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Après J. C

Nous avons vû que des Ambaffadeurs des Romains d'occident étoient arrivés à la Cour d'Attila dans le mê- L'an 449. me - tems que ceux de Théodofe. Valentinien les avoit envoyés au fujet de ces vafes facrés que Sylvain avoit pris, & qu'Attila revendiquoit. Les Romains eurent affez de courage dans cette occafion pour résister au barbare. Ils refuferent de lui livrer, & Sylvain & les vases (a). Romule & Promote furent chargés de cette dangereufe affaire. Jamais Attila ne voulut écouter leurs raifons, toutes juftes qu'elles étoient. Il demandoit qu'on lui remit les vafes ou celui qui les avoit pris, & menaçoit de faire la guerre à Valentinien. Au refte il reçut fort bien les Ambaffadeurs; mais il perfifta toujours dans fes demandes.

La mort de Théodofe II. qui furvint dans le mêmetems, fit tourner ce Prince du côté de l'orient. Il envoya L'an 450 des Ambaffadeurs à Marcien qui étoit devenu Empereur, & lui fit demander le payement des tributs. Marcien répondit aux Ambaffadeurs, que fi Attila vouloit être ami des Romains, il en recevroit des préfens; mais que s'il fe déclaroit leur ennemi, on étoit prêt de lui résister. Attila fit de grandes menaces que l'on crut appaiser en envoyant un Ambaffadeur nommé Apollonius. Celui-ci ne fut pas reçu favorablement à la Cour des Huns; on voulut le contraindre à remettre des préfens que l'on fuppofoit que l'Empereur lui avoit donnés Attila, & on le menaça de le faire mourir s'il n'obéïffoit pas. Apollonius répondit avec fermeté qu'il étoit inutile qu'Attila exigeât par la force ce qu'il pouvoit obtenir des Romains en qualité d'ami, ou ce qu'il pouvoit leur enlever en violant le droit des gens.

pour

Attila n'ayant pû rien obtenir ceffa d'inquiéter Marcien, & chercha des prétextes pour porter la guerre dans l'occident. Autrefois la foeur de Valentinien nommée Honoria, lui avoit envoyé fon anneau dans le deffein de l'époufer. Sur ce prétexte il la fit demander comme fa femme, & avec elle une partie de l'Empire qui de

(a) C'est peut-être après ce refus qu'Attila fit mourir Conftance, dont nous avons parlé plus haut.

L'an 450.

voit fervir de dote à la Princeffe. Valentinien n'eut d'auAprèsJ. C. tre réponse à lui faire qu'Honoria étoit mariée, qu'elle n'avoit aucun droit à l'Empire & qu'il devoit fe défifter de toutes ces prétentions imaginaires. Attila infifta fans être plus écouté. En vain il repréfenta l'anneau d'Honoria comme une preuve de fon engagement, Valentinien le refufa toujours. On prétend que le pere de Caffiodore qui fut envoyé en cette occafion vers Attila, lui fit si bien fentir le ridicule de fes prétentions, qu'il fe désista entierement & confentit à la paix. En effet lorfque ce Prince arma peu de tems après, & qu'il entra dans les Gaules, il paroiffoit être allié des Romains. Il fit fçavoir à Valentinien qu'il n'en vouloit point à l'Empire avec lequel il défiroit de vivre en paix, mais à Théodorick Roi des Goths. Ce n'étoit qu'une rufe, & il cherchoit à furprendre Valentinien auffi-bien que Théodorick. Pendant qu'il armoit de tous côtés, il s'attachoit à mettre la divifion entre les deux nations. Après avoir trompé les Romains, il vouloit détacher les Goths de leur parti. Il efpéroit qu'en entrant dans l'occident, il enleveroit Honoria. D'ailleurs le Roi des François venoit de mourir, fes enfans fe difputoient le Thrône. Attila s'étoit déclaré pour l'aîné, Aetius en faveur du fecond. On prétend qu'il étoit encore engagé par Giferick Roi des Vandales, qui appréhendoit que Théodorick, dont il avoit époufé la fœur, ne lui déclarât la guerre pour vanger cette Princesse, que les mauvais traitemens de Giferick avoient fait

Jornandes.

