Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Après J. C.

Theophil
Simocat.

Toute la nation des Geou-gen n'avoit pas été enve lopée dans le maffacre que le Khan des Turcs venoit de faire à la Chine, & 3000 hommes ne devoient pas compofer ce peuple entier. La plus grande partie a dû ou refter dans la Tartarie, ou, fuyant la domination des Turcs, fe retirer beaucoup plus loin du côté de l'occident. C'eft ce dernier parti qu'ils ont pris, & ils ont paffé du côté de l'Europe où ils ont été connus fous le nom d'Abares ou d'Awares. Il faut diftinguer dans la Tartarie deux peuples fort différens, auxquels les Européens ont donné le même nom. Les vrais Abares qui étoient braves & fort nombreux, & qui après avoir été vaincus parles Turcs, fe retirerent en partie dans la Chine & en partie chez les Mecrites; les faux Awares ou plutôt les Ogors ou Sogors qui habitoient auprès du fleuve Til. Leurs Princes fe nommoient War & Khounni, ou felon quelques autres Warkhouni, & portoient le titre de Khacan. Ils avoient été également vaincus par les Turcs, & une partie avoit pris le chemin de l'Europe: les Nations Hunniques, c'eft-à-dite les Ouigours, les Sabirs & les autres qui habitoient entre le Volga, & le Tanais, effrayés l'arrivée de cette nation étrangere, la prirent pour par celle des Awares qui étoit redoutable dans la Tartarie. Les Ogors profiterent de cette erreur & fe laifferent donner le nom d'Awares, fous lequel ils furent toujours connus dans la fuite.

A ce recit de nos Hiftoriens on reconnoit facilement la nation des Geou-gen que les Turcs venoient de dédétruire & dont les Princes portoient le titre de Khacan ou de Khan; ils demeuroient aux environs du. fleuve Tou-la, auquel on donne ici le nom de Til. Leur nom même d'You-koul fe retrouve dans celui d'Ogor; mais j'ignore quels étoient les vrais Abares qui refterent dans Ven-bien- 'Orient. Ils peuvent être quelques Hordes Tartares de la nation des Kao-tche, dont plufieurs chefs, pendant toutes ces révolutions, allerent chercher une retraite chez les Empereurs Goei.

sum-kao.

Menandre.

Quoiqu'il en foit, après que le Khan des Turcs eut

vaincu

Après J. C.

le Confof.

vaincu les Ogors, & qu'il eut fait périr leur Khan avec trois mille de fes fujets, comme le difent auffi les ChiTheophilacte nois, ces peuples errerent pendant quelque tems jufqu'à Sim ce qu'ils vinrent à l'occident du Volga, dans le pays que Theophan. les Alains habitoient. Ils prierent le chef de cette nation nommé Saragofius, de leur faciliter les moyens de faire alliance avec les Romains. Le chef des Alains en donna auffi-tôt avis à Juftin qui commandoit les troupes Romaines dans le pays des Lazes, & celui-ci le fit fçavoir à l'Empereur Juftinien qui ordonna qu'on fît venir à Conftantinople les Ambaffadeurs des Ogors que nous n'appellerons plus déformais qu'Awares.

La figure de ces peuples que

re fois dans cette Capitale don vit pour la premié- L'an 558.

Theoph le
Confeffeur

l'Empire y parut toute extraordinaire, & même capable d'infpirer de la frayeur. Ils Menandre. avoient leurs cheveux pendans, liés & treffés avec des rubans, du refte ils étoient habillés comme les Huns. Candich qui étoit chef de cette ambassade dit à l'Empereur Juftinien I. que les Awares étoient une nation brave, nombreuse, invincible & dont l'alliance ne feroit point inutile aux Romains, qu'ils demandoient pour toute condition qu'on leur abandonnât une region fertile & qu'on leur fit quelques préfens avec des penfions. Juftinien qui fe voyoit dans un âge avancé, & qui craignoit de s'attirer fur les bras de nouveaux ennemis, leur accorda ce qu'ils fouhaitoient & leur envoya Valentin pour confirmer l'alliance, & les engager à faire la guerre aux autres barbares. Les Awares ne furent pas plutôt affurés du côté des Romains qu'ils attaquerent & battirent les Igours, les Eitazaliens & les Sabirs, toutes nations qui étoient Hunniques difperfées au nord de la Circaffie. Ces peuples fongerent alors à faire la paix avec ces étrangers, & leur envoyerent à cet effet un ambaffadeur nommé Mezamir qui fe conduifit avec tant de hauteur devant les Awares que le Khan, à la follicitation de quelques-uns & contre le droit des gens, fit tuer l'ambaffadeur. Depuis cette époque, les Awares ne cefferent d'incommoder leurs yoifins par les incurfions qu'ils firent de tous côtés. Ces Tome I.

