes d'Andrinople & d'Heraclée ou l'ancienne Perinthe, qui ne tomberent pas fous fa domination. On prétend qu'il y eut au moins foixante-dix villes qui furent expofées aux ravages de ces Barbares. Théodofe abandonné des Romains occidentaux ne put que foiblement les arrêter. Il leur oppofa les Généraux Afpar, Arcobinde & Chron. Alex. Argalifcle ou Arnegifcle; ce dernier attaqua Attila dans la Dace inférieure; mais malgré tout le courage qu'il fit paroître dans cette occafion, malgré le grand carnage qu'il fit des ennemis, il fut tué & laiffa la victoire à Attila. Les Romains ne furent pas plus heureux dans un autre combat qui fe donna dans Querfonefe proche la ville de Gallipoli, & Théodofe fe vit dans la néceffité de faire une L'an 449. paix honteufe avec les Huns. Elle fut conclue par l'entremife d'Anatolius, à condition que les Romains remettroient aux Huns les transfuges, donneroient fix mille livres d'or pour les anciens tributs qui n'avoient pas été payés, & continueroient d'en donner chaque année mille ou même deux milles, qu'ils payeroient douze piéces d'or pour chaque prifonnier Romain qui étoit rentré dans I'Empire fans rançon, finon qu'ils feroient obligés de le rendre, & enfin qu'ils ne pourroient donner retraite à aucun transfuge de la nation des Huns.

Prifcus.

Théodofe fut obligé d'envoyer les fommes exigées par Attila avec les transfuges, dont plufieurs aimerent mieux fe laiffer égorger par les Romains que de retourner chez les Huns. Il n'y eut que la feule ville d'Afemonte qui montra quelque fermeté dans cette occafion. Attila qui n'avoit pû la prendre, vouloit que fes habitans lui remiffent les transfuges qui étoient dans le Château ; mais ils réfifterent au barbare & n'exécuterent point fes ordres. On ne laiffa pas de conclure la paix, fans cependant être entierement d'accord fur les limites qui devoient féparer les deux Empires. Attila prétendoit garder toutes fes conquêtes depuis la Pannonie jufqu'à Noves en Thrace, & jufqu'à Naïffe, mais il se défifta dans la fuite de fes pré

tentions.

Après J. C.

Ce Prince fe conduifoit à l'égard des Romains de la même façon que les anciens Tanjou s'étoient comportés à L'an 449. l'égard des Chinois, & c'étoit dans les mêmes vûes que fous différens prétextes il envoyoit des Ambaffadeurs à Théodofe. Il choififfoit ordinairement ceux de fes offi- Prifcus. ciers qu'il vouloit enrichir, parce que les Romains, qui appréhendoient toujours qu'il ne vint les attaquer, leur faifoient de grandes largeffes. Dans une de ces Ambaffades, auffi inutiles que couteufes aux Romains, Chryfaphius trouva le moyen de corrompre Edecon qui confentit à affaffiner Attila fon maitre ; & Théodofe ennuyé de voir fes tréfors s épuifer pour achetter la paix de ce barbare, accepta les offres d'Edécon, & envoya, pour faciliter l'exécution du projet, Vigile & Maximin avec le titre d'Ambaffadeurs. Le premier infruit de la confpiration devoit fe concerter avec Edécon, pendant que Maximin, qui n'en avoit aucune connoiffance, étoit chargé de remettre à Attila les Lettres de Théodofe. Elles contenoient des reproches de ce que les Huns malgré les traités n'avoient point ceffé d'envahir les terres de l'Empire. On renvoyoit en même-tems dix-fept transfuges. Je ne négligerai point de rapporter ici tout le détail de cette, ambaffade, parce qu'il nous apprend plufieurs particularités intéreffantes fur les mœurs & les ufages des Huns.

