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peaux

qui tendoient à mettre la difcorde, & qui pouvoient devenir d'autant plus préjudiciables aux Chinois en parti- Avant J. C. culier, que le Miniftre étoit inftruit des deffeins de l'Em- Lao-cham. pereur & de la véritable situation des affaires de la Chine. Tchog-hang-yue s'oppofoit de toutes fes forces au luxe Chinois qui commençoit à s'introduire parmi les Huns. Il en faifoit voir les conféquences dangereufes, & foutenoit que pour des peuples, qui font continuellement à chaffer dans les forêts ou à garder leurs troupeaux, les habits de à caufe de leur durée étoient préférables à toutes les plus belles étoffes de foye qui fe fabriquent à la Chine; que le lait & les productions de la Tartarie fuffifoient pour la nourriture des Huns; que s'ils adoptoient une fois les mœurs des Chinois, ne pouvant plus fe passer alors de leurs denrées, il ne défefpéroit pas de voir un jour les Huns foumis à la Chine. C'eft ainfi qu'il ne ceffoit de représenter au Tanjou que fes fujets ne devoient point s'écarter des mœurs qui avoient toujours rendu leurs ancêtres invincibles. A ces confeils, il en joignoit d'autres qui tendoient à rendre le Tanjou plus abfolu. Il voulut qu'il eut un état éxact du nombre de fes fujets & de la quantité de leurs biens,afin que par-là il fut plus en état,lorfqu'il voudroit entreprendre quelque expédition contre la Chine, de lever de grandes armées. Devenu l'ennemi mortel des Chinois, il engageoit le Tanjou à traiter avec beaucoup de hauteur leurs Ambaffadeurs. En effet lorfque l'Empereur de la Chine écrivoit au Tanjou, il s'exprimoit ainfi: L'Empereur prie refpectueusement le Grand Tanjou des Huns, &c. la grandeur des tablettes étoit déterminée. Tchong-hangyue confeilla au Tanjou de fe fervir de tablettes beaucoup plus grandes,& de mettre en tête, Le Grand Tanjou des Huns, engendré du Ciel & de la Terre, établi par le Soleil & la Lune, prie refpectueusement l'Empereur de la Chine de &c. Dans toutes les occafions Tchong-hang-yue cherchoit à mortifier les Chinois qui étoient à la Cour du Tanjou, particulierement ceux qui étoient chargés des Ordres de l'Empereur de la Chine. Il s'efforçoit de mettre les Huns au - deffus des Chinois, Les Huns lui, difoit-on, méprisent les vieil

Avant J. C.
Lao cham.

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Íards. Combien en trouve-t-on à la Chine, répondoit
Tchong-hang-yue, qui, après de longs fervices,manquent
des néceffiés de la vie. Si les Huns ne s'occupent que
de la
c'est
guerre,
le bien commun de la Nation
pour
» les vieillards & ceux à qui la foibleffe ne permet pas d'y
aller, ont abbondamment dequoi vivre, & on a foin de
les défendre. Le pere & les enfans se soutiennent mu-
tuellement ; c'eft envain que l'on accufe les Hụns d'a-
» voir du mépris pour la vieilleffe. Quand les Chinois lui
objectoient que chez les Huns les peres & les enfans de-
meurent & couchent enfemble fans aucune pudeur, qu'à
la mort d'un pere un fils épouse sa belle- mere, & qu'à
la mort d'un frere un autre frere fait de fa belle-four fa
femme, Tchong-hang-yue donnoit toujours la préférence
aux mœurs & au Gouvernement des Huns. Ceux-ci,
difoit-il, ne vivent que de la chair des animaux, ne boi-
» vent que du lait, ne s'habillent que de peaux, ils con-
» duifent leurs nombreux troupeaux dans les prairies & aux
bords des rivieres ils changent de demeure felon les
» différentes faifons; s'ils manquent de vivres, ils mon-
» tent à cheval & vont à la chaffe ; fi l'abondance regne
parmi eux, ils fe réjouiffent, nulle affaire ne les inquié-
te. Ils méprifent le changement, & fi un fils épouse
» fa belle-mère, un frere fa belle- foeur, c'eft pour empê-
cher que les familles ne périffent. Malgré tous les trou-
»bles dont l'Empire des Huns a été agité jufqu'à préfent,
jamais on n'a vû ces peuples mettre fur le Thrône un
» Prince d'une autre famille & s'y foumettre. A la Chine,
» au contraire, on fe maffacre les uns les autres, & l'on
fe rend lâchement à celui qui peut ufurper l'Empire;
» c'est ainsi que tout eft en confufion
, & que tous les
anciens ufages font détruits. On y bâtit des villes avec
de fortes murailles pour la défenfe du peuple, & lorf-
» que ce peuple eft attaqué, forcé par ces mêmes mu-
» railles, il ne peut plus fe défendre.