Y y

Après J.C. peuples avides de butin & fans foi, vivoient difperfés dans les, campagnes comme les Nomades de la Tartarie.

Menandre.

L'an 563.
Theoph le

Byzance.

Les Awares ne cefferent de faire demander à l'Empereur Juftinien un pays où ils puffent demeurer: ce Prince avoit deffein de les placer dans la Pannonie; mais ils ne vouloient point quitter la Scythie. Juftin commandant des troupes dans la Lazique apprit en même tems qu'ils ne cherchoient qu'à amufer l'Empereur, jufqu'à ce qu'ils euffent gagné les bords de l'Ifter. Il confeilla à Ĵustinien de retenir le plus long-tems qu'il feroit poffible les nouveaux ambaffadeurs qu'ils avoient envoyés à Conftantinople, parce que ces peuples ne devoient fe mettre en marche qu'après leur retour. Les ambaffadeurs furent en conféquence arrêtés, & on leur fit enlever des armes qu'ils avoient achetées. Baïan Khan des Awares, informé de la maniére dont on les avoit traités, fe déclara contre les Romains & chercha toutes les occafions de leur faire du mal.

D'un autre côté le Grand Khan des Turcs qui avoit Confeffeur. quelque intérêt d'empêcher que ces Awares ne redevinfTheoph. de fent puiffans, envoya du fond de la Tartarie & des monts Altai près de la riviere Irtifch des ambaffadeurs (a) à l'Empereur pour le prier de ne point donner afile à ces peuples. Mais ceux-ci, voyant que les Romains ne leur tenoient point parole, & que les Turcs, dont la domination s'étendoit de plus en plus vers l'occident, ne ceffoient de les perfécuter, prirent d'eux-mêmes le parti de décamper & de paffer vers le Danube. Il se forma alors deux bandes de cette nation, l'une qui refta dans les montagnes de la Circaffie où elle fubfifte encore; l'autre qui fe retira dans la Pannonie.

Major Erep

kin. Garber.

Les Awares de la Circaffie font difperfés dans les montagnes qui font voifines des Taulinzi & de la Geor

(a) Théophanes le Confefleur qui fait mention de cette Amballade la met la trente-fixiéme année de Juftinien. Théo phanes de Byzance la met fous Justin Il paroît qu'elle do t étre antérieure à la dif

perfion des Awares qui étoient en 566 dans les Gaules, & qu'elle ne doit pas être la même que l'Ambaflade des Turcs qui arriva a Conftantinople fous Juftin en 568.

,

gie. Ils ont une langue qui leur eft particuliere, & qui n'a Après J. C. aucun rapport avec celles des peuples du voifinage. Leur pays confifte en divers villages qui font bâtis dans les montagnes, & ils font gouvernés par un Prince qui porte le titre d'Ufinei-awar. Mais il n'eft point le maître abfolu de toute la nation. Il y a plusieurs autres chefs qui font Souverains dans leurs cantons. Aujourd'hui ils font Mahométans 'Sunnis, & l'Ufmei - awar eft fujet de la Ruffie depuis l'an 1727. Les autres chefs ont été de tous tems indépendans & le font encore. Au milieu de ces montagnes ils ont des beftiaux & cultivent la terre mais à peine rapporte-t'elle de quoi les faire fubfifter. Ils font fort tranquilles & incommodent rarement leurs voïfins. Ils ont des armes à feu, des arcs, des fléches & des fabres. En fe foumettant aux Ruffes, l'Ufmei-awar qui étoit alors appellé Uhma-khan avoit deffein de réduire fous fon obéïffance tous les autres chefs de la nation. La famille de ce Prince gouvernoit depuis long-tems les Awares. Autrefois un de fes ancêtres, qui avoit été chassé par fes fujets, s'étoit retiré dans la Ruffie, dans le tems que les Mogols en étoient les maîtres, & Batou-kan fils de Genghiz-khan l'avoit rétabli dans fon pays.