L'an 451.

mourir.

pour por

fuffifans Tous ces prétextes étoient plus que ter un Prince auffi ambitieux que l'étoit Attila à venir faire la guerre dans les Gaules. Il y entra avec une armée nombreuse, compofée de Ruges, de Gelons, de Squires, de Bourguignons, de Bellonotes, de Neures, de Bafternes, de Thuringiens, de Beucteres, de François, de Marcomans, de Sueves, de Quades, de Herules, de Turcilinges & d'une infinité d'autres nations feptentrioJornandes. nales. Selon les uns cette armée étoit de cinq & felon d'autres de fept cens mille hommes. Il avoit avec lui une

y en

troupe de Rois & de Princes qui n'attendoient que fes
ordres & lui obéiffoient en efclaves. Parmi eux il
avoit deux pour lefquels il avoit beaucoup plus d'égards
que pour les autres. La fincérité de l'un & la fidélité de
l'autre leur avoient gagné les bonnes graces d'Attila;
car ce Prince fçavoit eftimer la vertu & il n'étoit bar-
bare qu'envers fes ennemis. Il étoit fier & fuperbe lorf-
qu'il traitoit avec eux, au milieu de fes fujets il étoit
doux & humble; il méprifoit le fafte & les richeffes qu'il
laiffoit à fes femmes & à fes Officiers; il chériffoit fes
fujets, écoutoit leurs plaintes, leur rendoit juftice, ne
permettoit pas qu'on les inquiétât dans la poffeffion de
leurs biens, ni qu'on opprimât les pauvres. Il pardonnoit
aifément, n'accabloit point fes peuples par des tributs, se
plaifoit à inspirer de la crainte & de la terreur aux étran-
gers & il y a réuffi. Dans la guerre qu'il aimoit avec paf-
fion, il étoit brave fans être téméraire. Il formoit de grands
projets & fçavoit les faire réuffir. Il a paffé pour un mon-
tre chez fes ennemis qui l'ont plus craint, qu'ils ne lui
ont rendu justice. A Rome ou à Conftantinople il eût
été regardé comme un Héros, fous fes tentes fes ennemis
ne l'ont dépeint que comme unbarbare. Quand à fon exté-
rieur, il avoit la figure d'un Calmouk, un teint basané, une
groffe tête, un nés écrafé, de petits yeux, peu de barbe,
une large poitrine & une petite taille.

&

Ce Prince fit conftruire un grand nombre de vaisseaux dont le Rhin fut couvert. Partout il publioit qu'il n'en vouloit qu'aux Vifigoths & non pas aux Romains; fous ce prétexte plufieurs villes lui ouvrirent leurs portes, mais on ne fut pas long-tems fans s'appercevoir qu'il avoit de plus grands deffeins. Il fe déclara ouvertement, après s'être rendu maître des villes de Treves, de Strafbourg, de Spire, de Worms, de Mayence, de Besançon, de Laon, de Toul, de Langres, de Mets & de plufieurs autres, après avoir jetté l'alarme jufques dans Paris il vint affiéger Orléans. St. Agnan qui en étoit Evêque alla demander promptement du fecours à Aetius.

Ce Général Romain comptoit fur les Vifigoths, & il

Après J. C.
L'an 451.

Après J. C
L'an 451.

Idace.

L'an 452.

étoit de l'intérêt de ceux-ci de fe joindre à lui, mais ils avoient pris un autre parti qui étoit le plus mauvais; c'étoit d'attendre dans leur pays les Huns. Aetius employa toutes fortes de moyens pour leur faire changer de réfolution; il envoya plufieurs perfonnes pour leur repréfenter la faute qu'ils faifoient & le précipice dans lequel ils alloient fe jetter eux-mêmes, parce qu'ils ne pourroient refifter seuls aux Huns, & qu'Attila les accableroit tous les uns après les autres. Théodorick ouvrit enfin les yeux & confentit à fe réunir aux Romains, ce qui répandit la joye dans le cœur de tous les peuples.

