HISTOIRE GÉNÉRALE DES HUNS : LIVRE SIXIÉME. LES TURCS OCCIDENTAUX. ES Turcs avoient tellement étendu les limites de leur Empire, que de si vastes Etats, qui comprenoient tout le nord de l'Asie, c'est-à-dire la Tartarie & la Siberie presque entiére, ne pouvoient être long-tems gouvernés par un seul maître. Le Grand Khan qui résidoit aux monts Altai avoit distribué aux Princes de sa famille le gouvernement des Provinces avec le titre de Khan. Mais indépendamment de ces petits Khans subalternes, dispersés en plusieurs endroits de la Tartarie, le Grand Khan fut obligé plus particuliérement d'en placer un du côté de l'occident, tant pour gouverner ces Provinces éloignées du centre de l'Empis re, que pour en imposer aux Nations voisines: c'est-à-dire aux Perses & aux Romains, maîtres alors du reste de l'Asie. Ce Khan, quoique vassal du Grand Khan, étoit revêtu d'une autorité d'autant plus considérable, qu'il avoit à traiter avec des peuples puissans. Il étoit important qu'il se fit craindre cet ancien Empire des Turcs eut donc le même fort que celui des Mogols qui s'établit dans la fuite, & qui avoit à peu près la même étendue. Gengiz-khan & ses successeurs regnoient dans le fond de l'Asie pendant que d'autres Khans de sa famille se formerent des Etats dans le Captchaq & dans la Perse, dont à la réferve de quelques hommages qu'ils devoient rendre au Grand Khan, ils étoient en quelque façon maî tres absolus. Après J. C. Tou-muen-il-khan fondateur de l'Empire Turc, après So-humavoir conquis une grande partie de la Tartarie, laissa son kien-lou. Royaume à fon fils nommé Y-fie-ki-khan, auquel succéda Mo-kan-khan, le plus grand Conquérant de l'Afie. Ensuite le throne fut occupé par To-po-khan, qui partagea l'Empire entre deux Khans qui lui étoient soumis : Ulhfou-khan avoit l'Orient pendant que Pou-li-khan gouver- L'an 572 noit l'Occident; mais Cha-po-lio-khan successeur de To-po Lietai-ki établit quatre Khans. Celui auquel l'Occidentéchut étoit nommé Tien-kioue, ou Che-tie-mi frere du premier Khan Tou-muen, il prit le titre de Ta-teou-khan; onl'appella aussi Pou-kia-khan. C'est lui qui dans l'histoire Byzantine por- L'an 581. te le nom de Tardou: il demeura pendant quelque tems Justin. aux monts Altai, se rendit formidable à tous les autres Khans, & devint dans la suite Grand Khan des Turcs orientaux. Kam-mo. Ligam Pendant les troubles dont l'Empire Turc étoit agité, L'an 583. Ta-teou donna du secours à A-po-khan, le même qui A-po-khan l'an 579 étoit venu attaquer le Bofphore alors foumis aux Empereurs de Conftantinople. Ce dernier avoit été fait Khan d'Occident, & il venoit d'être dépouillé de ses L'an 585. Etats par Cha-po-lio khan; mais la victoire qui se tourna de fon côté, le rendit ensuite un des plus puissans Princes du Turkestan, le mit en état de se séparer du reste lou. Hum-kien de la Nation, de s'établir le long de la riviere d'I-li dans Après the l'ancien pays des Ou-fiun, où il fut le premier Grand A-po-khan Ven-hientum-kao. par ceux des Turcs orientaux, & probablement par la riviere d'Irtisch, s'étendoient du côté de l'occident jusqu'à une mer, appellée Lou-tchou-hai, qui ne peut être que les Palus Mxotides, puisque le Bosphore qui venoit d'être enlevé aux Romains lui étoit soumis. Le pays de Kafchgar les bornoit au midi. Pendant l'hyver il tenoit sa Cour à sept journées de marche au nord-ouest d'Yen-tchi ou Haraschar; c'est ce que l'on appelloit Nan-ting ou Cour du midi: & pendant l'été dans un pays plus au nord de huit jours, qui portoit le nom de Pe-ting ou Cour du nord, situé au nord de Turphan: il avoit pour sujets les Hordes de Tou-ling, de Nou-che-pi, de Ko-lo-lou, de Tchouyoue, de Tchou-mi, d'Igours & autres; mais la fortune lui devint contraire dans la suite. A-po-khan vaincu par Cha-po-lio-khan, fut fait prifonnier, & les Turcs ses sujets déférerent l'Empire à un fils de Yam-su qui prit le titre Ni-li-khan. de Ni-li-khan. On ignore ce qui s'est passé pendant le tems Tam chou. que ce Prince fut sur le throne. Il eut pour successeur Lie-tai-ki- fon fils Ta-man qui fut appellé Ni-kioue-tchou-lo-khan. L'an 586. fu. Kam-mo. Sa mere nommée Hiang-chi étoit Chinoise d'origine. Ven hien- Après la mort de fon mari & après avoir épousé Po-che frere de Ni-li-khan, elle se retira à Si-gan-fou, capitale du Chensi. tum-kao. L'an 600. Tchou-lokhan. Le Grand Khan Ni-kioue-tchou-lo-khan habitoit ordinairement dans l'ancien pays des Ou-siun vers la riviere d'Ili. Il avoit partagé le gouvernement de ses Etats entre deux principaux officiers qui portoient le titre de Khan. L'un demeuroit au nord de Schasch, & l'autre au nord d'Aksou. Le huitième jour de la cinquiéme