Après que les Ambaffadeurs eurent paffé les villes de Prifcus. Sardique & de Naiffe, & qu'ils eurent traversé le Danube, ils s'arrêterent dans les plaines qui font fituées au nord de ce fleuve, en attendant les ordres d'Attila qu'Edécon étoit allé avertir. Conduits enfuite vers ce Prince, qui habitoit fous des tentes, on vint leur demander le fujet de leur miffion. Ils répondirent qu'ils avoient des ordres précis de ne traiter qu'avec Attila. Mais quelle fut leur furprise lorfqu'ils ne virent plus revenir Edécon, & que les Huns étoient informés de leurs inftructions. Maximin embaraffé ne voulut cependant parler qu'en préfence d'Attila. On ordonna aux Romains de partir, & ils fe difpofoient à le faire, lorfque Vigile, qui avoit des ordres fecrets qu'il vouloit éxécuter, prétendit qu'il falloit en

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impofer aux Huns; il ignoroit qu'Edécon eut révelé la confpiration.

Comme les Romains fe mettoient en marche pour reprendre le chemin de Conftantinople, Attila leur permit de refter, à caufe de la mauvaise faifon, & leur fit donner un boeuf & quelques poiffons. Mais le lendemain ils eurent ordre, puifqu'ils n'avoient rien à dire, de s'en retourner. Vigile s'obstinoit toujours à vouloir que l'on fit entendre qu'ils étoient chargés de pouvoirs, & Maximin qui ne pénétroit pas fes deffeins, ne fongeoit uniquement qu'à partir. Alors Prifcus accompagné d'un Interprête alla trouver un officier nommé Scotta, auquel il offrit des préfens confidérables, s'il faifoit parvenir les Romains jufqu'à Attila. Scotta le promit & réuffit. Les Ambaffadeurs furent conduits à la tente d'Attila, qu'ils trouverent affis fur un fiége de bois. Maximin lui remit les lettres & les préfens dont il étoit chargé, & Attila lui donna une lifte des transfuges qu'il redemandoit. Enfuite les Romains fe retirerent fous leur tente. Pendant ce tems-là Edécon cherchoit les moyens de tirer de Vigile l'argent qu'on lui avoit promis pour la confpiration, & Vigile de fon côté, inquiet fur la maniere dont il avoit été reçu, appréhendoit que tout n'eut été découvert.Edécon l'obligea d'aller chercher cet argent. En même tems Attila fe retira dans un bourg plus au nord où il se maria de nouveau; car les Loix de fa nation lui permettoient d'avoir plufieurs femmes. Les Ambaffadeurs Romains le fuivirent & le joignirent après bien des fatigues dans le tems que d'autres Ambaffadeurs venus de la part des Romains d'occident, fe rendoient au même lieu. Tous fe trouverent dans le palais d'Attila. C'étoit un grand bâtiment fait de bois, ou plûtôt une fimple enceinte qui fervoit à renfermer plufieurs tentes fuperbes. Ce Prince s'y étoit rendu quelque tems auparavant & y avoit été reçu par des troupes de jeunes filles qui chantoient en leur langue des odes à fa louange. Les Ambassadeurs furent admis à l'audience. Attila demanda que l'Empereur lui envoyât ou Nomius, ou Anatolius, ou un Sé

nateur

nateur avec le titre d'Ambassadeur, & finit par leur donner un grand feftin. D'abord on leur préfenta à boire à la fanté du Prince; enfuite on les fit affeoir fur des fiéges qui étoient difpofés autour de la tente. Attila étoit au milieu avec fes enfans, & les Grands de fa Cour autour de lui à différentes tables, qui n'avoient chacune que trois ou quatre convives. On fervit différens mêts dans des plats d'or & d'argent. Attila feul revêtu d'habits fort fimples, & qui n'étoient diftingués de ceux des autres que par leur propreté & leur fineffe

ne mangea & ne but que dans des vafes de bois; car il méprifoit tous les ornemens fuperflus. Après le repas deux Scythes chanterent des vers dans lefquels on célébroit fes victoires, & un autre Scythe joua une efpéce de Comédie. Attila étoit toujours férieux & immobile. Il congédia enfuite les Ambaffadeurs, & envoya avec eux Berick vers l'Empereur.