Tours.l.

Adonis
Chron.

4.

La feconde bande des Geou-gen ou Awares paffa le Ta- Gregoire de naïs & fe rendit dans la Pannonie, d'où elle fit des courfes jufques dans les Gaules. Après la mort de Clotaire I. le Royaume de France avoit été partagé entre fes quatre L'an 561. enfants, Cherebert, Gontran, Chilpéric & Sigebert. Celui-ci étoit Roi d'Auftrafie, & avoit pour Capitale la ville de Mets. Ce fut lui qui effuya toute la fureur des Awares auxquels nos Hiftoriens ont auffi donné le nom de Huns. Il les défit fur le bord de l'Elbe, & fit enfuite la paix avec leur Khan. Les Awares avoient envoyé en mêmetems des Ambaffadeurs à Conftantinople vers l'Empereur Juftin qui venoit de fuccéder à Juftinien, pour féliciter ce Prince, & lui demander les préfens ordinaires. Ils firent valoir auprès de Juftin les grands fervices qu'ils prétendoient avoir rendus à l'Empire en faifant la guerre à tous les barbares du nord. Ils demanderent une augmentation

des penfions qu'on avoit coutume de leur donner, fous Après J. C. prétexte, difoient-ils, que c'étoit le feul moyen d'empêcher que leur Khan ne ravageât les terres de l'Empire. Juftin que ce difcours indignoit leur répondit qu'il fçauroit les faire rentrer dans le devoir, & les rendre moins infolens. & plus fages, réponse qui les intimida tellement qu'ils fe retirerent fans rien conclure.

L'an 72

Gregoire de Tours L. 4.

Menandre.

On ignore ce que fit cette nation jufqu'au tems qu'elle rentra une feconde fois fur les terres de Sigebert Roi d'Auftrafie. Ce Prince marcha à leur rencontre pour leur livrer bataille. Mais on rapporte que les Awares, adonnés à la magie comme le font tous les Tartares, firent paroître des spectres affreux qui jetterent l'épouvante dans l'armée Françoife. Quelque foit le fujet qui ait mis en déroute Sigebert, il eft certain qu'il fe trouva environné de tous côtés, & qu'il n'échappa qu'à force de préfens. Le Khan des Awares fit un nouveau traité avec les François & les deux nations fe féparerent.

Baian reçut alors des Ambaffadeurs de la part d'Alboin Roi des Lombards qui lui propofoit de réunir fes forces aux fiennes contre les Gepides leurs ennemis communs & qui étoient amis des Romains. Ces Ambaffadeurs repréfenterent au Khan qu'après la deftru&ion des Gepides, les Awares, maîtres alors de toute la Scythie, & n'ayant plus rien à craindre du côté du nord, s'empareroient facilement de la Thrace, d'où ils pourroient faire des courfes jufqu'à Conftantinople, & que fi on ne prevenoit les Romains, tôt ou tard ils détruiroient les Awares. Le Khan pour rendre fon traité plus avantageux ne s'empreffa point de repondre, & parut même ne point écouter ces propofitions; il laiffa longtems les Ambaffadeurs dans l'incertitude fur le parti qu'il prendroit, & ne fe décida quand les Lombards lui eurent offert la dixiéme partie de leurs beftiaux, la moitié de tout le butin qu'on feroit fur les Gepides & le pays de ces derniers. Ce n'eft qu'à ces conditions qu'il fe mit en campagne, aida les LomL'an 573. bards à détruire entierement les Gepides, & qu'ils ravagerent ensemble les Provinces voifines du Danube,

que

« AnteriorContinuar »