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Tels étoient les difcours du traitre Tchong-hang-yue; de-là réfultoit un grand mépris pour les Chinois : on les traitoit avec hauteur & l'Empereur Ven-ti paroiffoit n'y

point faire d'attention. Un Miniftre zélé nommé Kia-y Avant J. C. ofa lui reprocher cette infensibilité. » Un Empereur, Lao-cham. dit-il, eft fans contredit la tête de l'Empire, il eft au- Duhalde deffus du refte de la Nation. Les barbares de nos con- tome 2. fins en font les extrêmités & les pieds, fi l'on

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peut s'ex

primer ainfi. Aujourd'hui les Huns nous font mille infultes, & pour en éviter de plus fréquentes, nous leur fourniffons chaque année de groffes fommes, foit en argent, foit en autres denrées. Les exiger ce feroit fai»re les Maîtres; mais auffi leur payer ce tribut, c'est » être fujet. Les pieds font en haut & la tête en bas. Quel effroyable renversement ! pendant qu'on le fouffre, peut-on dire qu'il y ait dans l'Empire des Officiers vrai»ment zélés; c'eft réellement la trifte & honteufe fitua»tion où il fe trouve aujourd'hui, & perfonne ne s'efforce de l'en tirer. Il fouffre encore des douleurs vio» lentes dans un de fes côtés, c'est du Nord-ouest que » je parle. Malgré les dépenfes qu'on y a faites pour y »entretenir de nombreuses troupes & des Officiers avec de gros appointemens, les Peuples y font toujours dans l'allarme. Tous ceux qui ont tant foit peu de force font » fans cesse sentinelle; ils font occupés jour & nuit à fai»re des feux ou à donner des fignaux les troupes de » leur côté font obligées de dormir la cuiraffe fur le dos & le cafque en tête. Ce font là des maux réels qui affligent votre Empire: un Medecin offre un reméde » pour l'en guérir; on ne veut pas l'écouter, cela n'eftpas capable de tirer les larmes des yeux? Portant, » comme vous faites le glorieux titre d'Empereur, n'eftce pas une ignominie de vous rendre, en effet

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» il

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» me tributaire ? fi vous continuez de fouffrir le dernier de » tous les opprobres, & fi vous laiffez invéterer les maux » préfents, à quoi aboutira cette conduite? Parmi tous » ceux dont Votre Majefté prend les avis, il n'en est point qui ne convienne de la réalité des maux que je vous expofe. Mais s'agit-il d'y remédier, ils ne voyent pas, difent-ils, comment s'y prendre : pour moi je fuis d'un avis bien différent. Toute la Nation des Huns n'a pas

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Avant J. C.

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» tant de monde qu'une feule des grandes Villes de vo Lao-cham.j » tre Empire. Or quelle honte n'eft-ce pas, pour ceux qui » gouvernent, de ne pouvoir réfifter avec les forces d'un » fi vafte Etat, à une Puissance fi limitée. Les maux que » nous fouffrons des Huns font fi peu irremediables, qu'» avec les feules forces d'un des Princes qui vous font foumis, pour peu qu'on fuivit mes confeils, bientôt ces Barbares feroient domptés. Faites - en l'épreuve, vous » ferez dans peu maître du fort du_Tanjou, & je ferai punir fi vous voulez le traitre Tchong-hang-yue qui » eft à la tête de fon Confeil. Souffrez que je le dise, si » les Huns font fi fiers c'eft votre maniere d'agir qui en » eft la cause. Au lieu de courir fur ces Sauvages qui vous inquietent, vous vous amusez à donner la chasse à des ani"maux, & pour un divertiffement frivole, vous negligez de penser à de si grands maux. Ce n'est pas ainfi que fe » procurent le repos & la fureté. Il ne tiendroit qu'à vous, » fi vous le vouliez bien, de rendre votre autorité redoutable & de faire aimer votre vertu aux Contrées les plus éloignées, même au-delà des bornes de vos Etats, & cependant aujourd'hui à peine pouvez-vous » vous affurer d'être obéi à trente où quarante lieues de » votre Empire.