A l'égard de Vigile, il ne fut pas plûtôt de retour à la Cour des Huns qu'il fut arrêté prifonnier, & Attila fit demander par Oreftes & Eflaw que l'on punit Chryfaphius auteur de la confpiration, ce qui obligea Théodofe à faire partir Anatolius & Nomius pour l'appaifer & l'engager à ne pas rompre la paix. Attila se laiffa fléchir par Les préfens qu'on lui fit & promit d'obferver les traités & d'abandonner aux Romains les pays qui étoient situés au midi de l'Ifter. Il rendit Vigile, moyennant une somme de cent livres d'or & plufieurs autres prifonniers fans rançon. Il fit préfent de chevaux & de pelleteries aux Ambaffadeurs & les fit accompagner par un nommé Conftance (a) pour faire ratifier le traité par l'Empereur.

Après J. C.

L'an

Maximin étoit encore à la Cour d'Attila lorfque ce Prifcus. Prince envoya Onefigius dans le pays des Acatzires pour y inftaler fon fils & le faire proclamer Roi. Ces peuples étoient gouvernés alors par plufieurs Princes. Ils habitoient dans la Scythie au nord du Pont-Euxin. Théodose Second, après avoir rétabli la paix parmi eux, fe les

(a) Il doit être différent de celui dont nous avons parlé plus haut ; s'il eft le même, il n'a dû être mis à mort qu'après cette Ambassade.

Tome I.

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L'an 449.

étoit attachés par les libéralités qu'il avoit faites à la plûpart de leurs chefs. Couridac, qui étoit le plus ancien mécontent de ce qu'on ne s'étoit pas adreffé à lui le premier, appella pour s'en vanger Attila, qui fit aussitôt partir les troupes, & fe rendit maître de tout le pays des Acatzires, à la réferve de ce qui appartenoit à Couridac. Après l'expédition, Attila voulut attirer à fa Cour ce dernier on ignore quel étoit fon deffein. Le Prince des Acatzires, plus à portée de le pénétrer, n'ofa s'expofer à faire une démarche qui pouvoit lui couter la vie ou au moins le priver de la liberté, & répondit que s'il étoit impoffible de regarder le Soleil en face, on ne pouvoit à plus forte raison foutenir la vûe du plus grand des Dieux. Cette flatterie le fauva & lui conferva fon pays, pendant que le fils aîné d'Attila prit poffeffion du refte. Ce jeune Prince fe nommoit Ellac, & on prétend que dans ce voyage il fe bleffa à la main en tombant de cheval.

Mais revenons à Conftance qu'Attila avoit envoyé à Conftantinople. Cet Ambaffadeur s'étoit engagé envers Théodofe de maintenir, le plus long-tems qu'il pourroit, la paix entre les deux nations, fi l'Empereur vouloit lui donner en mariage une fille très riche, & Théodofe lui avoit promis celle de Saturnin, qui étoit alors renfermée dans une fortereffe. Mais par un contretems fâcheux, encore plus pour les Romains que pour Conftance, elle fut enlevée par Zenon, Général des troupes de l'orient, qui la remit entre les mains d'un nommé Rufus fon ami. Conftance en porta fes plaintes à Attila, celui-ci en fit des reproches à Maximin, & exigea que l'on donnât à fon Ambaffadeur ou la fille de Saturnin, ou une autre qui fut auffi riche. Il blâma l'Empereur de manquer à la à la promeffe qu'il avoit faite, l'accufa même d'avoir favorifé Zenon, puifqu'il ne l'avoit pas puni. Il ajouta que s'il n'étoit pas affez puiffant pour réduire un fujet rebelle, il lui offroit de le fecourir en cette occafion. Véritablement Théodofe n'avoit pas eu de part à cette action, mais il n'avoit pas affez d'autorité pour ofer châtier Zenon.

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