lune, tous les officiers de l'Empire tenoient une assemblée générale dans laquelle on faisoit des sacrifices, le Grand Khan envoyoit un de ses principaux officiers vers la grotte qui avoit fervi de retraite aux ancêtres des Turcs, & là on faifoit encore un sacrifice. Au reste ces Turcs occidentaux avoient la même forme de gouvernement & les mê mes JC. mes mœurs que les Turcs orientaux. La mauvaise con- Après duite du Grand Khan Tchou-lo fut cause que plusieurs Tchou-lode ses sujets se révolterent. Les Tie-le furent les premiers khan. & les plus rédoutables : ces peuples étoient de ces anciens L'an 605. Huns répandus de toutes parts dans la Tartarie; ils étoient nombreux & gouvernés par plusieurs chefs qui prenoient le titre de Se-kin ou Ki-kin: leurs mœurs étoient les mêmes que celles des Turcs, ils vivoient de brigandages, les auils étoient foumis, les uns aux Turcs orientaux & tres à ceux de l'occident. Tchou-lo-khan mena contre eux ses armées, les battit & les obligea de lui payer de grosses contributions; il accabla d'impôts plus particufiérement la Horde des Sie-yen-to qu'il redoutoit, & pour empêcher qu'elle ne se revoltât, il fit afsfembler tous ses chefs qui étoient au nombre de cent, & les fit massacrer, action barbare qui ne servit qu'à irriter ces peuples. En effet, il les vit bientôt sous les armes, conduits par un chef nommé Ko-gneng de la Horde de Ki-pi, qu'ils s'étoient choisi, & auquel ils venoient de donner le titre d'Ye-tchin-mo-ho-khan : celui-ci se nomma un petit Khan appellé Tce-ye-tou de la Horde des Sie-yen-to. Mo-hokhan avoit du courage, étoit aimé de ses sujets & refpeté de ses voisins; il battit en plusieurs rencontres Tchoulo-khan, & se rendit maître en afssez peu de tems des pays de Hami, d'Igour & d'Haraschar, & établit sa Cour à la montagne Tan-han-chan au nord de Turphan. Là devenu très-puissant par le nombre des peuples qui se jettoient dans son parti, & par l'étendue des pays dont il fit la conquête, il se vit en état de faire des courses jusques fur les frontiéres de la Chine. Tel étoit le fort de cet L'an 607: Empire d'être continuellement expofé aux irruptions & Lie-tai-kiaux ravages de tous les barbares de la Tartarie. La Chi-Su. ne étoit pour eux un objet d'envie, & une source intarifsable de richesses : ils obtenoient des présens considérables pendant la paix: pendant la guerre ils y faifoient un butin immense. L'Empereur Yam-ti de la Dynastie des Soui qui regnoit alors, fut obligé d'envoyer des troupes contre ces Turcs; mais quoiqu'elles n'eussent remporté aucun Tome I. Nnn Tchou-lo khan. avantage, les Tie-le cesserent les hoftilités, demanderent Après J. C. à faire la paix, & proposerent de se soumettre, ce qui fut accepté avec joye par le Monarque Chinois: ils se secoururent même dans la guerre qu'il faisoit alors aux Tou-ko-hoen, peuple Tartare qui habitoit aux environs du lac de Coconor. Le Khan des Tou-ko-hoen fut obligé de se sauver dans les montagnes de l'Inde & abandonna tout son pays aux Chinois, qui y établirent des garnifons. L'an 603. Kam-mo. Su. Les traités que la Chine avoit faits avec les Tie-le Lie-tai-ki- ne l'empêcherent pas de rechercher l'alliance de Tchoulo-khan: démarche qu'elle fit beaucoup valoir, quoiqu'elle en eut besoin pour ses propres affaires. Poeikiu que l'Empereur Yam-ti avoit chargé d'aller en Tartarie pour avoir inspection fur les Tie-le, avoit appris que le Khan aimoit tendrement sa mere qui demeuroit à la Chine: il crut que cela pouvoit acheminer à la paix, & proposa à l'Empereur de lui envoyer à cette occafion une ambassade. Yam-ti suivit ce conseil, mais le Khan, foit par mécontentement de tout ce qui s'étoit passé auparavant, foit par le mépris qu'il avoit conçu pour les Chinois, voulut recevoir l'ambassadeur avec hauteur & fans se lever de dessus son throne, suivant l'usage ordinaire. Poei-kiu s'en plaignit en rapportant l'exemple de Ki-min Grand Khan des Turcs orientaux, qui s'étoit de lui-même déclaré sujet de l'Empire, quoiqu'il fût plus puissant que lui: il ajouta que l'ambassade qu'on lui envoyoit, avoit été follicitée par sa mere, & que ce n'étoit que par une espéce de compassion que l'Empereur lui avoit accordé cette grace; mais que s'il vouloit encourir le ressentiment des Chinois, il exposoit fon Empire à être détruit. Tchoulo-khan fit par crainte tout ce qu'on exigea de lui, & envoya enfuite aux Chinois de ces chevaux fameux qui fuent le fang, & que l'on tiroit du pays de Ta - ouan, fitué aux environs du Sihon. : Quoique les Chinois fussent ainsi liés par des traités avec les Turcs & avec les Tie-le, ils ne perdoient point de vûe leurs propres intérêts: les circonstances plus ou |