Kam mo.
Lie-tai-ki-

Ги

L'an 169.

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On voit par ce difcours, avec quel mépris les Chinois parloient des Huns, & en même-tems combien ceux-ci caufoient de défordres dans l'Empire de la Chine. Ils ne ceffoient de ravager les frontieres, furtout le Nord de la Province de Chenfy,jufqu'aux environs de Lin-taofou. C'est à cette occafion que quelques Officiers repréfenterent à l'Empereur de la Chine, qu'on ne s'appliquoit point assez à l'étude de l'Art-Militaire, que la fubordination dans les troupes étoit négligée, que les Huns, qui demeuroient dans un pays raboteux, couvert de montagnes plein de lacs & inacceffible aux armées Chinoifes, pouvoient bien être vaincus en plufieurs rencontres; mais qu'ils ne pouvoient jamais être foumis entierement; les vents, les pluyes qui furvenoient, la faim, la foif dont les Chinois fe trouvoient accablés

dans

Lao-cham.

dans ces affreufes folitudes les empêchant de pouvoir y fubfifter long-tems & de pourfuivre trop loin les armées Avant J. C. des Huns; que fi l'Empereur étoit réfolu de dompter ce Peuple & de le foumettre à fon Empire, il n'y avoit pas d'autre moyen que d'applanir le pays & d'y faire des grands chemins pour rendre plus facile le paffage de la Cavalerie, de l'Infanterie Chinoise & des chariots. Une entreprise de cette efpéce étoit trop difficile pour être exécutée, & il n'en fut jamais question que dans les repréfentations que les Miniftres Chinois faifoient à leur Empereur. Les Huns, qui n'étoient pas intimidés par ces grands projets, ne laiffoient pas de continuer leurs courses; cent quarante mille hommes de cavalerie, commandés par le Tanjou, entrerent dans la Chine, prirent plufieurs sfu-ki. places du district de Pim-leam-fou dans le Chenfy, brû- Kam-mo lerent un Palais de l'Empereur, firent un grand nombre L'an 166. de Prifonniers & un butin encore plus confidérable. butin_encore Ven-ti, qui étoit alors fur le Trône de la Chine, rassembla lui-même ses troupes pour se mettre à leur tête & marcher contre les Huns; mais il n'en arriva rien de plus. Ce Prince, détourné par les inftances de l'Impératrice, donna le commandement de fon armée à un de fes Généraux qui marcha contre le Tanjou, & lui laissa le tems de regagner fes Etats, fans avoir été inquiété. Tout ce grand appareil Chinois ne fervit qu'à rendre les Huns plus fiers & plus entreprenants.

Han-chou.

Kam-mo.

Je place ici une expédition importante que fit ce Tan- L'an 161. jou dans le pays de So-tcheou & des environs, où les S-ki Yue-chi étoient établis depuis long-tems. Ces Peuples Lie-tai-kiqui étoient les ennemis des Huns n'avoient pû être forcés fu dans les guerres précédentes qu'à leur payer tribut, & ils étoient toujours demeuré vers So-tcheou. Il n'en fut pas de même dans celle que le Tanjou leur déclara. Il remporta de grandes victoires fur ces Peuples, les défit entiérement, tua leur Roi, & fit du crâne de ce Prince un vase dont il fe fervit toujours depuis dans les grandes cérémonies. Les Yue-chi, détruits & chaffés de leur pays par les Huns, se diviferent en deux bandes & allerent chercher de nouvelles Tome I.

F

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