S'il faut en croire quelques Hiftoriens, Aetius n'étoit qu'un fourbe, il promettoit une partie de la Gaule à Théodorick s'il se joignoit à lui, & la même chose à Attila s'il faifoit la guerre aux Goths. Cependant il rassembloit le plus grand nombre de troupes qu'il pouvoit. Théodorick avec fes deux enfans, Thorifmond & Théodorik, le vinrent joindre à la tête des Vifigoths. Cette armée d'Aetius fe trouva compofée de François fous les ordres de leur Roi, de Sarmates, de Bourguignons, de Saxons, d'Armoriques, de Lifiens, de Riverains, d'Ibrions & d'autres nations Celtiques & Germaniques (a).

Pendant que tous ces différens peuples fe raffembloient fous les étendarts du Général Romain, Attila pouffoit avec vivacité le fiège d'Orléans; il fe rendit maître de cette place avant qu'on pût la fecourir, & lui fit fubir toutes les rigueurs auxquelles fe trouve expofée une ville prife d'affaut par les peuples les plus barbares. Elle ne fut cependant pas long-tems entre les mains des Huns. Aetius & Théodorick marcherent en diligence vers cette place, furprirent Attila & après l'avoir vaincu l'obligerent d'abandonner Orléans & de prendre précitemment la fuite. Il fe retira du côté de Troyes où il trouva de va

(a) Thurocz, Hiftorien Hongrois fait entreprendre à Attila une expédition en Efpagne avant cette grande bataille.Il dit qu'il défit le Sulthan proche Séville, &

qu'il l'obligea de fe retirer à Maroc. La
fauffeté de ce récit eft vifible
il n'y
avoit point alors d'Arabes en Efpagna
& Maroc n'exiftoit pas.

L'an 452.

ftes plaines appellées les campagnes de Mauriac (a). Il s'y arrêta dans le deffein de livrer bataille aux Ro- Après J.C. mains. Les deux armées ne tarderent pas à fe rencontrer, & elles fe préparerent de part & d'autre au combat. Il y en eut d'abord un fort vif entre les François qui accompagnoient Aetius & les Gepides de l'armée d'Attila. Il fe donna pendant la nuit, ce qui contribua beaucoup à augmenter le carnage. On rapporte qu'il y périt quinze mille hommes.

Attila dont l'efprit n'étoit pas tranquille eut recours aux Augures, il confulta, fuivant l'ufage de fa nation, les os des animaux pour fçavoir quelles feroient les fuites de cette grande action. Cette pratique eft la même que celle Rubruquis. qui s'obfervoit encore depuis fous les Khans Mogols. On préfentoit trois os de mouton au Prince qui les examinoit avec beaucoup d'attention, en refléchiffant fur l'affaire qu'il alloit entreprendre. Enfuite il remettoit ces os entre les mains des prêtres pour les faire brûler, & après qu'ils étoient noircis, on les rapportoit au Prince qui regardoit attentivement fi le feu les avoit rompus ou éclatés, & en quel fens ils l'étoient; de-là on jugeoit de la réuffite ou du mauvais fuccès d'une entreprife. Attila qui, fuivant les apparences, observa la même chofe dans la confultation qu'il fit par les os, apprit que. le combat feroit fatal au Général ennemi, qu'il y perdroit la vie; mais qu'il en couteroit beaucoup aux Huns. Il crut que c'étoit Aetius qui devoit mourir parce qu'il le fouhaitoit, qu'il le regardoit comme le plus grand de fes ennemis & comme celui qui mettoit le plus d'obstacles à fes deffeins; mais pour éviter les malheurs lui annonçoient les prédictions de l'oracle, il jugea à propos de ne commencer le combat que vers le foir, afin que la nuit furvenant, le carnage cefsât. Il rangea fes trou

(a) Théoph. le Confeffeur paroit placer cette bataille proche Orléans fur le bord de la Loire, mais il confond l'affaire qui fe paffa dans cette ville avec la grande bataille. La Chronique Paf

que

quale la met au contraire proche le Da-
nube, & commet une feconde faute en
donnant au Roi des Goths le nom d'A-
larick.

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